La loi chinoise sur les brevets permet aux déposants de déposer une demande de modèle d’utilité et une demande de brevet d’invention le même jour sur la même solution technique. De plus, la délivrance des modèles d’utilité chinois est généralement beaucoup plus rapide que celle des brevets d’invention. Pour ces raisons, de nombreux déposants intègrent une stratégie de « double dépôt » afin d’assurer une protection précoce à leurs inventions en bénéficiant d’une période pendant laquelle un droit de brevet exécutoire est disponible.
Cependant, le risque de cette stratégie vient d’être confirmé dans une récente décision rendue par le Tribunal intellectuel de la Cour populaire suprême de Chine (2020 n° 669), qui a statué qu’un modèle d’utilité peut ne pas être exécutoire tant que la demande de brevet d’invention correspondante n’est pas jugée admissible.
Les principaux points de la décision du jugement du tribunal sont résumés ci-dessous.
La partie a déposé le même jour un brevet d’invention et un modèle d’utilité sur la même solution technique. Durant la procédure d’examen, la demande de brevet d’invention a été rejetée pour défaut de nouveauté et d’activité inventive au vu d’un seul document référentiel basé sur le même domaine technique. Comme le statut juridique a été déterminé, le tribunal populaire n’a pas accordé les dommages et intérêts demandés par le même demandeur dans le cadre d’une contrefaçon sur la base du modèle d’utilité délivré.
En deuxième instance, la Cour populaire suprême a rappelé que le droit des brevets est protégé par la loi, et que la légalité et la validité des droits de brevet et la stabilité relative des droits sont les conditions préalables à l’obtention d’une protection conformément à la loi.
Pour une solution technique sur laquelle le même demandeur dépose une demande de brevet d’invention et une demande de modèle d’utilité séparément le même jour, la demande de modèle d’utilité peut se voir accorder des droits sans examen quant au fond, tandis que la demande de brevet d’invention doit subir un examen quant au fond avant sa délivrance. En pratique, une même solution technique peut ainsi être rejetée ou modifiée, car ne remplissant pas les conditions de délivrance lors de la procédure d’examen de la demande de brevet d’invention, et protégée via un modèle d’utilité. Dans ce cas, la question de savoir si la conclusion de l’examen de la demande d’invention affect e la protection du droit du modèle d’utilité doit être analysée en détail en fonction de la situation spécifique.
De manière générale, si le rejet de la demande du brevet d’invention ne s’appuie sur aucun document référentiel ou est prononcé pour défaut de nouveauté, ces raisons peuvent généralement servir de base pour juger si le modèle d’utilité satisfait aux conditions de délivrance, et avoir un impact substantiel sur la question de savoir si le modèle d’utilité doit obtenir une protection.
Cependant, si la demande de brevet d’invention est rejetée pour défaut d’activité inventive, les exigences en matière d’activité inventive, différentes pour le brevet d’invention et le brevet de modèle d’utilité, doivent être dûment prises en compte .
De manière générale, si la conclusion de rejet de la demande de brevet d’invention n’excède pas de manière significative les critères d’examen des conditions de délivrance de modèle d’utilité, si, par exemple, le domaine technique et le nombre de documents référentiels ne sont pas significativement différents de ceux du modèle d’utilité, la conclusion de l’examen de la demande de brevet d’invention peut alors être dupliquée pour le modèle d’utilité.
Dans un procès pour contrefaçon d’un modèle d’utilité, si la situation susmentionnée se produit, le modèle d’utilité sur lequel le titulaire revendique le droit de protection est susceptible d’être une solution technique qui ne devrait pas obtenir sa délivrance. Ainsi, il n’appartient pas aux « droits et intérêts légitimes » protégés par le droit des brevets, et ne doit pas être protégé.
Face à la décision judiciaire précitée de la Cour suprême, lorsqu’un demandeur dépose une demande de brevet d’invention et une demande de modèle d’utilité le même jour, il doit être très prudent quant à l’abandon du brevet d’invention, car si ce dernier n’est pas jugé brevetable par la division d’examen, la protection des droits du modèle d’utilité deviendra difficile, même si celui-ci est toujours valable sur la forme. C’est-à-dire que lorsque le demandeur renonce à la réplique lors de l’examen ou du réexamen du brevet d’invention, il doit se rendre compte qu’il s’agit également, dans une large mesure, d’une renonciation à la protection de son modèle d’utilité. Surtout, lorsque la demande d’invention est divulguée par un seul document référentiel et ainsi considérée comme dépourvue de nouveauté ou d’activité inventive, le modèle d’utilité demandé le même jour sera invalidé en même temps. Par conséquent, le maintien en vigueur du modèle d’utilité n’a plus de sens si le droit conféré par le brevet d’invention est absent.
En réponse aux changements mentionnés ci-dessus en termes de stratégie de double dépôt, les déposants doivent également réfléchir de manière globale et approfondie. Si le demandeur souhaite obtenir un brevet délivré dès que possible pour la protection des droits de brevet et que l’activité inventive de la demande de brevet n’est pas très élevée, il est préférable de ne soumettre qu’une seule demande de modèle d’utilité. Si une protection à plus long terme et une double demande de brevet d’invention et de modèle d’utilité sont envisagées, la demande de brevet d’invention correspondante ne doit pas être cochée dans les options « Publication préalable » et « Examen simultané ». Le meilleur moyen est de demander un examen substantiel de un à trois mois avant l’expiration de la période d’examen. De cette façon, lors de l’utilisation du modèle d’utilité délivré pour protéger les produits contre les contrefaçons, la demande de brevet d’invention déposée le même jour peut ne pas être encore entrée dans la phase d’examen substantiel, de sorte que le droit associé au modèle d’utilité ne pourrait pas être écarté en raison que la demande de brevet d’invention n’a pas abouti à sa délivrance.
Article rédigé par YUAN Xin du cabinet LLR China