Nos plus fidèles lecteurs connaissent certainement par cœur l’importance du dépôt de marques et de brevets en Chine en vue de protéger leur marché. Cependant, qu’en est-il d’un enregistrement du droit d’auteur ? Un tel enregistrement est-il pertinent ?
Après le brevet d’invention, le modèle d’utilité, la marque (partie 1 et partie 2) et le brevet de dessin (partie 1 et partie 2), nous poursuivons notre rubrique d’articles de questions-réponses avec le droit d’auteur.
Contrairement à la marque ou encore au brevet, le droit d’auteur est un droit qui est souvent sous-estimé par les titulaires de droit. Cependant, il a toute sa place dans la mise en œuvre d’une stratégie de protection de PI en Chine. En effet, dans de récentes affaires de contrefaçon, on a pu constater que les cours chinoises étaient de plus en plus enclines à motiver leurs décisions sur la base d’un droit d’auteur. Les victoires des sociétés Lego et Dassault en sont de bons exemples comme nous l’avons relaté sur ce blog.
Le système de protection des œuvres de l’esprit en Chine est relativement similaire à celui prévu en France et en Europe. Il a été mis en place par la loi chinoise sur le droit d’auteur adoptée en 1990, et déjà révisé à trois reprises, en 2001, 2010 et 2020. La troisième révision de la loi a en effet été adoptée en novembre dernier et est entrée en vigueur le 1er juin 2021. Elle a fait l’objet d’un article sur notre blog que vous pouvez retrouver ici.
Nous vous proposons aujourd’hui de répondre aux questions les plus souvent posées concernant cette protection et le dépôt de droit d’auteur en Chine. Le sujet étant vaste, nous le traiterons en deux parties.
Qu’est-ce que le droit d’auteur ?
Le droit d’auteur est un droit de propriété intellectuelle dont le créateur d’une œuvre bénéficie. Le droit d’auteur protège tous les créateurs d’œuvres originales, ce qui concerne donc la plupart des industries et non, comme on pourrait le penser, uniquement l’industrie artistique et culturelle.
Quelles sont les œuvres de l’esprit protégées par le droit d’auteur en Chine ?
C’est l’article 3 de la loi qui liste les œuvres protégeables par le droit d’auteur. Il s’agit tout d’abord des œuvres au sens traditionnel du terme, comme les œuvres écrites, orales, musicales et dramatiques. La loi prévoit aussi la protection des œuvres chorégraphiques et acrobatiques, des œuvres d’architecture et des beaux-arts, des œuvres photographiques, ainsi que des dessins de produits ou des designs d’ingénierie, des œuvres graphiques, des plans et des croquis. Comme en France, les logiciels sont également protégeables par le droit d’auteur.
Le droit d’auteur s’applique aussi aux œuvres dérivées, par exemple l’enregistrement d’une interprétation d’une chanson déjà protégée par le droit d’auteur. A noter cependant : avant de créer une telle œuvre dérivée, il est bien entendu nécessaire d’obtenir l’accord de l’auteur de l’œuvre préexistante, à défaut la création de l’œuvre dérivée constituera un acte de contrefaçon.
Relevons que la dernière révision de la loi sur le droit d’auteur a élargi la portée des œuvres protégées en la rendant plus adaptée aux œuvres créées grâce aux nouvelles technologies. Ainsi, la loi modifiée a remplacé les « œuvres cinématographiques ou œuvres créées selon des méthodes similaires à la production cinématographique » par les « œuvres audiovisuelles », ce qui permet de couvrir des styles de production dans l’air du temps tels que les vidéos en direct ou les vidéos courtes de type “Tik Tok”.
Quelles sont les conditions de protection ?
Pour être éligible à la protection au titre du droit d’auteur, une œuvre doit être originale et reproductible sous une forme tangible.
