Depuis son établissement le 1er janvier 2019, nous suivons de très près l’actualité du Tribunal de PI de la Cour suprême (ci-après dénommé le Tribunal) : rapport annuel 2019 et première affaire traitée par ce tribunal (affaire Valeo).
Pour rappel, ce tribunal a été établi au sein de la Cour suprême pour servir de juridiction de seconde instance pour les affaires civiles et administratives de propriété intellectuelle impliquant une forte technicité, comme les brevets, les variétés végétales, les topographies de circuits intégrés, les secrets technologiques, les logiciels d’ordinateur, les monopoles, etc.
Le 28 février 2022, le Tribunal a publié son troisième rapport annuel portant sur l’année 2021. Nous allons vous en présenter les chiffres clés, en y associant des chiffres issus des deux rapports annuels précédents (2019 et 2020).
- Nombres d’affaires acceptées et conclues
Diagramme 1
* Les nombres d’affaires acceptées en 2019 et 2020 ont été rectifiés respectivement à 1946 (contre 1945 annoncé initialement) et 3177 (contre 3176 annoncé initialement) dans le rapport 2021.
Nous constatons une hausse progressive des nombres d’affaires acceptées et conclues depuis 2019.
- Types de différends
Comme exposé précédemment, deux types d’affaires sont traités par le Tribunal, les affaires civiles et les affaires administratives.
Affaires civiles de fond en seconde instance acceptées par le Tribunal
Diagramme 2
Selon les statistiques, depuis 2019, les atteintes aux droits du brevet (modèle d’utilité et brevet d’invention) sont les différends les plus courants. En même temps, nous constatons un accroissement considérable du nombre de différends portant sur le logiciel qui dépasse le nombre de différends portant sur l’atteinte au droit du brevet d’invention en 2021.
D’après le rapport 2021, les affaires civiles en matière de brevet présentent les particularités suivantes :
- L’interprétation des revendications reste la difficulté principale rencontrée dans ce type d’affaires. Le tribunal a apporté davantage de précisions/clarifications sur les critères de jugement des questions liées à l’interprétation des revendications, telles que la division des caractéristiques techniques, la détermination des caractéristiques équivalentes, l’identification des caractéristiques fonctionnelles et des caractéristiques de l’environnement d’utilisation, etc., afin de s’assurer que la portée et la force de protection conférée par le brevet sont compatibles avec les contributions créatives apportées par le titulaire du brevet sur la base de l’état de la technique.
- Les deux moyens de défense contre l’accusation de contrefaçon les plus utilisés sont la défense sur la base de la légitimité de la source des produits présumés contrefaits et la défense sur la base de l’argument selon lequel les technologies utilisées dans les produits présumés contrefaits appartiennent à l’état de la technique.
- Le calcul du montant des dommages et intérêts dus est devenu plus raisonnable. Les affaires avec une indemnisation élevée sont de plus en plus nombreuses. Par exemple, dans l’affaire de « la vanilline » qui concernait des secrets d’affaires, le plaignant a obtenu une indemnisation de 159 millions RMB (soit environ 22 millions €), ce qui constitue un nouveau record depuis la fameuse affaire « Tianci vs Newman » en 2020 où ce montant était d’un peu plus de 30 millions RMB .
- Parmi les différends concernant les droits de déposer une demande de brevet ou la propriété de brevet, ceux liés à des inventions de salariés sont les plus nombreux.
Affaires administratives de fond en seconde instance acceptées par le Tribunal
Diagramme 3
Selon le rapport 2021, les affaires administratives en matière de brevet présentent les particularités suivantes :
- La majorité des affaires portent sur le brevet d’invention. En 2021, 740 affaires acceptées par le Tribunal concernaient le réexamen des demandes de brevet d’invention rejetées ou l’invalidation de brevets d’invention, ce qui représente 66,4 % du nombre total de cas liés à la délivrance ou à la confirmation du droit de brevet.
- A part les domaines litigieux classiques comme le secteur pharmaceutique et les télécoms, d’autres domaines naissants tels que l’Internet, le « big data », l’e-business, l’intelligence artificielle, la blockchain, etc., sont de plus en plus concernés.
