Un exemple de l’application des nouvelles dispositions relatives aux demandes d’injonction entrée en vigueur début 2019
Comme nous l’indiquions déjà dans un précédent article, l’octroi d’injonctions préliminaires reste assez rare en Chine. De nouvelles dispositions relatives à l’application de la loi de procédure civile aux demandes d’injonction dans les litiges de propriété intellectuelle publiées par la Cour Suprême sont entrées en vigueur le 1er janvier 2019 et ont apporté un certain nombre de clarifications sur les règles applicables aux injonctions préliminaires.
Récemment, le tribunal intermédiaire de Suzhou a rendu une décision intéressante qui applique ces nouvelles dispositions. Cette affaire concerne les demandes d’injonction déposées par la société Universal Pictures (Shanghai) à l’encontre de plusieurs défendeurs poursuivis pour violation des droits d’auteur relatifs à l’image des personnages du dessin animé « Les Minions ». Nous vous proposons d’étudier cette affaire pour analyser comment le tribunal a appliqué ces nouvelles dispositions pour prononcer une injonction préliminaire à l’encontre des défendeurs.
Un des Minions | Produits suspectés de contrefaçon |
Notons que c’est ce même tribunal de Suzhou qui a émis une injonction dans une autre affaire concernant la célèbre marque New Balance. Si une entreprise découvre que ses droits de propriété intellectuelle sont violés par une tierce partie sur le marché chinois et décide de former un recours pour protéger ses droits, le dépôt d’une demande d’injonction peut être envisagé au cours de la procédure afin que son préjudice puisse être contrôlé.
Dans cette affaire, la société Universal Pictures (Shanghai) Business and Trade LLC, filiale d’Universal Pictures, a poursuivi six entreprises chinoises pour violation des droits d’auteur relatifs à l’image des Minions détenus par Universal City Studios LLC. En parallèle, Universal Pictures (Shanghai) a déposé une demande d’injonction auprès du tribunal à l’encontre des six défendeurs. Le 28 juin 2019, le tribunal intermédiaire de Suzhou a rendu sa décision concernant les demandes d’injonction, ordonnant aux défendeurs d’arrêter immédiatement la production et la vente des marchandises qui violent les droits d’auteur relatifs aux Minions et de cesser immédiatement la promotion de ces marchandises en utilisant l’image des Minions.
Rappelons que l’injonction est un ordre émis par le tribunal avant la détermination du fond de l’affaire et pour une durée limitée dans le temps, afin de permettre au demandeur d’obtenir des mesures provisoires, par exemple une injonction de cesser la production et la vente de produits suspectés de contrefaçon. La demande d’injonction doit être examinée par le tribunal, qui va vérifier si les conditions posées par l’article 101 de la loi de procédure civile sont remplies. Ainsi, la qualité du demandeur, le critère d’urgence et de préjudice irréparable sont trois conditions qui doivent être remplies.
Examen de la qualité du demandeur
Dans le cas d’espèce, le demandeur était Universal Pictures (Shanghai) et non le propriétaire des droits d’auteur Universal City Studios LLC. Il convient donc de déterminer si Universal Pictures (Shanghai) peut être qualifié de « personne intéressée » en droit de déposer une demande d’injonction préliminaire. Conformément à l’article 2 des dispositions de la Cour Suprême, le titulaire d’un contrat de licence non exclusif est en droit de demander une injonction s’il a obtenu une autorisation de la part du propriétaire. Universal City Studios, en tant que propriétaire des droits d’auteur, a spécifiquement autorisé Universal Pictures (Shanghai) à faire cette demande, par conséquent celui-ci peut être qualifié de partie intéressée dans cette affaire.
Examen du critère d’extrême urgence
Concernant le critère d’extrême urgence, l’article 6 des dispositions de la Cour Suprême définit les six situations qui répondent à cette exigence. Dans le cas d’espèce, la situation a été jugée comme étant extrêmement urgente, car les produits suspectés de contrefaçon avaient déjà été vendus sur le marché et les défenseurs avaient obtenu un montant certain de profits en vendant les produits de contrefaçon. Étant donné qu’il faut généralement du temps entre la saisie du tribunal et la prononciation d’un jugement définitif, s’il n’est pas possible d’empêcher immédiatement le comportement des défenseurs, les pertes du plaignant se seraient considérablement amplifiées pendant l’examen du fond de l’affaire par le tribunal. En outre, nous estimons qu’un des éléments de preuve soumis par le demandeur a été déterminant dans la décision du tribunal quant au critère d’extrême urgence. En effet, Universal Pictures (Shanghai) a apporté la preuve que les produits des défendeurs (des boissons lactées) dotés d’images similaires à l’image des Minions présentaient des fausses informations concernant leurs qualités nutritionnelles. Le tribunal en a déduit que l’apposition de ces fausses informations sur les produits nuirait aux activités du propriétaire des droits d’auteur si ces produits continuaient à être vendus sur le marché.
Examen du critère de préjudice irréparable
Quant au critère de préjudice irréparable, d’après les preuves certifiées conformes soumises par le demandeur, un des produits du défendeur avait déjà été vendu à 25 000 exemplaires, lui permettant de remporter plus de 15 millions de yuans en l’espace de trois mois. Ces montants de vente ainsi que la fausse identification de nutriments auraient causé des dommages irréparables au demandeur.
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