Contrefaçon de brevet en Chine : du nouveau

l’interprétation des revendications
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… vers davantage de coordination dans l’interprétation des revendications par les tribunaux

La Cour Suprême de Chine a précisé récemment que la même interprétation des revendications doit être appliquée dans la procédure d’invalidation d’une part, et dans la procédure de contrefaçon d’autre part. Cette gestion plus coordonnée des procédures d’invalidation et de contrefaçon permettra de réduire les disparités d’interprétation et apportera donc davantage d’homogénéité dans les décisions.

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Questions-réponses : le brevet d’invention en Chine, que savoir ?

Le régime de protection des brevets d’invention présente des similitudes avec les régimes applicables en France et en Europe. Il nous semble cependant important de revenir sur ce régime qui est en constante évolution depuis sa création en 1984. Voici quelques réponses à des questions que l’on se pose souvent sur les brevets d’inventions en Chine.

Qu’est-ce qu’un brevet d’invention ?

Le brevet d’invention, ou « invention patent » en anglais, est un des trois types de brevets existants en Chine, les deux autres étant le modèle d’utilité (« utility model patent ») et le brevet de dessin (« design patent», appelé également dessins et modèles). Selon les dispositions de l’article 2.2 de la loi sur les brevets, le brevet d’invention permet de protéger une solution technique nouvelle appliquée à un produit, un procédé ou à leur amélioration.

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QIAODAN, ou l’importance de déposer aussi sa marque en chinois (le cas Michael Jordan)

La Cour municipale de Pékin vient de rendre une décision rejetant la demande du fameux basketteur américain Michael Jordan d’annuler la marque QIAODAN (ici en caractères pinyin), surnom communément utilisé en Chine pour le désigner, qui a été déposée par la société Qiaodan Sports.

Pour revenir au début de cette affaire, en 2012, Michael Jordan a poursuivi la société Qiaodan Sports devant une Cour chinoise, en invoquant la reprise par cette dernière de son surnom en chinois QIAODAN (en caractères chinois 乔丹 prononcés « chee-ow dahn »), pour vendre des chaussures et des maillots de basketball. Selon Michael Jordan, Qiaodan Sports crée une confusion dans l’esprit du public car les consommateurs chinois vont penser qu’il est associé à cette marque.

La Cour a donné raison à la société Qiaodan Sports, et l’appel formé par Michael Jordan devant le tribunal populaire supérieur municipal de Pékin n’a pas non plus abouti. En effet, il a été considéré que dans la mesure où il existe d’autres surnoms chinois que QIAODAN correspondant à Jordan, et où JORDAN est un surnom commun pour les américains, la volonté de Qiaodan Sports de faire référence à Michael Jordan n’est pas avérée.

Un nouveau recours devant la Cour municipale devrait être formé par le basketteur.

La leçon à tirer de cette affaire est double :

– Le premier point est qu’il faut déposer sa marque en Chine au plus tôt, si possible dès avant l’arrivée des produits et services concernés sur le marché chinois.

Le titulaire qui ne dépose sa marque qu’après le début de l’exploitation du signe en Chine s’expose à un dépôt frauduleux par un tiers.

– Le second point est que si la marque en question est en langue étrangère (non chinoise), il faut trouver une translittération en chinois et la déposer en même temps que la dénomination étrangère. A défaut, un tiers risque de choisir une translittération et de la déposer à la place du titulaire.

En effet, les noms étrangers sont très difficilement prononçables par les chinois, et ces derniers vont donc trouver un surnom qui, s’il est déposé avant que le titulaire ne le fasse, empêche ce dernier de l’exploiter.

Dans le cas de Michael Jordan, il aurait fallu qu’il choisisse une translittération en chinois de sa marque AIR JORDAN et la dépose immédiatement. Cela aurait évité que les consommateurs et les médias n’utilisent le surnom QIAODAN pour le désigner et que le terme soit déposé à titre de marque, empêchant ainsi le joueur d’exploiter son nom en chinois en Chine.

Ce cas est une nouvelle illustration de l’importance de déposer sa marque en Chine et également, voire surtout, sa translittération chinoise. N’oublions donc pas la protection des caractères chinois !

Un modèle d’utilité plus solide qu’un brevet ?

Nous avons vu que le dépôt de modèle d’utilité présentait un certain nombre d’avantages.

modèle solideParmi ces avantages, nous relevons qu’un modèle d’utilité peut, paradoxalement, être plus difficile à invalider qu’un brevet.

En effet, la Chine est le seul pays (*) à notre connaissance dans lequel la loi mentionne expressément une différence concernant l’appréciation d’activité inventive entre le modèle d’utilité et le brevet.

Plus précisément, la condition d’activité inventive est formulée ainsi dans la loi chinoise (article 22):

– Pour les modèles d’utilité :

« The invention has substantive features and represents progress ».

En d’autres termes, il est uniquement mentionné que l’invention doit présenter des caractéristiques significatives et représenter un progrès.

– Pour les brevets :

« The invention has prominent substantive features and represents a notable progress ».

Dans ce cas, il est clairement précisé, à la différence du modèle d’utilité, que l’invention doit présenter des caractéristiques significatives majeures, et représenter un progrès notable.

Ainsi, les conditions sont formulées de sorte que l’exigence est moins importante pour les modèles d’utilité.

Cette exigence moindre pour les modèles d’utilité a une application en particulier dans la façon d’opposer l’état de la technique antérieur.

Les Directives du SIPO mentionnent par exemple que pour le modèle d’utilité,  le nombre de documents que l’on peut citer pour contester une absence d’activité inventive est de un ou deux (seulement), alors qu’il n’y a pas de nombre déterminé pour un brevet.

En outre pour un modèle d’utilité, on ne tient généralement pas compte des connaissances générales de l’homme du métier.

Selon un autre exemple, l’étendue des domaines techniques à considérer par l’examinateur est limitée pour un modèle d’utilité : on ne considère que le domaine du modèle d’utilité, ou alors il faut identifier une mention explicite dans un document antérieur qu’un homme du métier irait consulter des solutions techniques dans un domaine voisin.

Le corollaire de cette appréciation de l’activité inventive est que l’on peut se retrouver, en cas de procès, à se voir invalider un brevet pour une invention jugée insuffisamment inventive, alors que le modèle d’utilité pour la même invention se verrait maintenu. 

Gardons-nous toutefois de faire un raccourci rapide qui consisterait à considérer qu’un modèle d’utilité est systématiquement plus solide qu’un brevet, et rappelons que le modèle d’utilité présente des limites.


(*) L’Allemagne par exemple, pays dans lequel le dépôt de modèles d’utilité est courant, a clairement jugé en 2006 par une décision de la Cour Suprême, que l’exigence d’activité inventive était la même pour un modèle d’utilité et pour un brevet.