- La détermination de l’activité inventive et/ou de la nouveauté est le point clé dans la plupart de ces affaires.
- Résultats de seconde instance des affaires conclues
Diagramme 4
Dans la plupart des affaires, soit environ 60 % de cas, les décisions de première instance ont été maintenues, ce qui ne change pas beaucoup depuis 2019.
Si on raisonne en affaires administratives, le pourcentage de maintien s’élève à 88,1 % en moyenne sur les trois années passées et a très peu bougé (88,7 % en 2019, 87 % en 2020, 88,8% en 2021).
En ce qui concerne les affaires civiles, ce pourcentage varie de 40,3 % en 2019 à 44,7 % en 2020 et jusqu’à 49,6 % en 2021, ce qui montre une tendance de croissance non négligeable.
- Affaires internationales (impliquant des parties étrangères, Hong-Kong, Macao et Taiwan) acceptées et conclues
Les nombres d’affaires acceptées et conclues impliquant des parties internationales depuis 3 ans, ainsi que le ratio entre ces deux nombres, sont montrés sur le diagramme ci-dessous.
Diagramme 5
Nous constatons que le nombre d’affaires internationales acceptées continue sa croissance depuis 2019 : parmi les 437 affaires internationales acceptées en 2021, 382 concernent des étrangers, soit 8,8 % du nombre total des affaires acceptées par le Tribunal. Dans l’objectif de créer un environnement d’affaires de classe internationale, le Tribunal maintient l’impartialité juridique et protège de façon égale les droits des parties chinoises et étrangères. Comme dans l’affaire « Synthes GmbH (une entreprise suisse du secteur des dispositifs médicaux) vs. Dabo Medical Technology Co., Ltd. » : la décision de première instance a été modifiée pour soutenir pleinement l’indemnisation de 20 millions RMB réclamée par le titulaire du brevet étranger, soit Synthes GmbH, en raison du refus du contrefacteur de soumettre ses livres de comptes.
- Cycle de clôture et charge de travail pour les affaires civiles et les affaires administratives de fond
Diagramme 6
Relevons que, dans le rapport 2019, on ne faisait pas de distinction entre des affaires civiles et administratives pour calculer le cycle de clôture général, qui était de 73 jours, considéré à l’époque comme un des résultats remarquables du Tribunal. Néanmoins, en raison d’une part de la forte augmentation du nombre d’affaires et du nombre limité de juges, et d’autre part de la croissance du nombre d’affaires complexes et difficiles, le cycle moyen de clôture a presque doublé en 2021 et risque de continuer sa croissance dans les années à venir.
Diagramme 7
De plus, la charge de travail par juge s’accroit au fur et à mesure depuis 3 ans, comme montré sur le diagramme 7. Selon nous, elle a atteint à nouveau une saturation.
- Autres points clés du rapport annuel 2021
Outre l’accroissement remarquable du nombre d’affaires, d’autres informations contenues dans ce rapport annuel sont tout aussi intéressantes.
Premièrement, les différends concernent de plus en plus de nouveaux domaines techniques. En particulier, plus d’un quart des affaires concernaient des industries stratégiques émergentes telles que les technologies de l’information de nouvelle génération, la biomédecine, la fabrication d’équipements de haut de gamme, l’économie de l’énergie et la protection de l’environnement, les nouveaux matériaux et les nouvelles énergies.
Deuxièmement, non seulement le nombre d’affaires internationales s’accroit, mais certaines affaires domestiques sont aussi croisées avec des affaires internationales, ce qui montre que les droits de propriété intellectuelle, en tant que ressource stratégique pour le développement national et élément cœur de la compétitivité internationale, jouent un rôle de plus en plus important.
Troisièmement, les régions de provenance des affaires sont concentrées dans les régions relativement plus développées économiquement, avec des industries regroupées. Plus précisément, plus de la moitié des affaires acceptées par le Tribunal proviennent de trois cours de PI (Pékin, Shanghai et Guangzhou). Il est également à noter que certaines régions du centre et de l’ouest de la Chine (telles que Zhengzhou, Chengdu, Wuhan) connaissent une augmentation rapide du nombre d’affaires.
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