Les deux affaires qui vont être présentées dans ce qui suit se sont déroulées en 2017 et montrent que les NPE, notamment les « patent trolls », occupent une place de plus en plus importante dans le paysage de la propriété industrielle, notamment en Chine.
Qu’est-ce qu’une NPE ?
Le sigle NPE désigne les termes anglais « Non Practicing Entity » traduisibles en français par « personne morale sans activité ». Comme cela l’indique, les NPE correspondent à des sociétés ne produisant aucun bien ni service mais qui sont détentrices de titres de propriété industrielle, leur « activité » consistant à valoriser ces titres. Lorsque les titres en question sont des brevets ou demandes de brevet, les NPE vont par exemple chercher à concéder des licences d’exploitation à des entreprises tierces qui exploitent ou qui sont susceptibles d’exploiter les technologies protégées par ces brevets, parfois sous la menace d’une action en contrefaçon. Ce type de NPE est également connu sous le nom de patent troll.
Un autre exemple de NPE, particulièrement connu en Chine, concerne les trademark trolls (voir notre article « Vous avez dit Patent Troll ? Non, Trademark Troll ! »).
Deux affaires qui se sont déroulées en 2017 montrent que la place qu’occupent les NPE dans le paysage de la propriété industrielle n’est pas marginale.
Cas d’une NPE qui acquiert des brevets d’un géant de la téléphonie
La première affaire concerne la société américaine Longhorn IP. Via un billet publié le 20 février 2017 sur son site internet, cette NPE a déclaré avoir acquis un portefeuille de brevets auprès d’une entreprise chinoise majeure spécialisée dans la fabrication de smartphones et d’équipements de télécommunication. Il est précisé que « the portfolio includes assets related to 4G/LTE with worldwide coverage, as well as Chinese assets related to smartphone implementation ».
Le blog iam a révélé le 12 mai 2017 que cette entreprise ayant cédé des brevets n’est autre que ZTE, un des poids lourds dans son domaine, troisième déposant mondial de demandes internationales PCT en 2014 (voir notre article de statistiques). Cette même entreprise était engagée dans un litige en Europe contre Huawei il y a quelques années dont les tenants et aboutissants sont expliqués dans cet article publié sur le blog.
Le fait qu’une NPE ait pu acheter une partie du portefeuille de brevets d’une entreprise de cette envergure montre bien que les plus grandes entreprises prennent les NPE au sérieux.
Cas d’une NPE qui attaque Apple en Chine
La seconde affaire se rapporte à une autre NPE dénommée GPNE basée à Hawaï. Au début de 2017, le blog iam avait diffusé un article rapportant que GPNE avait attaqué Apple en engageant des actions en contrefaçon de ses brevets dans plusieurs pays.
Aux Etats-Unis, la cour d’appel pour le circuit fédéral a donné raison au fabricant de smartphones après plusieurs années d’une procédure houleuse, au cours de laquelle Apple n’avait pas hésité à qualifier l’attaquant de « patent troll », de « privateer », de « pirate », de « bounty hunter » ou encore de « bandit ».
Parallèlement à cela, GPNE a engagé une action en Chine et réclame la somme colossale de 130 millions de dollars de dommages et intérêts. Ce montant dépasse largement le record précédemment fixé à 48 millions de dollars (et qui d’ailleurs avait été finalement réduit à 23 millions de dollars). Edwin Wong, le CEO de GPNE, a depuis fourni à iam des commentaires sur ces affaires.
La décision n’est pas encore rendue, mais selon Edwin Wong, la question que le tribunal doit se poser est la suivante : quel est le véritable enseignement du brevet faisant l’objet de l’action en contrefaçon ? Il indique que le brevet en question traitait d’une méthode innovante de contrôle de trafic de données, ce qui constitue son enseignement. Mais le terme pager, qui désigne un dispositif de radiomessagerie obsolète, employé dans la description du brevet, a mis de la confusion dans la procédure américaine du fait de la présence d’un jury populaire. Il considère que ce n’est pas le cas en Chine où des experts techniques, qui sont à la disposition des juges, ne se sont pas focalisés sur la présence du pager dans la description. C’est ainsi qu’il dit que « Apple a essayé de sous-entendre auprès du tribunal chinois que [GPNE] passe pour un patent troll en tentant supposément de confronter la technologie obsolète de radiomessagerie aux produits modernes d’Apple, mais cela se montre inefficace jusqu’à présent pour la raison ci-dessus [relative aux experts techniques] ».
Conclusions
Ces deux cas sont des preuves que les NPE sont de plus en plus présentes dans les affaires de propriété industrielle, notamment en Chine. Le premier montre qu’elles peuvent avoir les moyens d’acquérir des titres de propriété industrielle stratégiques et ce auprès d’entreprises bien implantées sur leur marché. Dans le cas présenté, la NPE a pu effectuer une percée sur le très prisé marché chinois. La seconde affaire illustre la férocité dont peuvent faire preuve ces NPE. Exiger des dommages et intérêts à hauteur de 130 millions de dollars à Apple en Chine est un signe que la puissance de l’entreprise californienne ne suffit pas à faire trembler tout le monde. Il y a peu de doutes que des cas similaires, si ce n’est encore plus impressionnants, verront le jour à plus long terme. Il reste à voir si ces NPE seront victorieuses dans leurs entreprises, ce qui prouverait (ou confirmerait ?) que leur business model fonctionne.
Article rédigé par Aurélien BARETY