Suite au dépôt frauduleux de la marque « Assassin’s Creed » en caractères chinois, Ubisoft gagne une action en invalidation sur la base d’un nom de jeu
Comme vous le savez probablement, « Assassin’s Creed » est un jeu vidéo développé et commercialisé par la société Ubisoft. Depuis son lancement en 2007, il a connu un très grand succès. Un succès dont a voulu profiter la société Hongkongaise Lion Rock qui a déposé entre 2009 et 2019 plus de cent marques composées soit du nom « Assassin’s Creed » en caractères latins ou chinois, soit du logo ou de dessins du jeu. Parmi ces dépôts, le nom du jeu en caractères chinois a été déposé en classe 25 désignant les produits de vêtements. Ce dépôt frauduleux, qui est manifeste sur le plan moral, n’est pourtant pas évident à attaquer sur le plan juridique car aucune loi ni aucun règlement ne prévoit la protection d’un nom de jeu en Chine et le principe de mauvaise foi n’est pas directement applicable à lui seul auprès des autorités chinoises.
Étude de l’évolution des pratiques d’examen en Chine
Notre article d’aujourd’hui concerne une situation que rencontrent de nombreux déposants chinois et étrangers en Chine : suite au dépôt d’une demande de marque, le déposant reçoit une décision de refus provisoire émise par l’Office chinois des marques (China Trademark Office ou CTMO), décision qui est motivée par l’existence de marques antérieures déposées par des tiers. Relevons à l’occasion qu’il s’agit d’une des motivations de refus telle que prévue par l’article 30 de la loi des marques. Comment réagir dans ce cas de figure ?
Les marques notoires semblent être de mieux en mieux protégées en Chine, comme en témoigne le cas Lafite. Dans cette affaire, la société française Les Domaines Barons de Rothschild (Lafite) a réussi à faire annuler la marque «拉斐特 » (LA FEI TE en pinyin) reprenant le terme « Lafite» en caractère chinois alors même que les classes désignées étaient différentes.
La marque « 拉 斐 特 » n°6054822 a été déposée le 17 mai 2007 par Beijing Chateau Lafitte Hotel et enregistrée le 21 avril 2015 en classe 43 pour des services de restauration, d’hôtels et de bars.
La société française Les Domaines Barons de Rothschild (Lafite), notamment titulaire de la marque « LAFITE », a déposé une action en annulation auprès du TRAB (Trademark Review and Adjudication Board) afin que soient reconnus :
Le caractère notoire de ses marques « LAFITE » n° 1122916 et « 拉菲 » (LAFITE en caractères chinois) n° 6186990 désignant des produits vitivinicoles.
L’atteinte par la marque adverse à ses marques notoires « LAFITE » en caractères latins et chinois.
La similitude entre le signe adverse et les siens, ainsi qu’entre leurs produits et services respectifs.
L’atteinte par la marque adverse à son nom commercial.
Cependant, par une décision du 16 août 2016, le TRAB a considéré que la marque litigieuse ne portait pas atteinte aux marques invoquées en ce que leurs produits et services respectifs étaient différents. En outre, il a considéré que le titulaire des marques « LAFITE » ne prouvait pas que ses marques étaient notoirement connues en Chine au moment du dépôt de la marque litigieuse. En conséquence, le TRAB a confirmé l’enregistrement de la marque litigieuse.
La société Les Domaines Barons de Rothschild (Lafite) a alors interjeté appel de cette décision devant le Tribunal Populaire Intermédiaire de Pékin (Beijing Intermediate People’s Court) qui a annulé la décision du TRAB et a ainsi renvoyé l’affaire devant celle-ci afin qu’elle soit réexaminée.
Ultérieurement à ce réexamen, le TRAB et la société Beijing Chateau Lafitte Hotel ont saisi le Tribunal Populaire Supérieur de Pékin (Beijing High People’s Court) qui a considéré dans sa décision les éléments suivants :
Avant le dépôt de la marque litigieuse, la société française Lafite avait déjà établi, au fil des années, une solide relation entre ses marques « LAFITE » et « 拉菲 », de sorte que pour le consommateur chinois, ces marques ont clairement la même provenance commerciale.
La marque litigieuse « 拉 斐 特 » est phonétiquement identique à la marque « 拉菲 » de la société française, ce qui en fait une copie et une imitation.
Bien que les services pour lesquels la marque litigieuse est autorisée à être exploitée appartiennent à une classe différente des marques invoquées par ladite société, le groupe de consommateur ciblé par ces marques est susceptible d’être le même.
Dès lors, au regard de tous ces éléments, le Tribunal a estimé qu’il existait un risque de confusionentre la marque litigieuse et les marques LAFITEpour le public pertinent chinois, et a par conséquent annulé la marque litigieuse.
Ainsi, alors que le caractère notoire d’une marque est généralement difficile à prouver auprès des tribunaux chinois, cette affaire est un exemple de l’amélioration de la protection des marques notoires en Chine, dont nous avions déjà fait état sur notre blog, étendue cette fois à des activités distinctes de celles couvertes par les marques déclarées notoires.
Extension du délai de prescription pour déposer les litiges relatifs aux noms de domaine en .cn et .中国
Suite à la publication d’un avis du Centre d’information sur le réseau d’Internet chinois (CNNIC), une nouvelle politique de règlement des litiges relatives aux deux ccTLD (country code top-level domains) .cn et .中国 (Chine en caractères chinois) est entrée en vigueur à compter du 18 juin 2019. Elle prévoit une extension de la durée de prescription des litiges relatifs aux noms de domaine à 3 ans à compter de la date d’enregistrement du nom de domaine, contre 2 ans auparavant.
