On n’aura de cesse de le répéter sur ce blog : pensez à l’enregistrement de vos marques en Chine le plus tôt possible, voire avant même de vous implanter sur le territoire chinois. La loi chinoise applique le principe du premier déposant (« first to file ») et la procédure de dépôt étant relativement longue, il est conseillé de la démarrer le plus tôt possible avant l’usage envisagé afin de protéger votre marque et d’empêcher tout tiers de l’utiliser.
La règlementation sur les marques en Chine a évolué ces dernières années. Afin d’y voir plus clair, nous vous proposons de répondre aux questions les plus souvent posées en matière de dépôt de marque en Chine. Le sujet étant vaste, nous traiterons ces questions en deux parties.
1. Que peut-on déposer comme marque ?
La loi permet le dépôt de signes pouvant faire l’objet d’une représentation graphique. Tout comme en droit français, il est donc possible de déposer des marques verbales (mot, nom, chiffres, lettres), figuratives (dessin ou logo) ou semi-figuratives (combinaison des deux).
Relevons également que la marque sonore peut faire l’objet d’un dépôt – nous y avions d’ailleurs consacré des articles (« Marque sonore : une première en Chine ! » ou encore « Application QQ et marque sonore : premier cas pour la Cour PI de Pékin »).
2. Quelles sont les conditions de validité d’une marque en Chine ?
Certains signes ne peuvent pas être déposés en tant que marque. Pour obtenir l’enregistrement d’une marque en chine, celle-ci doit respecter les conditions de validité suivantes :
- Une marque doit être légale – sur ce point, la loi chinoise liste les marques qui ne le sont pas, on citera notamment l’interdiction de déposer des marques ayant un contenu discriminatoire envers une nationalité, ou encore les marques de nature à tromper le consommateur, par exemple celles constituant une publicité exagérée ou frauduleuse de produits ou services.
- Une marque doit être distinctive c’est-à-dire qu’elle doit permettre de distinguer les produits et services d’une entreprise de ceux d’une autre. Elle ne peut donc pas être fonctionnelle, comme c’est le cas de mots ou expressions servant uniquement à désigner ou à décrire le produit ou service du déposant.
- Une marque doit être disponible à l’enregistrement – c’est-à-dire qu’elle ne doit pas rentrer en conflit avec un droit antérieur. Un droit antérieur peut être constitué par une marque, déjà enregistrée ou en cours d’enregistrement. Il est donc souvent conseillé de procéder à une recherche d’antériorité avant même de débuter la procédure de dépôt de votre marque afin de vous assurer qu’aucune marque identique ou similaire à la vôtre n’existe en Chine. Cette recherche peut être réalisée grâce à un cabinet spécialisé en droit des marques.
3. Qui peut déposer une marque ?
Pour les déposants étrangers qui n’ont pas leur résidence habituelle (pour les personnes physiques) ni leur siège social (pour les personnes morales) en Chine et qui souhaitent soumettre une demande locale d’enregistrement de marque, il est obligatoire de faire appel à un agent chinois de marque. Qui plus est, toute la procédure d’enregistrement se déroulant en chinois, il est nécessaire de recourir à un agent en marques qui pourra vous assister et vous conseiller sur les spécificités du système chinois. Relevons cependant que cette règle ne s’applique pas en cas de dépôt par le biais d’un enregistrement international, sauf en cas de refus provisoire ou d’irrégularité de dépôt qui nécessite le dépôt de documents directement devant l’office chinois des marques.
4. Libellé de la marque chinoise, quelles classes et sous-classes ?
La Chine a adopté la classification de Nice et utilise donc les mêmes intitulés de classe que la France. Cependant, l’office chinois des marques (Chinese Trademark Office ou CTMO) y a ajouté une particularité en divisant chaque classe en un système unique de sous-classes correspondantes aux dénominations de produits ou services à couvrir dans le cadre du dépôt. A titre d’exemple, en classe 25, on trouve des sous-classes différentes, telles que vêtements 25-01, chaussures 25-07 ou encore chapellerie 25-08.
Le monopole d’utilisation d’une marque étant limité aux classes et sous-classes qui ont été désignées lors de l’enregistrement, le choix est une vraie question à se poser et nous conseillons en général de viser un enregistrement à une aussi grande échelle que possible tant que les produits et services vous intéressent. Cela peut paraître un peu extrême, mais on cite souvent l’exemple de Starbucks qui a choisi de déposer sa marque en Chine pour l’ensemble des 45 classes chinoises et toutes leurs sous-classes.
