Quelles sont les nouveautés à retenir ?
Harmoniser la pratique actuelle et s’adapter au développement des nouvelles technologies, tels sont les objectifs de la nouvelle version des Directives d’examen des brevets publiée par l’Office chinois de la propriété intellectuelle (CNIPA) et qui est entrée en vigueur le 1er novembre dernier.
Pour répondre à ces objectifs, les nouvelles directives ont mis en place une série de bonnes pratiques à adopter par les examinateurs et ont clarifié certains termes ambigus présents dans l’ancienne version. Ainsi, elles devraient permettre d’améliorer la qualité et l’efficacité de l’examen des brevets et de soutenir le développement de l’innovation en Chine.
Dans le cadre de notre article, nous avons relevé et analysé certains amendements des directives qui nous semblent intéressants de retenir :
I. Appréciation de l’activité inventive
La révision des directives ne prévoit pas de changement substantiel concernant l’appréciation de l’activité inventive, elle précise toutefois les aspects suivants :
– Lors de l’examen de l’activité inventive par l’approche dite des « trois étapes » (qui est similaire à l’approche problème-solution – voir à ce sujet notre ancien article L’approche problème-solution en Chine et ses différences avec l’Office Européen des Brevets), les nouvelles directives indiquent qu’il convient de déterminer le problème technique objectif selon l’effet technique des caractéristiques distinctives dans l’invention en question (soit la solution technique telle que revendiquée) afin de pouvoir déterminer si l’effet technique de la caractéristique distinctive est le même que celui indiqué dans le document cité.
Cette définition paraît évidente mais, dans la réalité, elle est parfois mal exécutée. L’appliquer demande une meilleure compréhension de l’invention de la part de l’examinateur, qui ne doit plus considérer une caractéristique de façon isolée ni prendre en compte uniquement son effet technique direct pouvant être facilement retrouvé dans des documents de l’art antérieur.
– Pour les caractéristiques techniques qui se soutiennent fonctionnellement et qui ont une relation d’interaction, les effets techniques obtenus par les caractéristiques techniques et leur relation dans l’invention revendiquée doivent être considérés dans leur ensemble.
Dans la pratique, il n’est pas rare que l’examinateur traite les caractéristiques distinctives séparément, et en déduise plusieurs « problèmes techniques » qui rendent l’application de chaque caractéristique évidente. Ainsi, l’activité inventive de l’invention est sous-estimée. Si, grâce à cette nouvelle précision des directives, les déposants de brevets peuvent espérer recevoir moins d’objections de ce type à l’encontre de l’activité inventive, il faut toutefois noter que les arguments visant à montrer la synergie des caractéristiques sont toujours adoptés pour contester ces objections. On peut donc également espérer que ces arguments seront plus convaincants pour les examinateurs.
– Les connaissances générales utilisées par l’examinateur doivent être certaines et, si elles sont contestées par le demandeur, l’examinateur devra être en mesure de fournir des éléments de preuve ou de les justifier. Dans le cas où l’examinateur considère qu’une caractéristique contribuant à résoudre le problème technique fait partie des connaissances générales, il devra généralement fournir des preuves à l’appui.
Comparé à leurs collègues européens par exemple, les examinateurs chinois sont souvent critiqués pour leur utilisation « abusive » des connaissances générales. Ce dernier point est donc une modification prometteuse des directives qui renforce la responsabilité de l’examinateur et son obligation de justifier les connaissances générales de l’homme du métier. Cette précision devrait nous permettre de contester plus facilement qu’avant l’opinion des examinateurs. A noter que, dans certains cas, et ce même avant l’entrée en vigueur des nouvelles directives, les examinateurs chinois joignaient déjà des preuves de connaissances générales dans les lettres officielles.
II. Brevets de dessin portant sur une GUI (interface graphique utilisateur)
Protégeable depuis 2014, la GUI est rapidement devenue un nouveau champ de bataille pour les entreprises de nouvelles technologies. Suite à plusieurs jurisprudences ayant donné lieu à nombre de discussions ces dernières années, il semblerait que la CNIPA ait décidé de réaffirmer sa position à ce sujet par la modification suivante des directives : étant donné que la GUI est un dessin du produit, le titre du brevet doit prendre la forme d’un « produit avec GUI pour telle fonction » et non pas d’une « GUI pour tel produit ».
En d’autres termes, c’est bien le produit qui est protégé, et non la GUI en elle-même. Avec cette interprétation, il y a fort à parier que les entreprises de logiciels, qui sont très rarement fabricants de matériels, considéreront les brevets GUI avec beaucoup moins d’intérêt. En effet, en cas de contrefaçon, c’est généralement la GUI seule qui est reproduite et non l’ordinateur qui porte la GUI, comme nous l’avons déjà expliqué dans notre analyse de la jurisprudence Qihu 360 vs. Jianmin (voir notre article Première action en contrefacon de GUI en Chine, l’interprétation de la Cour de PI de Pékin).
