Fila tire son épingle du jeu
Le 22 février 2024, la Cour supérieure de Guangdong a annulé une décision dans un litige pour violation de marque qui opposait Fila Sports Co., Ltd. (« Fila Sports ») et un fabricant OEM, la société Hunan Jiahui Technology Co., Ltd. (« Jiahui » ou le « fabricant OEM »). La cour a confirmé le jugement de première instance, qui ordonnait à Jiahui de cesser immédiatement d’enfreindre les droits de marque de Fila Sports, à savoir la marque « Fila Company » en caractères chinois et les marques figuratives et semi-figuratives indiquées ci-dessous.
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Jiahui a donc été condamnée à arrêter la production et la vente des produits contrefaits. De plus, la cour a décidé qu’elle devait indemniser Fila Sports pour les pertes économiques subies (y compris les frais raisonnables engagés pour mettre fin à la contrefaçon) à hauteur de 200 000 RMB (environ 27 000 euros). Nous vous invitons à examiner de plus près cette affaire.
Examen de l’affaire
Dans cette affaire, le défendeur, la société Jiahui a signé un accord avec une société taïwanaise, propriétaire de la marque « FTAA logo » (voir ci-dessous). Conformément à cet accord, le fabricant OEM devait fabriquer des vêtements portant la marque « FTAA », puis les vendre à la société taïwanaise.
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Logo FTAA détenu par la société taïwanaise
Cependant, le logo apposé sur les produits était en réalité différent du logo FTAA et très similaire aux marques semi-figuratives de Fila Sports. Pour cette raison, lors de leur exportation vers Taïwan, les vêtements ont été saisis par les douanes chinoises, qui les ont soupçonnés de violer les droits de PI détenus par Fila Sports, enregistrés auprès de l’Administration générale des douanes. S’appuyant sur ces éléments, Fila Sports a déposé une plainte pour violation de marque contre Jiahui devant le Tribunal de première instance de la ville de Zhongshan.
Le 9 novembre 2022, le Tribunal de première instance de Zhongshan a rendu un jugement en faveur de Fila Sports, ordonnant à la société Jiahui de cesser ses actions de contrefaçon et de verser à Fila Sports une indemnisation pour préjudice économique d’un montant de 200 000 RMB. Non satisfaite de cette décision, la société Jiahui a interjeté appel devant le Tribunal intermédiaire de Zhongshan. Le 10 mai 2023, ce tribunal a annulé le jugement de première instance dans un arrêt en deuxième instance, rejetant la demande de Fila Sports.
Fila Sports a alors sollicité un réexamen de l’affaire par la Haute cour du Guangdong. Après avoir examiné l’affaire, la cour a finalement confirmé le jugement rendu en première instance par le Tribunal de Zhongshan, en faveur de Fila Sports.
Point de vue de la Cour
L’acte de Jiahui consistant à apposer les logos suspectés de contrefaçon sur ses produits constitue-t-il une utilisation de marque au sens de la législation sur les marques ?
La Haute cour du Guangdong explique que l’utilisation de marque est un comportement objectif qui englobe généralement plusieurs étapes, telles que l’apposition physique du logo lors du processus de fabrication, le marketing et la vente dans le circuit commercial, etc. Lorsqu’un logo est apposé physiquement sur un produit fabriqué ou transformé, et que ce logo est susceptible de distinguer l’origine des produits, et qu’il joue un rôle dans cette distinction, cet acte doit être considéré comme une « utilisation de marque » au sens de la loi sur les marques.
Dans cette affaire, Jiahui, en tant que fabricant OEM, a apposé les logos suspectés de contrefaçon sur les vêtements, ce qui avait clairement pour objectif d’identifier l’origine des produits. Ces logos peuvent avoir l’effet concret d’identifier l’origine des produits et doivent être reconnus comme une utilisation de marque. Ainsi, l’acte de Jiahui d’apposer une marque constitue bien une utilisation de marque.
Jiahui a-t-elle rempli son obligation de diligence raisonnable ?
Dans le cadre du modèle commercial OEM, la législation chinoise impose au fabricant OEM une obligation de diligence raisonnable, qui consiste notamment à vérifier scrupuleusement la légalité et la validité des droits de propriété intellectuelle, tels que les marques et les brevets, fournis par l’acheteur.
Pour répondre à cette question, la Haute cour a pris en compte le fait qu’il existait une différence évidente entre la marque dont l’apposition a été autorisée par la société taïwanaise et les logos détenus par Fila Sports. Les logos apposés par Jiahui sur les produits présentent une distinction de couleur entre les lettres initiales, parfaitement conforme au design des lettres initiales de la marque Fila, rendant ainsi leur apparence très similaire à celle de la marque Fila.
De plus, Fila a fourni des preuves attestant que ses marques jouissaient d’une grande notoriété sur le marché intérieur avant même le dépôt de la demande de la marque tierce. En tant qu’opérateur exerçant son activité dans le même secteur, Jiahui aurait dû être au courant de cette notoriété, mais a néanmoins apposé les logos sur les vêtements qu’elle traitait. Dans ce contexte, Jiahui a cependant continué d’apposer un logo dont l’apparence était manifestement différente du logo pour lequel elle avait obtenu l’autorisation, ce qui relève au moins de la négligence et rend difficile de croire qu’elle ait respecté son devoir de diligence raisonnable.
En conclusion
La Cour supérieure de Guangdong a estimé que le comportement de Jiahui constituait bien une violation de marque.
Cinq ans après l’arrêt Honda qui a marqué en tournant dans la qualification de la contrefaçon dans les activités OEM, la décision reste dans cette lignée jurisprudentielle selon laquelle la qualification de contrefaçon n’est pas exclue lorsque l’affaire concerne l’OEM et doit être décidée au cas par cas, selon les circonstances.
Cette affaire nous rappelle également l’importance d’enregistrer ses droits de PI auprès des douanes. Un tel enregistrement présente un double avantage : il offre non seulement une protection efficace et rapide contre l’exportation ou l’importation de produits contrefaits depuis ou vers la Chine, mais permet également de dissuader les contrefacteurs de produire des contrefaçons destinées au marché international, ces derniers étant conscients que les produits sont susceptibles d’être saisis à la frontière.
Article rédigé par Fujuan DAI