Protection des indications géographiques en Chine

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IG
Image by Patricio Hurtado from Pixabay

Les indications géographiques (ci-après IG) ne sont peut-être pas les plus connues parmi les différentes formes de propriété intellectuelle, mais elles sont essentielles pour protéger les producteurs de produits locaux mais également les consommateurs.

Ces derniers mois, la question de la protection des IG en Chine a été au cœur de plusieurs actualités, que nous souhaitons relayer sur ce blog et qui nous donne l’occasion de rappeler quelques bases sur le régime de protection offert par la Chine.

I. Rappel sur la protection des IG en Chine

– Définition des IG en Chine
C’est l’article 16 de la loi chinoise sur les marques qui définit les IG comme « des signes indiquant la région dont les produits proviennent et les dimensions naturelles ou humaines qui déterminent principalement la qualité, la réputation ou les autres caractères spécifiques des produits ».

– Protection offerte par le droit chinois
Pour protéger une IG en Chine, plusieurs options sont à envisager : l’enregistrement de marques réalisé auprès de l’Office chinois des marques (CTMO), ou l’enregistrement d’IG réalisé soit auprès de l’Office chinois de la propriété intellectuelle (CNIPA), soit auprès du Ministère de l’Agriculture chinois.

1) Enregistrement de marques

Tout d’abord, les IG peuvent être enregistrées en Chine en tant que marques. Il s’agira soit de marques collectives soit de marques de certification.

Rappelons rapidement la différence entre ces deux types de marques, que l’on retrouve également en droit français et européen. Une marque est dite collective au sens du droit chinois lorsqu’elle est enregistrée au nom d’un groupe, d’une association ou autre organisation et peut être exploitée par toute personne membre de ce groupe pour indiquer son appartenance à ce groupe. Une marque de certification est quant à elle gérée par une organisation ayant un pouvoir de supervision sur certains types de produits ou services pour certifier l’origine, le matériau, le mode de fabrication, la qualité ou d’autres caractéristiques de produits ou services tel que précisé dans son règlement.

Le déposant de la marque doit être l’organisme de gestion de l’IG et doit avoir préalablement obtenu l’enregistrement de cette IG dans le pays d’origine. Par ailleurs, en vertu de l’article 16 de la loi sur les marques, les IG ne peuvent être enregistrées ou utilisées lorsque les produits concernés ne proviennent pas de la région indiquée, induisant ainsi les consommateurs en erreur.

Les IG enregistrées comme marque collective ou marque de certification bénéficient d’une protection similaire à celle offerte aux marques ordinaires et permettent une utilisation exclusive sur le territoire chinois.

2) Enregistrement d’IG

Il est également possible d’obtenir un enregistrement d’IG à proprement parler, dans le cadre de procédures gérées soit par la CNIPA (anciennement gérée par l’AQSIQ) soit par le Ministère de l’Agriculture.

Ces procédures de protection se distinguent par leur champ d’application. En effet, l’enregistrement auprès de la CNIPA couvre les produits provenant d’une région géographique particulière dont la qualité, la réputation ou d’autres caractéristiques sont principalement attribuables aux facteurs humains ou naturels de la région et qui sont nommés du nom de la région. Ces produits incluent à la fois les produits cultivés dans la région ainsi que ceux réalisés, en tout ou partie, grâce à des matières premières provenant de la région et élaborés ou transformés avec des techniques particulières dans la région.

Le Ministère de l’Agriculture quant à lui traite uniquement des demandes d’enregistrement d’IG concernant des produits agricoles bruts.

Marques et IG, ces deux régimes de protection coexistent et il est possible de procéder à un double enregistrement, ce qui permet d’assurer la protection de l’indication géographique en tant que marque tout en indiquant au public le niveau de qualité du produit. On peut cependant imaginer que la coexistence de ces deux régimes peut entraîner des difficultés de coordination entre les différentes autorités.

II. Nouveautés concernant la protection des IG en Chine

La protection des IG en Chine a occupé le devant de la scène à plusieurs reprises ces derniers mois, concernant la coopération entre la Chine et l’Union européenne, les aspects pratiques de l’enregistrement des IG mais également de défense des IG par les tribunaux chinois.

– Avancée dans la coopération entre la Chine et l’Union européenne

Tout d’abord, le 6 novembre 2019, la Chine et l’Union européenne ont conclu un accord bilatéral de protection des IG. En vertu de cet accord, les deux parties s’engagent à protéger 100 IG chinoises et 100 IG européennes, mais également à étendre cette protection à 175 IG supplémentaires d’ici 4 ans. Cet accord couvre ainsi 100 IG européennes parmi lesquelles on trouve Champagne, Languedoc, prosciutto di Parma, Queso Manchego ainsi que 100 IG chinoises suivantes, incluant le riz de Panjin, le thé vert de Wuyuan et les gâteaux de lune de Wuchuan. Il s’agit là d’une étape importante qui montre bien l’importance de la coopération dans la protection des indications géographiques.

– Lancement de la plateforme électronique de demande de protection des IG en Chine

Une plateforme électronique de traitement des demandes de protection des IG a été officiellement lancée sur le site internet de la CNIPA en décembre dernier. Elle est accessible ici (http://www.cnipa.gov.cn/ztzl/dlbzzl/).

Les demandeurs de protection d’IG peuvent désormais se connecter sur la plateforme pour soumettre en ligne leurs demandes de marques collectives et marques de certification. Ce nouvel outil devrait faciliter les démarches des demandeurs et permettre un examen plus rapide des demandes.

– Victoire du Conseil interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB)

L’interprofession des vins de Bordeaux a annoncé le 23 juin dernier avoir obtenu une victoire en Chine qu’elle estime « significative » pour la défense des IG, avec la condamnation pénale d’un individu pour contrefaçon lors du salon des vins de Chengdu en 2019.

Il s’agit là de la première victoire remportée par le CIVB sur la base d’une marque collective, à savoir la marque « Bordeaux » protégée en Chine depuis 2017. Cette victoire a été possible grâce à une saisie conservatoire de produits sur le stand du salon, le contrefacteur ayant été identifié en amont et la saisie préparée avec l’administration chinoise. C’est le tribunal de Shanghai Pudong qui a rendu cette décision condamnant le prévenu à 18 mois de prison avec sursis et à des amendes de 100 000 CNY (13 000 euros) au titre de sa société et de 50 000 CNY (6 500 euros) à titre personnel pour contrefaçon de marque portant sur un lot d’environ 10 000 bouteilles.

Relevons que ce jugement a une portée sans précédent puisque c’est la première fois en Chine qu’une marque collective permet de gagner un procès au pénal. Il a d’ailleurs donné lieu à une conférence de presse du parquet de Shanghai Pudong, démontrant la volonté des autorités chinoises de communiquer sur cette condamnation et sur la lutte qu’elles mènent contre la contrefaçon.

La protection des IG s’améliore en Chine, en particulier pour les IG de pays étrangers qui sont de plus en plus reconnues et protégées. La Chine représentant un marché de plus de 1,4 millions de consommateurs et étant la deuxième destination des exports européens de produits agricoles et agroalimentaires, on ne peut que s’en féliciter.

Par YIN Huijing et Audrey DRUMMOND, du cabinet LLR China

Article rédigé par Audrey DRUMMOND