Par ailleurs, selon les nouvelles directives, pour déposer une demande de brevet de dessin portant sur une GUI, une seule vue de face de l’écran incluant la GUI suffira, au lieu des 6 vues de chaque côté comme exigé pour une demande de brevet de dessin habituelle. Il convient également de lister dans une brève description, et de façon exhaustive, tous les produits finaux envisagés. Autrement dit, une GUI adaptée à plusieurs appareils, tels que l’ordinateur, la tablette, le téléphone portable, etc, peut être protégée par un seul brevet de dessin. Ces modifications permettent, d’une certaine manière, de dissocier la GUI du produit final de façon à ce que le demandeur ne paie qu’une seule procédure pour protéger les différents produits portant la GUI. Toutefois, avec cette clarification et les jurisprudences existantes, il nous semble difficile pour un fournisseur de logiciels de faire valoir ses droits sur la GUI puisque c’est généralement le consommateur final qui télécharge le logiciel sur le produit, et que cela constitue un usage privé qui rentre dans les exceptions prévues par le droit de la propriété intellectuelle.
En outre, les nouvelles directives prévoient que, s’il s’agit d’une GUI dynamique, le mot clé « dynamique » doit être inclus dans le titre. Au moins une vue de face illustrant un état de la GUI doit être désignée comme vue principale, et pour les autres états, les images clés suffisent, à condition que toute la procédure de changement de la GUI dynamique puisse être établie de façon unique, éventuellement à l’aide de la description.
Ces modifications visent à encadrer le dépôt des dessins GUI en précisant les informations à fournir, de façon à ce que la portée de protection de ce type de dessin soit plus clairement définie.
III. Report et accélération d’examen
– Report d’examen
Selon les nouvelles directives, les demandes de brevets d’invention et de brevets de dessin peuvent désormais profiter d’un report d’examen : pour le brevet d’invention, la requête doit être faite au même moment de la requête d’examen de fond ; pour le brevet de dessin, la requête doit être faite au même moment que le dépôt de la demande. La durée de report peut être d’un, deux ou trois ans à partir de la date effective de la requête.
Ainsi, pour une demande de brevet d’invention, le demandeur peut disposer d’une période de réflexion plus longue, jusqu’à 6 ans après le dépôt. Nous attirons cependant votre attention sur le fait que la publication quant à elle ne sera pas reportée. En outre, dans certains domaines où la durée de développement des produits finaux est relativement longue, et en particulier pour les demandes de brevets de dessin dont l’examen est connu pour être réalisé très rapidement en Chine et qui ne font pas l’objet d’une publication, il est aussi intéressant de demander un report d’examen, et ce afin de retarder leur divulgation.
– Accélération d’examen
Les demandeurs qui souhaitent obtenir un droit de brevet plus rapidement peuvent requérir l’examen accéléré. Les règles spécifiques sont détaillées dans les « Pratiques de gestion de l’examen prioritaire des demandes de brevet » publiées par la CNIPA qui feront l’objet d’un prochain article sur notre blog. Cependant, il est à noter que, si, pour une même invention, le demandeur dépose une demande de modèle d’utilité et une demande de brevet d’invention en parallèle le même jour, la demande d’invention ne pourra profiter de l’examen accéléré.
IV. Brevetabilité dans le domaine des cellules souches d’embryons humains
Une règle d’exclusion a été ajoutée dans les directives et indique désormais : « si l’invention utilise les cellules souches séparées ou obtenues de cellule d’embryon humain non développée in vivo moins de 14 jours après la fécondation, cette invention ne peut pas être rejetée en raison de la violation de la moralité sociale. » (Partie II chapitre 1, section 3.1.2). Une modification correspondante a été ajoutée dans une autre disposition : « la cellule souche d’embryon humain n’appartient pas au corps humain durant sa période de formation et développement » (Partie II chapitre 1 section 9.1.1.1).
Selon ces modifications, les inventions concernant des cellules souches embryonnaires humaines peuvent faire l’objet d’une protection par brevet. Il s’agit là d’une réforme très importante pour le domaine biologique. La Chine devient ainsi l’un des pays les plus ouverts à l’innovation sur les cellules souches d’êtres humains.
V. Autres dispositions
Cette nouvelle version des Directives, entrée en vigueur le 1er novembre 2019, apporte donc des clarifications importantes pour les déposants de brevets. En plus des modifications expliquées dans notre article, les modifications concernent aussi des sujets tels que :
– la procédure d’invalidation : pour éviter un nombre infini de combinaisons possibles, l’opposant doit clairement indiquer comment combiner les documents cités et indiquer l’argument principal d’invalidation s’il y en a plusieurs ;
– le transfert de droits : il est possible que le document d’identité d’une partie (l’extrait de kbis pour une société française) soit demandé par l’Office, afin de justifier la légitimité du transfert ;
– l’encouragement des entretiens entre l’examinateur et le demandeur au cours de la procédure d’examen quant au fond.
Pour information, une autre modification des Directives est entrée en vigueur à partir du 1er février 2020, dans laquelle un nouveau chapitre est ajouté pour discuter plus précisément de la brevetabilité des inventions en relation avec les algorithmes ou les méthodes commerciales. Ces nouvelles dispositions feront l’objet du prochain article publié sur ce blog.
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