Depuis sa création en 1984, le régime chinois des brevets est en constante évolution. Déjà amendée trois fois depuis cette date, la version actuelle de la loi des brevets, entrée en vigueur en 2009, fera prochainement l’objet d’une nouvelle révision. On discute ainsi, depuis un certain temps maintenant, de la « quatrième loi des brevets » à venir. En effet, depuis 2012, plusieurs versions d’un projet d’amendement ont été mises à disposition du public pour commentaires par l’Office chinois de la propriété intellectuelle (SIPO) et le Conseil d’Etat chinois.
Voici une présentation d’un certain nombre de modifications apportées dans cette quatrième loi des brevets en cours de discussion, selon le projet tel que publié par le Conseil d’Etat en décembre 2015. Au vu de l’importance et du nombre de modifications proposées dans le cadre de ce projet de réforme, nous avons divisé notre analyse en deux parties.
La présente première partie vise à présenter certaines des modifications qui concernent le régime des dessins et modèles (« design patents »), le renforcement de la protection via la facilitation de l’obtention de preuves, l’introduction de dommages et intérêts punitifs ou encore la notion de responsabilité solidaire, et l’allègement de la procédure d’examen des demandes de brevet.
- Dessins et modèles (« design patents »)
Dans le cadre de la prochaine accession de la Chine à l’Arrangement de La Haye, qui pour rappel concerne l’enregistrement international des dessins et modèles industriels (« design patents »), le projet d’amendement propose de modifier la partie de la loi des brevets consacrée aux dessins et modèles. Rappelons ici qu’en Chine, les dessins et modèles (« design patents ») sont protégeables au titre d’un enregistrement soumis à la loi sur les brevets, laquelle regroupe deux autres types de titres, les brevets d’invention (« invention patents ») et les modèles d’utilité (« utility model patents »).
La modification principale pour les dessins et modèles concerne leur durée de protection, puisque le projet prévoit l’allongement de cette durée de protection à quinze ans. Elle est actuellement de dix ans.
De plus, le projet d’amendement propose d’introduire une définition de dessins et modèles dans l’article 2 de la loi, qui permettrait d’étendre la protection aux parties d’un produit ayant des caractéristiques distinctes. En effet, la formulation actuelle de la loi protège uniquement l’aspect général d’un produit, ce qui empêche les poursuites contre les personnes copiant seulement une ou plusieurs parties du dessin et modèle.
- Inventions brevetables
Il avait été prévu précédemment dans le projet d’amendement de la loi publié par le SIPO en avril 2015 d’étendre la liste des sujets brevetables aux méthodes de diagnostic et aux méthodes de traitement thérapeutique pour l’application aux animaux d’élevage. Cependant cette proposition a été supprimée dans le dernier projet d’amendement de la loi publié par le Conseil d’Etat en décembre 2015.
Par ailleurs, le projet d’amendement précise que ni les méthodes de transformation nucléaire, ni les matières obtenues par ces méthodes, ne sont brevetables, bien que la brevetabilité des premières soit pourtant reconnue par la loi des brevets actuellement en vigueur.
- Renforcement de la protection : obtention de preuves, dommages et intérêts punitifs, responsabilité solidaire
Plusieurs amendements sont destinés à renforcer la protection par brevet.
– Ainsi, le projet améliore les règles sur les preuves en octroyant aux autorités administratives de brevet le pouvoir de mener des enquêtes spécifiques et en créant des moyens de collecte des éléments de preuve.
– Par ailleurs, le projet de loi prévoit d’introduire un système de dommages et intérêts punitifs pour sanctionner les cas de contrefaçon. Ainsi, en cas de contrefaçon de mauvaise foi, le montant des dommages-intérêts pourrait s’élever jusqu’à trois fois le montant des dommages-intérêts habituels.
Nous pouvons relever qu’il s’agit là d’un aspect particulièrement nouveau et attendu du projet de loi, car les dommages et intérêts punitifs donneraient la possibilité d’augmenter le montant moyen des indemnités octroyées, pouvant être considérées comme insuffisantes.
Pour déterminer le montant des indemnités, le tribunal a la possibilité d’obliger le contrefacteur à fournir les informations et notamment ses livres de comptes concernant ses actes de contrefaçon. Dans le cas où le contrefacteur ne fournit pas ces informations, le tribunal peut déterminer le montant des indemnités en faisant référence aux montants demandés et preuves fournies par le titulaire. Notamment, il est précisé le souhait d’imposer des dommages et intérêts très élevés au contrefacteur, qui pourraient dépasser le préjudice réel du breveté.
