Pour ceux qui imaginent encore la Chine comme le Far West de la propriété intellectuelle et qui hésitent encore à protéger leurs droits, le Livre blanc de protection de la propriété intellectuelle publié en janvier 2016 par WeChat, le premier parmi tous les principaux réseaux sociaux en Chine, pourrait les rassurer. Bien que le Livre blanc annonce qu’il y a encore de nombreuses possibilités d’amélioration, un mécanisme de protection est déjà mis en pratique par WeChat.
- Nom : WeChat (« WeiXin »).
- Nature : application de messagerie instantanée de smartphone.
- Comptes privés actifs : 650 millions par mois.
- Comptes publics : 10 millions.
- Date de la mise en ligne de l’application : janvier 2011.
- Date de la collection des données : janvier 2016.
Il s’agit de chiffres collectés en lien avec l’application WeChat, développée par la société Tencent Holdings Limited basée à Shenzhen, dans le sud de la Chine.
Cette application si populaire en Chine, qui s’inscrit parmi les grands de ce monde à côté de Facebook, Skype, WhatsApp, réunit des fonctions d’échange instantané de messages textuels ou vocaux, d’appels audio ou vidéo, de partage d’informations, d’abonnement à des comptes publics qui permettent d’envoyer ou de recevoir des Push, et prévoit même un service de paiement par téléphone.
On se demande si ses utilisateurs pouvaient imaginer cette diffusion explosive de WeChat en seulement 5 ans. Mais ce qu’ils avaient pressenti certainement, c’est le développement rapide de la contrefaçon sur WeChat avec la prospérité de la plateforme. Cela surtout en matière de droit d’auteur (44,7% parmi toutes les signalisations) concernant la reproduction des œuvres sans autorisation, et en matière de marque (55,2%), notamment pour les ventes de produits contrefaisants en ligne. Quant aux brevets, la contrefaçon est beaucoup moins présente (0,1%) selon les chiffres donnés par le Livre blanc.
Concernant la responsabilité des hébergeurs face aux contenus illicites stockés en ligne, la législation chinoise reconnaît le principe de responsabilité délictuelle de « notification – retirement » : l’hébergeur ne sera responsable que s’il laisse en ligne le contenu illicite qui lui a été notifié.
A ce titre, WeChat a non seulement mené des mesures en aval, mais aussi en amont par la mise en place :
- d’une rubrique de signalisation d’atteinte aux droits dédiée à toute signalisation de contenu illicite portant atteinte aux droits de propriété intellectuelle. Les contenus jugés illicites vont être bloqués ou effacés, les comptes diffusant ces contenus seront alertés, restreints, désactivés ou supprimés selon la gravité de l’atteinte ;
- de la possibilité de déposer une déclaration d’originalité pour les auteurs qui publient leur œuvre sur WeChat, surtout par le moyen de Push aux abonnés de comptes publics. Une fois que l’œuvre est authentifiée par la plateforme, cette fonction va permettre aux auteurs d’autoriser ou d’interdire la reproduction de ces œuvres et de bénéficier d’un traitement sous 24H de toute signalisation d’atteinte en rapport avec l’œuvre ;
- d’une plateforme de protection de marques pour les titulaires de marque entrant en coopération avec WeChat. En effet, dès la réception d’une signalisation de contenu illicite concernant les marques connectées à la plateforme, les titulaires vont être notifiés et vont pouvoir vérifier eux-mêmes l’authenticité des produits en vente et demander la suppression des liens d’internet des produits jugés contrefaisants ;
- d’une règle d’antériorité qui s’applique aux dénominations de comptes publics, c’est-à-dire que le choix d’une telle dénomination ne doit en aucun cas porter atteinte au droit de propriété intellectuelle existant.
Les résultats de ces mesures semblent encourageants :
- Du quatrième trimestre 2014 au troisième trimestre 2015, plus que 13 000 signalisations concernant la propriété intellectuelle ont été traitées ;
- De février 2015 à novembre 2015, plus de 5 millions d’œuvres publiées sur WeChat ont été divulguées sous la protection de la déclaration d’originalité ;
- De juillet 2015 à novembre 2015, 39 sociétés titulaires de plus de 100 marques sont déjà connectées à la plateforme de protection de marques, y compris Chanel et Louis Vuitton. Plus de 17 000 signalisations de contrefaçon ont été transmises aux titulaires et 7 000 comptes commercialisant les produits contrefaisants ont été désactivés ou supprimés après la vérification des titulaires.
Ce que l’on peut constater, c’est que de plus en plus de plateformes chinoises coopèrent en vue de la protection de la propriété intellectuelle. Citons en particulier un article de notre blog sur le soutien de la France dans cette lutte contre la contrefaçon, ou encore un autre article relevant des efforts d’Alibaba.
Du point de vue du marketing, les hébergeurs, acteurs dans le domaine de l’industrie du contenu, participent à la chaîne de distribution de produits ou services basés sur le contenu de l’information. C’est de la qualité de contenu qu’ils mettent en ligne que dépendra leur réputation.
Davantage de plateformes chinoises ont su se responsabiliser. Le créateur de WeChat, Xiaolong Zhang, révèle que la protection de la propriété intellectuelle est en effet le facteur indispensable d’un cycle vertueux de création : la circulation d’œuvres et de produits sur internet exige la protection des plateformes. Dans le même temps, la protection accordée va encourager les utilisateurs à en mettre plus en circulation. Les œuvres originales et les produits fiables permettent aux plateformes d’avoir une bonne réputation, et cette bonne réputation va leur permettre de gagner plus d’utilisateurs.
D’un point de vue juridique, ces mesures permettent à l’hébergeur d’éviter tout acte susceptible d’être interprété comme fautif et d’anticiper un changement législatif éventuel sur ce point : le statut d’hébergeur.
La même question se pose également en Europe par rapport à la Directive sur le commerce électronique de 2000, qui a introduit le régime des hébergeurs. Il est suggéré par la doctrine de mener une réforme à ce sujet, au motif que trop de plateformes n’ont plus le rôle « technique, automatique et passif» défini par la Directive. L’idée est de légiférer vers plus de responsabilité, mais avec prudence : un régime qui obligerait les plateformes à suivre de manière plus soutenue les contenus mis en ligne par des tiers, en établissant un cadre équilibré qui ne nuit pas aux intérêts ni aux droits des hébergeurs et des titulaires.
En attendant de connaître ces évolutions, félicitons-nous de la participation de plus en plus active des plateformes internet chinoises dans la protection des droits de propriété intellectuelle.
Article rédigé par Yi QIN, du cabinet LLR