Concernant la condition d’originalité, celle-ci signifie que l’œuvre doit être la création intellectuelle de son auteur. La deuxième condition a quant à elle pour conséquence que le droit d’auteur protège seulement l’expression tangible d’une idée (l’œuvre) mais non l’idée elle-même.
La question se pose régulièrement, en Chine comme ailleurs, de savoir si une œuvre créée par intelligence artificielle, ne résultant donc pas d’une activité intellectuelle humaine, est protégeable par le droit d’auteur. Plusieurs cours chinoises ont dû prendre position sur le sujet. Cependant, pour l’instant, la position chinoise n’est pas arrêtée puisque les décisions des cours de justice ne vont pas toutes dans le même sens.
On peut également se demander si une œuvre, pour être protégée par le droit d’auteur chinois, doit avoir été créée en Chine ? La réponse est non, à partir du moment où une œuvre, même créée à l’étranger, respecte les conditions posées par la loi chinoise, elle sera protégée en Chine.
Quelles sont les composantes du droit d’auteur ?
Le droit d’auteur est en réalité composé de plusieurs droits, que l’on peut diviser en deux catégories, les droits patrimoniaux et les droits moraux.
Les droits moraux sont personnels et l’auteur ne peut ni y renoncer, ni les licencier, ni les céder. Les droits moraux incluent notamment le droit de divulgation, le droit de paternité et le droit au respect de l’intégrité de l’œuvre.
Les droits patrimoniaux sont aussi appelés droits économiques car ils permettent à l’auteur (ou à ses ayants droit) d’exploiter exclusivement l’œuvre et d’en tirer un profit pécuniaire. En vertu de la loi chinoise sur le droit d’auteur, ils incluent notamment le droit de reproduire, modifier, distribuer, exposer, exécuter, diffuser l’œuvre sur les réseaux d’information etc.
A qui appartient le droit d’auteur ?
Comme son nom l’indique, le droit d’auteur appartient à l’auteur ou au créateur d’une œuvre, ou à ses ayant-droits si l’auteur est décédé.
Qu’en est-il des œuvres commissionnées ou crées dans le cadre d’un contrat de travail ? Il est important de déterminer les règles d’attribution de propriété en amont, dans le cadre de la signature d’un contrat. En effet, si un employé crée une œuvre dans le cadre de son emploi en utilisant les ressources de l’entreprise, et que le contrat ne stipule rien, alors la loi prévoit que l’employeur détiendra le droit d’auteur, sauf le droit de paternité qui appartiendra à l’employé. Pour les œuvres commissionnées, la loi prévoit que la partie chargée de réaliser les œuvres détiendra le droit d’auteur, à moins que le contrat n’en dispose autrement.
Comment obtenir la protection du droit d’auteur ?
Comme en France, en Chine, l’œuvre, si elle remplit les conditions requises, est protégée automatiquement dès sa création, sans qu’un enregistrement soit nécessaire et ce, quel que soit le lieu de création. Cet enregistrement est cependant recommandé, comme nous aurons l’occasion de l’étudier dans la deuxième partie de cet article.
Quelle est la durée de la protection juridique ?
Le droit moral de divulgation ainsi que les droits patrimoniaux sont protégés pendant une durée de :
- 50 ans à compter de la date de création ou publication si l’auteur est une personne morale, ou
- pendant la vie de l’auteur et 50 ans après la mort de l’auteur si l’auteur est une personne physique.
La durée de protection pour les autres droits moraux est quant à elle perpétuelle.
Existe-t-il des exceptions au droit d’auteur ?
Oui, dans certains cas, des œuvres protégées par le droit d’auteur peuvent être utilisées sans autorisation ni indemnisation de l’auteur.
C’est l’article 22 de la loi qui liste ces exceptions, et notamment l’utilisation d’œuvres pour les besoins de la recherche ou de l’enseignement, l’usage privé, l’usage de l’administration ou encore la citation d’œuvre, sous réserve que le nom de l’auteur et le titre de l’œuvre soient indiqués.
Article rédigé par Audrey DRUMMOND