Des modifications sont intervenues début 2018 concernant la concurrence déloyale en Chine, notamment sur la concurrence déloyale sur internet, le calcul des dommages et intérêts, la loi sur le secret de fabrique, la publicité mensongère, etc.
Le 4 novembre 2017, le comité permanent de l’Assemblée Populaire Nationale chinoise a adopté les amendements proposés à la loi chinoise sur le droit de la concurrence déloyale datant de 1993. Les amendements apportés à la loi ont pour objectif de répondre aux besoins d’adaptation des dispositions législatives au développement du marché chinois, ces dispositions n’ayant jusqu’alors jamais fait l’objet de modifications. Nous vous proposons de revenir sur ces changements du droit de la concurrence déloyale en Chine, qui sont entrés en vigueur le 1er janvier 2018.
Pourquoi une nouvelle loi sur la concurrence déloyale en Chine ?
Tout d’abord, revenons en arrière pour évoquer la première loi chinoise de la concurrence déloyale. Adoptée le 2 septembre 1993 et entrée en vigueur le 1 décembre 1993, cette loi prévoyait une règle générale interdisant les actes de concurrence déloyale ainsi que des règles spécifiques applicables à onze types d’actes de concurrence déloyale. En raison du développement de l’économie de marché en Chine, de nouveaux types d’actes de concurrence déloyale ont vu le jour et les dispositions de la loi de 1993 sont devenues obsolètes et rudimentaires. Par ailleurs, depuis 1993, de nouvelles lois ont été adoptées (notamment concernant l’interdiction de monopole, de dumping et de concertation dans les appels d’offres) et empiétaient sur certaines dispositions de la loi de la concurrence déloyale de 1993. C’est dans ce contexte que la loi de 1993 a été révisée en 2017, son objectif étant de clarifier ses domaines de compétence, d’adapter les règles existantes et d’en créer de nouvelles pour faire face aux nouvelles situations de concurrence du marché chinois. De plus, les nouvelles dispositions prévoient un renforcement des mesures de sanction des actes de concurrence déloyale.
Critère de confusion étendu à tout genre de signes commerciaux
Parmi les principaux changements, abordons d’abord la règle relative à la contrefaçon des signes commerciaux (article 5 de la loi de concurrence déloyale de 1993). Cette règle interdisait la contrefaçon de marques enregistrées, de noms de produits, d’emballages ou de décorations de produits ayant un caractère distinctif (y compris une distinctivité acquise par usage) et une reconnaissance sur le marché chinois. La jurisprudence a par la suite élargi le champ d’application de cette règle de sorte qu’elle s’appliquait également à tout genre de contrefaçon de signes commerciaux. La révision de la loi en 2017 a consolidé cette jurisprudence. L’article 6 de la nouvelle loi a ainsi inclut les noms de domaines, les noms de site internet et même les pages internet comme objets protégés. De plus, il a précisé que le fondement théorique de cette règle est le risque de confusion.
Extension des infractions de corruption commerciale et de publicité mensongère
Concernant la corruption commerciale, la nouvelle loi a considérablement élargi le champ d’application de l’infraction en indiquant qu’elle était applicable à toute société ou tout individu pouvant avoir de l’influence sur l’affaire tandis que le texte de l’ancienne loi ne couvrait que la société co-contractante ou ses employés.
Pour ce qui est de la publicité mensongère, la nouvelle loi prend en compte le développement du commerce électronique. Etant donné que les commentaires des consommateurs et les informations concernant la quantité de ventes d’un produit constituent des références importantes pour les internautes dans leurs choix d’achats électroniques, les faux commentaires et les fausses ventes sont utilisés par certains opérateurs de boutiques en ligne pour promouvoir leurs produits. L’article 8 de la nouvelle loi de la concurrence déloyale mentionne expressément les commentaires des consommateurs et quantités de vente comme actes de publicité mensongère.
Adaptation de la loi sur le secret de fabrique
La nouvelle loi de la concurrence déloyale modifie également la définition du secret de fabrique. Selon la loi de 1993, un secret de fabrique consistait en des informations technologiques ou commerciales qui ne sont pas connues du public, économiquement bénéfiques à son titulaire, ayant une utilité pratique, et protégées par les mesures appropriées. La nouvelle loi a remplacé la condition d’informations « économiquement bénéfiques à son titulaire et ayant une utilité pratique » par la condition d’informations « ayant une valeur commerciale ». Cette modification a pour objectif de rendre la loi chinoise conforme à l’article 39 de l’Accord sur les ADPIC. Par ailleurs, la Cour suprême chinoise avait déjà défini, dans son interprétation judiciaire No°2004-20, le savoir-faire ou « know-how » au sens de la loi sur le droit des contrats de 1999 en incluant cette condition de « valeur commerciale ». Ainsi, cette modification de la définition du secret de fabrique par la nouvelle loi n’est qu’un alignement de la loi sur les évolutions des définitions dans ces domaines concernés.
Concurrence déloyale sur internet
La plus grande innovation de la nouvelle loi de concurrence déloyale concerne la création de règles spécifiques applicables aux actes de concurrence en ligne. Avec l’utilisation de plus en plus importante des technologies de l’information dans les affaires et dans la vie quotidienne, internet est devenu ces dernières années un champ de bataille phénoménal pour les sociétés. Une série de procès a eu lieu, notamment entre des sociétés chinoises, devant les tribunaux chinois concernant des actes de concurrence déloyale menées sur internet. En absence de règles explicites et devant la grande variété des comportements rendus possibles le développement des technologies, les tribunaux chinois ont interprété la règle générale interdisant la concurrence déloyale de manière souple afin de condamner certaines de ces activités. Ces décisions de jurisprudence ont servi de base pour l’établissement des règles de l’article 14 de la nouvelle loi. Selon cet article, il est interdit de « perturber ou d’empêcher, par des moyens techniques qui ont pour effet d’influencer le choix des consommateurs ou d’autres effets, le fonctionnement normal des produits ou services légaux en ligne fournis par un tiers opérateur ». Il s’agit notamment de viser l’utilisation des liens hypertextes vers des contenus protégés, ainsi que des actes consistants à inciter ou conduire les consommateurs à désinstaller, modifier ou abandonner les produits ou services informatiques d’un tiers et de refuser la compatibilité avec les produits ou services informatiques d’un tiers[1].
Calcul des dommages et intérêts
Enfin, la nouvelle loi de la concurrence déloyale a précisé la méthode de calcul des dommages et intérêts. Sur ce point, le législateur a fait référence aux nouvelles lois adoptées ces dernières années en matière de droit de propriété intellectuelle. Ainsi, la nouvelle loi prévoit que les dommages–intérêts doivent être déterminés sur la base des pertes subies par la victime ou du bénéfice réalisé par le responsable de l’infraction si les pertes ne peuvent pas être déterminées. Si aucun des deux montants ne peut être déterminé, le juge pourra prononcer un montant jusqu’à 3 millions de CNY en prenant en compte les circonstances de l’affaire.
[1] pour plus d’information, voir Shujie Feng, « Internet-Related Unfair Competition: The Impact of Treaties and Challenges for Mainland Chinese Law and Jurisprudence », in Governing Science and Technology under the International Economic Order Regulatory Divergence and Convergence in the Age of Megaregionals, Edited by Shin-yi Peng, Professor of Law, Han-Wei Liu and Ching-Fu Lin, Assistant Professors of Law, National Tsing Hua University, Taiwan
Article rédigé par Shujie FENG