En 2019, Limagrain oppose son droit de variété végétale (PLVR) sur du maïs contre une société chinoise et obtient près de 500k€ de dommages et intérêts.
Les variétés végétales en Chine, comme dans beaucoup d’autres pays, peuvent être protégées par le droit de variété végétale (ou PVR pour « plant variety right »). Voici un cas récent dans lequel la société française Limagrain a opposé son droit de variété végétale sur du maïs « Lihe 228 » contre une société chinoise, Yangguang Seed, qui avait demandé ultérieurement une autorisation d’exploiter cette même variété végétale. Dans sa décision, la Cour d’appel a confirmé en particulier l’octroi de près de 500 000€ de dommages et intérêts en faveur de Limagrain.
La procédure menée par Limagrain pour faire valoir ses droits
En juin 2018, le tribunal de la ville de Zhangye de la province de Gansu avait rendu un jugement pour la première instance en condamnant Heilongjiang Yangguang Seed Co., Ltd. (Yangguang Seed dans la suite) à indemniser Limagrain Europe (Limagrain dans la suite) d’une perte de 3,6 millions RMB, soit environ 471 000 €, mais les autres demandes ont été rejetées. Le demandeur et le défendeur ont chacun formé un appel.
En novembre 2018, la Cour Suprême de la province de Gansu a rendu un jugement de deuxième instance :
- d’une part l’indemnité de première instance (471 000€) a été maintenue, pour contrefaçon du droit de variété PVR au nom de Limagrain,
- d’autre part la Cour a fait modifier l’autorisation d’exploitation précédemment obtenue par Yangguang Seed dans la province du Heilongjiang pour sa variété ‘Hayu’, de façon que la variété mentionnée soit désormais nommée ‘Lihe 228’ et que le titulaire soit Limagrain. En février 2019, les noms de la variété et du titulaire ont été officiellement changés.
Voici quelques explications sur les dépôts ayant abouti à ces deux instances.
Tout d’abord, Limagrain a introduit de façon indépendante en Chine en 2011, une variété de maïs, Lihe 228’. En 2012, Limagrain dépose une demande d’autorisation d’exploitation de cette variété dans la province du Shanxi, approuvée en 2017. Par ailleurs en janvier 2015, Limagrain dépose, pour ce maïs ‘Lihe 228’ et ses parents ‘NP01153’ et ‘NP01154’, une demande de droit de variété végétale (ou PVR pour « plant variety right ») au bureau des nouvelles variétés végétales du Ministre de l’Agriculture. Déposer cette demande de droit de variété végétale relativement tôt a été la clé du litige pour que Limagrain puisse défendre son droit.
Il se trouve que, le 19 juin 2015, la société chinoise Yangguang Seed a déposé une demande de droit de variété végétale (PVR) au Bureau des nouvelles variétés végétales du Ministre de l’Agriculture, pour la variété de maïs ‘Hayu 189’.
Le 13 septembre 2017, Limagrain poursuit Yangguang Seed, l’Institut de recherche de maïs de l’Académie des Sciences d’Agricoles de Heilongjiang et l’entreprise Hengji Semences de Gansu au tribunal de ville de Zhangye, pour cause de ‘violation d’un droit de variété végétale’ (PVR). En septembre 2016, Limagrain a reçu un avis de l’administration relative aux semences agricoles de la province du Shanxi disant que la variété ‘Lihe 228’, d’après le test d’ADN hybride de maïs, est en effet complètement conforme à la variété ‘Hayu 189’.
Il convient de relever qu’au cours de cette affaire, Limagrain a demandé à Yangguang Seed de montrer les lignées parentales de son maïs ‘Hayu 189’ (Limagrain avait conservé les lignées parentales permettant de justifier directement que Limagrain est le développeur de cette variété). Mais Yangguang Seed a refusé de les fournir, en expliquant qu’ils ne les avaient plus. Il s’agit d’un élément clé de l’affaire et cela permet de mettre en avant le fait que la conservation des lignées parentales est importante.
Distinction entre la protection par droit de variété végétale (PVR) et l’autorisation d’exploitation
Le droit de variété végétale (PVR pour « plant variety right » ou encore PBR pour « plant breeders rights », équivalent au certificat d’obtention végétale en Europe) est un droit de propriété industrielle, donc un droit exclusif conféré à l’entreprise ou à la personne qui a développé la variété. Pour obtenir ce droit, la variété végétale doit être nouvelle, elle peut être cultivée artificiellement ou développée à partir des plantes sauvages et doit être spécifique (distincte), cohérente (uniforme) et stable. La durée de protection pour la nouvelle variété végétale est, en général, de 20 ans pour les plantes ligneuses et 15 ans pour les autres types de plante.
Le droit de variété végétale (PVR) se distingue de l’autorisation d’exploiter une variété végétale. En effet, pour les cultures en Chine, indépendamment de la délivrance du droit de variété végétale (PVR), une procédure d’autorisation d’exploitation de la variété doit être menée pour avoir l’autorisation d’exploiter la variété dans une province donnée de Chine. Il s’agit essentiellement d’une approbation administrative, qui examine les nouvelles variétés cultivées ou introduites. Seules les variétés approuvées peuvent légalement être diffusées, cultivées et vendues dans la zone autorisée.
Dans le présent procès, l’autorisation d’exploitation de variété végétale obtenue par Yangguang Seed dans la province du Heilongjiang est indépendante du droit de variété végétale (PVR) de Limagrain. Il se trouve que Limagrain est, elle aussi, soumise à l’obtention d’une autorisation d’exploitation pour pouvoir diffuser, cultiver ou vendre sa variété ‘Lihe 228’. Or, en changeant le nom de ‘Hayu 198’ à ‘Lihe 228’ dans l’autorisation d’exploitation, Limagrain peut désormais avoir un droit complet pour cette variété végétale dans la province du Heilongjiang (Limagrain avait obtenu l’autorisation précédemment pour la province du Shanxi, pas pour celle du Heilongjiang).
Pour les entreprises dans le domaine agricole qui souhaitent protéger leur propriété intellectuelle en Chine, voici quelques recommandations utiles
– Au cours des étapes de recherche et développement, il convient de conserver des preuves aussi tôt que possible (par exemple au moyen d’actes notariés) du matériel de reproduction utilisé (ie. les lignées parentales), et établir une archive des successions de cultures ;
– Pour les variétés végétales nouvelles, distinctes, uniformes et stables, il faut déposer une demande de droit de variété végétale (PVR) sans tarder ;
– Outre la conservation de documents écrits (tels que des séquences d’ADN, descriptions, photos etc.), il est important de conserver des preuves du matériel de reproduction en gardant des échantillons de culture, vivants ou congelés, sous scellés.
Article rédigé par , , Clémence VALLÉE-THIOLLIER