Vous trouverez ci-après un récapitulatif des délais de prescription applicables à ce type de litige :
Une analyse des récents efforts des autorités chinoises pour lutter contre les dépôts de marques de mauvaise foi
Les squatteurs de marques font obstacle à l’enregistrement et à l’utilisation équitable des marques par leurs propriétaires légitimes. Les autorités chinoises ont entrepris des efforts constants pour mettre fin à cette situation ces dernières années. La version récemment révisée de la Loi chinoise relative aux marques, ainsi qu’une décision intéressante de la Cour suprême chinoise rendue en fin d’année dernière, semblent être des signes positifs d’amélioration de la protection juridique contre les dépôts de marques de mauvaise foi sur le marché chinois. Cependant, étant donné que le droit chinois des marques applique le principe du premier déposant, faisant bénéficier de la protection la première personne à enregistrer la marque, indépendamment du fait qu’elle l’ait utilisée ou prévoie de l’utiliser, les dépôts de marques de mauvaise foi sont et demeureront en Chine un défi pour les années à venir. Nous vous proposons d’analyser ces évolutions récentes de la loi et de la jurisprudence chinoises et expliquer pourquoi les dépôts de mauvaise foi constituent une situation particulièrement difficile à gérer pour les autorités chinoises.
Après une première réduction en 2017, une nouvelle réduction des taxes officielles relatives aux marques est entrée en vigueur le 1er juillet 2019, qui concerne principalement les renouvellements ainsi que les demandes en ligne adoptant les notifications électroniques.
En septembre 2007, Wenger S.A. dépose en classe 25 la demande de marque « SWISSGEAR » auprès de l’Office chinois des marques. S’ensuit une épopée administrative de plus de 10 ans, la demande de marque ayant récemment fait l’objet d’un rejet final de la part de la Haute Cour de Pékin. Nous vous proposons de revenir sur cette affaire et, à cette occasion, de vous en dire plus sur la protection des marques incluant un nom de pays.
En août 2018, les réseaux sociaux chinois ont relayé une nouvelle intéressante : parmi les publications de dépôt affichées sur le site internet de l’Office chinois des marques (CTMO) se trouvait une demande de marque figurative représentant une émoticône très populaire en Chine. Elle représente un personnage qui rit aux larmes. En lisant cette nouvelle, il y a fort à parier que les internautes ont eu une expression très similaire à l’émoticône en question.
Le célèbre fabricant de jouets danois Lego a remporté au cours des dernières années plusieurs procès portant sur la propriété intellectuelle en Chine. Les décisions rendues en sa faveur par les tribunaux tiennent compte de la résolution des autorités locales à combattre la violation de la propriété intellectuelle en Chine.
Bonne nouvelle ! Le système de gestion de marques en ligne a été formellement lancé le 27 décembre 2018. Ce nouvel outil devrait notamment permettre de raccourcir la durée moyenne d’examen lors de l’enregistrement d’une marque en Chine continentale.
Le 27 décembre 2018, la CNIPA, office de la propriété intellectuelle en Chine, a inauguré le système de service de marques en ligne, ce dernier est considéré comme un jalon historique du processus de réforme visant à l’amélioration de l’enregistrement des marques.
Les nouveautés de ce système
Avec le lancement de ce système, l’ensemble des procédures relatives aux marques pourront être réalisées en ligne qu’il s’agisse du dépôt de la demande d’enregistrement, du transfert de marque ou encore de son renouvellement. Grâce à la baisse des dossiers « papier » que l’apparition de cette nouvelle plateforme devrait engendrer, la durée moyenne d’examen applicable lors de l’enregistrement d’une marque en Chine continentale devrait être raccourcie de 2 mois (passant de 8 mois à 6 mois) comme nous vous l’avions annoncé précédemment sur notre blog (raccourcissement de l’examen et promotion du dépôt électronique).
Ce raccourcissement de la procédure d’examen devrait avoir un impact positif sur la durée globale de la durée d’enregistrement. Le public peut désormais également utiliser ce système électronique pour se renseigner et obtenir des informations concernant une marque. Certains documents officiels tels que le certificat d’enregistrement, le justificatif de priorité, les documents relatifs au changement d’une marque, à son transfert ou son renouvellement sont disponibles sur la plateforme. La recherche d’informations dans ce système peut être réalisée avec le numéro d’enregistrement de marque, le nom de déposant, l’intitulé de la marque, etc. De plus, un code QR sera attribué à chaque certificat d’enregistrement délivré après la mise en ligne de cette système. Cela permet au public d’accéder au système de service de marques pour vérifier le contenu et la validité d’une marque en scannant son code QR.
A part le raccourcissement du délai d’examen applicable lors de l’enregistrement d’une marque, le raccourcissement d’autres délais applicables aux procédures relatives aux marques, annoncé dans l’article mentionné plus haut, a également été appliqué. Voici un tableau de comparaison relatif à ces délais :
Conclusion
La mise en place de ce système électronique montre bien la volonté de la Chine de renforcer la création, la protection et l’utilisation de la PI. L’amélioration de l’efficacité d’examen de marque encourage parallèlement le public à avoir plus le sens de la PI. Pour les entreprises et start-ups européennes, qui veulent entrer dans le marché chinois et ont le souci de la protection de leur PI, il s’agit donc vraiment d’une bonne nouvelle.