Si, en Chine, certaines règles sont communes avec la pratique française, on constate qu’un certain nombre de spécificités s’appliquent. Notamment, la licence doit être inscrite auprès de l’Office chinois des marques (CTMO) afin de la rendre opposable aux tiers de bonne foi, voire de permettre le paiement des redevances dans certains cas.
La licence de marque est une pratique courante sur le marché chinois, notamment entre un fournisseur et des distributeurs, entre une maison mère et ses filiales, ou en cas de joint-venture. Bien qu’en droit chinois, la liberté contractuelle soit le principe dominant en matière de licence de marque, des règles particulières existent et peuvent constituer des écueils importants pour les sociétés étrangères peu familières de ces spécificités.
Rappelons tout d’abord ce qu’est une licence de marque. Une licence de marque est un accord par lequel le titulaire d’une marque (appelé le concédant) autorise l’autre partie (le licencié) à utiliser sa marque, dans les conditions prévues dans cet accord, moyennant le paiement de redevances. La notion de licence de marque ne doit pas être confondue avec celle de cession de marque, qui entraîne un transfert de la titularité de la marque.
Existe-t-il plusieurs types de licence ?
Oui, la loi chinoise sur les marques prévoit trois types de licence, typologie que l’on retrouve partout dans le monde et applicable par ailleurs à l’intégralité des droits de propriété intellectuelle :
– la licence exclusive signifie que personne d’autre que le licencié ne peut exploiter la marque en question. En particulier, le concédant lui-même, alors même qu’il est titulaire de la marque, n’a pas le droit d’exploiter la marque ;
– la licence non-exclusive accorde au licencié le droit d’utiliser la marque, mais signifie également que le concédant reste libre de l’exploiter, notamment en concédant des licences à d’autres ;
– la licence unique (« sole licence » en anglais) signifie que seuls le licencié et le concédant ont le droit d’exploiter la marque.
Il est très important pour une société étrangère qui s’apprête à concéder une licence de marque en Chine de bien comprendre les particularités du type de licence qu’elle choisit. Cela est d’autant plus vrai si elle se tourne vers une licence exclusive, puisque le licencié exclusif sera le seul à lui permettre l’accès au marché chinois. Si une licence exclusive doit être accordée pour des raisons commerciales, le donneur de licence doit s’assurer qu’il conserve un certain niveau de contrôle sur le licencié exclusif, et que le contrat prévoit une possibilité de sortie, et ce, afin d’éviter de se retrouver dans une impasse, sans aucune possibilité de mettre fin à la collaboration si les choses tournent mal.
Comment concéder une licence de marque en Chine ?
Un premier point mérite qu’on s’y attarde car il génère souvent des incompréhensions de la part de certaines sociétés étrangères souhaitant développer leur activité en Chine. Pour pouvoir octroyer une licence de marque à un tiers en Chine, il convient d’être le titulaire de la marque chinoise, c’est-à-dire qu’il faut avoir déposé sa marque auprès du CTMO et que cette dernière ait été enregistrée. En effet, en raison du principe de territorialité, un droit de marque n’a de valeur juridique que dans le pays dans lequel il a été déposé. Cela paraît logique, mais rappelons-le tout de même, il n’est pas possible de concéder en Chine une licence sur une marque déposée en France ou dans un autre pays.
Quelles sont les autres conditions pour concéder une licence de marque ?
La loi chinoise des marques indique qu’un contrat doit être signé entre les parties. La signature d’un accord écrit paraît effectivement indispensable car il permet de fixer les conditions de la licence, notamment la marque concernée (incluant les classes et les produits/services concernés), la durée de la licence, son étendue géographique, ainsi que le mode de calcul des redevances à payer par le licencié.
Notons également que la loi chinoise inclut une série de dispositions applicables à tout contrat de licence portant sur une marque. Ces dispositions prévoient par exemple l’obligation, pour le concédant de licence, de surveiller la qualité des produits pour lesquels le licencié utilise la marque et l’obligation, pour le licencié, de garantir la qualité des produits pour lesquels la marque est utilisée. Elles disposent également que le licencié doit faire figurer son nom et l’origine de fabrication sur les biens portant la marque. Il est important de connaître ces dispositions qui s’appliquent, quelle que soit la rédaction prévue par le contrat.
Enfin, une autre spécificité chinoise doit être mentionnée : selon la loi chinoise sur les marques, il convient de faire inscrire la licence auprès du CTMO.
Qu’est-ce qu’une inscription de licence ?
Une inscription de licence est la procédure effectuée auprès du CTMO par laquelle on informe l’Office de l’existence de la licence.
Comment se déroule la procédure d’inscription ?
L’inscription de licence peut être réalisée à tout moment suite à la signature du contrat de licence. La procédure d’inscription doit être initiée par le concédant. Il n’est désormais plus nécessaire de fournir une copie du contrat, mais le déposant de la demande d’inscription doit fournir des informations relatives au champ d’application de la licence, notamment la durée de la licence et les produits/services couverts par la licence.
La procédure prend généralement entre 2 et 4 mois et se finalise par l’émission d’une notification d’inscription de licence.
Quelles sont les conséquences en cas de non inscription ?
Bien qu’un contrat de licence non inscrit reste toujours valable entre les deux parties, l’absence d’inscription peut être un obstacle pour le paiement des redevances dans certains cas, et notamment si ces redevances doivent être payées à une entité étrangère. En effet, les banques chinoises peuvent demander le certificat d’’inscription pour autoriser le virement. De plus, le licencié non inscrit ne pourra pas s’opposer à l’exploitation de la marque par un tiers de bonne foi.
Cela posera problème, par exemple, si une marque faisant l’objet d’un contrat de licence non enregistrée est cédée à un tiers. Dans cette hypothèse, le cessionnaire, qui n’a aucune connaissance du contrat de licence, pourra intenter une action contre l’utilisation de la marque par le licencié, et le licencié ne pourra se défendre en invoquant l’existence du contrat de licence.
Dans quelles circonstances une inscription de licence peut-elle être refusée ?
Relevons tout d’abord qu’il est relativement rare qu’une inscription de licence soit refusée par le CTMO.
Une des raisons de refus possible concerne l’hypothèse où la portée de la licence dépasse celle de la marque enregistrée. Cela paraît assez logique, tout simplement car il est impossible de concéder une licence sur une marque qu’on ne détient pas. Ainsi, si une marque est enregistrée en classe 25 pour les produits « vêtements » et « chaussures », son titulaire ne pourra pas obtenir l’inscription d’une licence portant sur le produit de « foulards et écharpes » car ce produit ne figure pas sur le certificat d’enregistrement de la marque. Pour le CTMO, une licence ne peut être donnée sur un produit/service précis que si le nom de ce produit/service figure explicitement sur le certificat d’enregistrement.
Cela peut poser problème lorsqu’on est en présence d’une marque internationale désignant la Chine. En effet, une marque internationale dont le libellé utilise des termes plus larges que ceux prévus par la classification chinoise est parfois acceptée par le CTMO. En effet, on sait que l’Office est généralement moins exigeant lorsqu’il examine des demandes de marques internationales. Dans ce cas, si une licence est concédée, elle devra l’être sur le nom du produit tel qu’il apparaît sur le certificat d’enregistrement. Il ne sera pas possible de restreindre la licence à un produit précis qui serait pourtant compris dans ce libellé large. Par exemple, si une marque internationale désigne les produits « Vêtements, articles chaussants, chapellerie » en classe 25, l’inscription d’une licence portant sur l’article « justaucorps », qui pourtant est compris dans l’article « Vêtements », pourrait être refusée.
Article rédigé par Audrey DRUMMOND