Il n’est pas toujours bien aisé d’être aimée et Sophie Marceau en a fait les frais récemment. L’actrice préférée des français, qui est la star française la plus connue en Chine avait été surprise d’apprendre que son nom avait fait l’objet d’un dépôt de marque en Chine. Comme nous allons le voir dans cet article, la reproduction complète de son nom lui a permis d’éviter une longue procédure judiciaire et de gagner la procédure d’opposition devant le CTMO (China Trade Mark Office).
La marque contestée, Sophie Marceau 苏菲·麻纱
Tout commence par le dépôt de la marque semi-figurative « Sophie Marceau 苏菲·麻纱 » par une société enregistrée à Shanghai pour des produits « huiles essentielles » (classe 3). Le signe déposé est composé d’une partie principale, les prénom et nom de l’actrice reproduits à la lettre, et d’une partie accessoire, la translittération en chinois de la partie principale 苏菲·麻纱 (se prononçant « Sufei Masha ») qui, il faut le noter, a été légèrement retouchée par rapport à la translittération habituelle de Sophie Marceau en Chine « 苏菲·玛索 » (prononciation : Sufei Masuo).
Suite à la publication du dépôt, Sophie Marceau a formé une opposition devant le CTMO, au motif que l’enregistrement de la marque contestée porterait atteinte à son nom, qui constitue un droit antérieur au dépôt de la marque en cause.
En effet, le droit des marques chinois, tout comme le droit français, interdit l’adoption comme marque d’un signe portant atteinte à des droits antérieurs, notamment aux noms de personne. S’agissant de l’application de cette disposition en droit chinois, les « Normes d’examen des marques » du CTMO précisent deux conditions cumulatives :
- La marque contestée est identique au nom de l’opposant. Une marque sera considérée comme « identique» si elle utilise exactement les mêmes lettres ou caractères employé(e)s dans le nom, ou la translittération désignant l’opposant telle que connue par le public.
- L’enregistrement de la marque contestée va porter ou porterait atteinte au nom patronymique de l’opposant. La notoriété de la personne opposante doit être prise en compte pour l’appréciation de cette atteinte.
En l’espèce, étant donné que Sophie Marceau représente plusieurs marques de produits cosmétiques en Asie et jouit d’une notoriété importante sur le marché chinois, il a été démontré que l’enregistrement de la marque contestée, dont l’élément principal reprend à la lettre les prénom et nom de l’opposante, était de nature à tromper le consommateur qui risquait d’associer les « huiles essentielles » de la marque contestée avec la personne de Sophie Marceau.
Comme on s’y attendait, ces arguments sont retenus par le CTMO qui précise que, même si la partie en caractère chinois ne correspond pas à la translittération habituellement utilisée par le public pour désigner l’actrice, cela ne constitue qu’un élément accessoire de la marque contestée et n’a aucune influence sur l’élément distinctif et principal du signe déposé, Sophie Marceau.
Une question peut venir à la lecture de cette décision : la décision du CTMO aurait-elle été la même si la marque n’avait reproduit que la translittération, sans alphabet latin ? En d’autres termes, la translittération habituelle du nom Sophie Marceau aurait-elle pu dans ce cas, être considérée comme un droit antérieur ? La réponse à cette question dépend de l’existence ou non, pour le consommateur chinois moyen, d’un lien stable et unique créé entre la translittération non enregistrée et la personne physique concernée.
Par exemple, Michael Jordan n’avait pas pu se prévaloir de la translittération « 乔丹» (« Qiaodan ») en raison du fait que Jordan est un nom patronymique couramment utilisé aux Etats-Unis et qu’il n’y a pas de lien unique établi entre ce nom et Michael Jordan (voir notre article QIAODAN, ou l’importance de déposer aussi sa marque en chinois). En revanche, selon un autre exemple, Giorgio Armani a pu avoir gain de cause parce que la translittération « 乔治 阿玛尼 » que l’on a essayé de déposer renvoie uniquement à la personne, même dans l’esprit du consommateur moyen chinois.
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