En effet, une des particularités chinoises réside dans le fait que chaque sous-classe est traitée distinctivement : une marque déposée dans une sous-classe donnée (par exemple, sous-classe 25-01 vêtements) couvrira toutes les dénominations de produits ou services de cette sous-classe mais n’aura aucun effet pour les dénominations des autres sous-classes (dans notre exemple, les sous-classes 25-07 chaussures et 25-08 chapellerie). Ainsi, alors qu’au regard du droit français et communautaire, les chaussures et la chapellerie pourraient être considérées comme similaires aux vêtements et donc couvertes par l’enregistrement de la marque, la position du CTMO est beaucoup plus stricte : si l’enregistrement d’une marque ne couvre pas exactement la dénomination de vos produits et/ou services, même très proche de celles qui sont couvertes, une entreprise tierce pourra enregistrer la marque pour cette dénomination.
Il est donc essentiel d’être précis dans la désignation des produits et/ou services et, s’il existe des produits et/ou services qui sont très proches des produits et/ou services que vous souhaitez couvrir, il ne faut pas hésiter à les désigner. Si, comme Starbucks, vous souhaitez adopter une stratégie défensive de votre marque, il peut être opportun de choisir de déposer dans le plus de sous-classes possible, voire dans toutes les sous-classes des classes choisies, même si vos produits et/ou services ne se rapprochent que vaguement de ces derniers. A noter cependant qu’en cas d’enregistrement d’une marque dans des sous-classes ne correspondant pas strictement à l’activité du déposant, la marque sera par la suite vulnérable à une action en déchéance pour les produits et/ou services non exploités, comme nous l’expliquerons dans la deuxième partie de cet article. Pour plus d’informations sur ce sujet, nous vous proposons de relire l’article « Libellé d’une marque nationale en Chine, quelques conseils ».
5. Dépôt en mono-classe ou multi-classes ?
Initialement en Chine, seul le dépôt mono-classe était possible, de sorte que pour obtenir une protection dans plusieurs classes, il était nécessaire de déposer plusieurs marques distinctes. La loi chinoise a toutefois homogénéisé sa pratique avec les autres pays et offert depuis 2013 la possibilité de procéder à des dépôts de marque en multi-classes.
Cependant, l’usage de ce dépôt multi-classes, bien qu’intéressant du point de vue financier, présente certaines limites et il peut s’avérer plus pertinent de procéder à plusieurs dépôts en mono-classe qu’à un dépôt en multi-classes. En effet, en droit chinois, une marque multi-classes ne peut en aucun cas faire l’objet d’une division en plusieurs marques mono-classe, ce qui peut avoir des conséquences importantes pour le déposant. Par exemple, une opposition aura pour effet de suspendre le dépôt pour l’intégralité des classes, même si l’opposition ne concerne qu’une seule classe. De plus, une fois déposée, le titulaire de la marque ne pourra pas procéder à un renouvellement partiel ou encore à une cession des droits de marques sur une partie des classes seulement, il sera lié par la marque multi-classes pendant toute sa durée de protection.
6. Caractères latins et/ou chinois, que déposer ?
En cas de dépôt de marques verbales ou semi-figuratives, il est recommandé de déposer, en même temps que la marque en caractères latins, la marque en caractères chinois, c’est-à-dire sa translittération. Les consommateurs chinois ne connaissent en effet pour la plupart que les marques étrangères sous leur nom chinois. Rappelons que la question de la translittération des marques latines en caractères chinois est à considérer avec attention, car il s’agit d’un cas classique de dépôts frauduleux de marques par des tiers, dont quelques-uns sont relevés dans nos archives « translittération ».
La traduction chinoise de votre marque doit être faite avec soin. Elle doit prendre en compte la signification et la sonorité des caractères chinois utilisés, afin d‘éviter tous contre-sens fâcheux qui pourraient avoir un impact important sur la réputation de votre entreprise.
Notre prochain article sur ce blog abordera la suite des questions-réponses sur le thème de l’enregistrement des marques en Chine, en revenant particulièrement sur la procédure d’enregistrement et ses effets, la particularité de la marque notoire et l’enregistrement international.
Article rédigé par Audrey DRUMMOND