– Le projet propose également, dans la version modifiée de décembre 2015, d’inclure dans la loi deux nouveaux articles 62 et 63 relatifs à la responsabilité solidaire en cas de contrefaçon.
Tout d’abord, le nouvel article 62 semble introduire la notion de contrefaçon par fourniture de moyens ou par incitation à la contrefaçon. Il précise que :
(1) si une personne a connaissance qu’un produit contient des matières premières, composants, équipements spéciaux pour exploiter un brevet et fournit ce produit à un contrefacteur dans le but de le produire ou l’exploiter sans l’autorisation du titulaire du brevet, cette personne sera tenue solidairement responsable avec le contrefacteur ;
(2) si une personne a connaissance qu‘un produit ou un procédé est breveté, mais incite une autre personne à une action de contrefaçon dans le but de le produire ou l’exploiter sans l’autorisation du titulaire du brevet, cette personne sera tenue solidairement responsable avec le contrefacteur.
Par ailleurs, le nouvel article 63 propose que si un fournisseur de service Internet a connaissance ou doit avoir connaissance de l’utilisation de son service par un utilisateur pour contrefaire un droit de brevet et ne prend pas immédiatement des mesures susceptibles d’empêcher cette violation, telles que la suppression ou la déconnection du lien vers le produit contrefait, ce fournisseur devra être tenu solidairement responsable avec l’utilisateur de son service. L’article prévoit aussi quelques mesures pour réduire le préjudice du breveté. Selon les explications fournies par le SIPO, le terme « fournisseurs de service Internet » comprend notamment les plateformes de commerce électronique. Ces nouvelles dispositions devraient donc inciter les plateformes de vente en ligne à lutter plus efficacement contre la contrefaçon.
- Allègement de la procédure d’examen
Les exigences de procédure pour la revendication du droit de priorité sont actuellement assez lourdes. Du fait de ces exigences, il arrive que des déposants perdent leur droit de priorité. Le nouveau projet prévoit un allègement de ces exigences de procédure.
Le projet d’amendements propose que le fait d’imposer aux déposants étrangers l’obligation de mandater un cabinet de brevets chinois qualifié par le SIPO pour traiter leurs demandes de brevet le soit « à titre de règles relatives ». Selon les explications fournies par le SIPO, l’ajout de l’expression « à titre de règles relatives » permettrait aux déposants étrangers de passer outre cette obligation. En proposant cette modification, le SIPO tient compte du fait que les déposants étrangers ne peuvent pas toujours choisir un cabinet chinois assez rapidement et risquent de perdre leur droit de priorité. Il est prévu que les règles d’exécution de la loi des brevets préciseront davantage les mesures pour procéder à ce changement.
Enfin, le projet indique que les déposants de brevet qui revendiquent une date de priorité, doivent, « à titre de règles relatives », déposer une requête écrite et une copie des documents de priorité. Il ne mentionne plus le délai de trois mois pour déposer la copie des documents de priorité. Selon les explications du SIPO, cette révision donnerait plus de flexibilité aux règles d’exécution de la loi des brevets pour permettre aux déposants de corriger, ajouter, restaurer des droits de priorité, ou encore étendre des délais.
- Réexamen et invalidation
Le projet propose également une modification des articles concernant les procédures de réexamen et d’invalidation en ajoutant que, lorsque le Comité de Réexamen du SIPO examine une requête de réexamen/invalidation concernant une demande de brevet ou un titre de brevet, le Comité peut vérifier, s’il l’estime nécessaire, toutes les conditions relatives à la demande de brevet ou au titre de brevet, y compris celles qui n’ont pas été soulevées lors de la requête.
Cette modification ajoute donc des variables importantes à prendre en considération dans le cadre d’une procédure de réexamen ou d’invalidation.
Notre prochain article sur ce blog abordera la suite des modifications proposées par le projet de révision de la loi des brevets en Chine. Nous traiterons à cette occasion les propositions de modification concernant les inventions de salariés, plus précisément concernant les inventions de mission, la licence de droit, les dispositions en matière de brevets essentiels et le rapport d’évaluation de la brevetabilité.
Article rédigé par Agnès PICON, Li LIANG
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