Le disclaimer non divulgué dans une demande de brevet
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Le disclaimer non divulgué dans une demande de brevet

La Cour suprême prend position

Le disclaimer non divulgué (ci-après dénommé disclaimer) fait généralement référence à l’introduction de caractéristiques techniques négatives lors de la modification des revendications, ce qui a pour effet d’exclure un certain objet du champ de protection des revendications d’origine, limitant ainsi la portée de la protection. De telles modifications se produisent principalement dans les domaines de la chimie et de la biologie, et s’appliquent particulièrement aux caractéristiques définies par des plages de valeur.

Les règles prévues par les Directives d’examen des brevets

La section 5.2.3.3, chapitre 8 de la deuxième partie des Directives d’examen des brevets (« Directives d’examen ») émises par l’Administration nationale de la propriété intellectuelle de Chine (« CNIPA ») fournit une description illustrative de ces modifications.

Elle précise : « Si aucune valeur numérique intermédiaire dans la plage de valeur initiale d’une caractéristique technique n’est décrite dans la description et les revendications initiales, alors que la nouveauté et l’activité inventive sont compromises par le contenu divulgué dans des documents d’art antérieur, ou si l’invention ne peut être mise en œuvre lorsque cette caractéristique adopte certaines parties de la plage de valeur initiale, le demandeur doit utiliser un disclaimer spécifique pour exclure ces parties de la plage de valeur initiale afin que la plage de valeur de la solution technique revendiquée n’inclue manifestement pas ces parties. De telles modifications ne seront pas acceptées car elles dépassent la portée de divulgation contenue dans la description et les revendications initiales, sauf si le demandeur peut prouver, conformément au contenu décrit dans la demande initiale, que l’invention ne peut être mise en œuvre lorsque cette caractéristique adopte la valeur ‘exclue’ (Scénario 1), ou que l’invention possède une nouveauté et implique une activité inventive lorsque cette caractéristique adopte la valeur après le disclaimer (Scénario 2) ».

Elle poursuit : « Par exemple, si la plage de valeurs dans la solution technique d’une revendication est X1 = 600-10000, la seule différence entre les contenus techniques divulgués dans le document d’art antérieur et ladite solution technique est que cette plage de valeur dans le document d’art antérieur est X2 = 240-1500. Comme X1 et X2 se chevauchent partiellement, la revendication ne possède pas de nouveauté. Le demandeur utilise donc le disclaimer spécifique pour modifier X1 en excluant de X1 la portion qui se chevauche avec X2, c’est-à-dire 600-1500, de sorte que la plage de valeur de la solution technique revendiquée après modification est de « X1 > 1500 à X1 = 10000 ». Si le demandeur ne peut a) ni prouver que les inventions de la plage de « X1 > 1500 à X1 = 10000 » impliquent une activité inventive par rapport à celles de la plage de « X2 = 240-1500» décrite dans le document d’art antérieur sur la base des contenus initialement divulgués et de l’art antérieur, b) ni prouver que l’invention ne peut pas être mise en œuvre lorsque X1 est dans la plage de valeur de 600-1500, de telles modifications ne seront pas acceptées ».

Le premier scénario est facile à comprendre. Par exemple, supposons que « X ≥ 3 » soit mentionné dans la revendication originale, mais que l’homme du métier, sur la base du contenu de la description, puisse déterminer directement et sans ambiguïté que X doit être un nombre pair supérieur à 3 pour atteindre l’objectif de l’invention et résoudre le problème technique annoncé. Dans ce cas, il devrait être permis de modifier cette caractéristique dans la revendication en la formulant comme « X est un nombre pair supérieur à 3 », excluant ainsi les nombres impairs supérieurs à 3 qui ne sont pas explicitement divulgués dans la description.

Concernant le deuxième scénario, doit-on comprendre que si, après avoir effectué le disclaim ver, il est prouvé que l’invention satisfait aux critères de nouveauté et d’activité inventive par rapport aux documents de l’art antérieur, l’amendement sera alors systématiquement accepté ? La Cour Suprême a répondu par la négative à cette question.

Prise de position de la Cour suprême

Dans l’affaire (2021) SPC Zhixingzhong No. 44, la Cour suprême a jugé discutable la logique d’examen appliquée par la CNIPA dans sa décision de réexamen concernant le disclaimer. Selon cette logique, la CNIPA procédait d’abord à une évaluation pour déterminer si le disclaimer dépassait le cadre de la description et des revendications originales, puis décidait de l’accepter ou non en fonction de sa capacité à conférer nouveauté ou inventivité à la demande de brevet. En d’autres termes, si le disclaimer peut conférer nouveauté ou inventivité, il était alors accepté ; sinon, il ne devait pas l’être. Cette logique a été jugée incohérente par la cour. Si le disclaimer est considéré comme dépassant le cadre de la description et des revendications originales, il ne devrait pas être accepté, même s’il peut conférer nouveauté ou inventivité, car cela ne remédie pas le problème du dépassement du cadre.

Par conséquent, la décision contestée devrait d’abord déterminer si le disclaimer dépasse le cadre et s’il devrait être accepté. Une fois qu’il est établi qu’il ne dépasse pas le cadre et qu’il doit être accepté, il convient ensuite d’examiner si les revendications modifiées sont nouvelles et inventives. Le CNIPA a suivi une démarche inverse, ce qui est incorrect.

De plus, dans l’affaire en question, la Cour Suprême a également déclaré que : « étant donné que le contenu exclu de la protection par le disclaimer peut ne pas être divulgué directement ou implicitement dans la description et les revendications originales, ce mode d’amendement peut introduire de nouveaux éléments, ce qui ne respecte pas entièrement les dispositions de l’article 33 de la loi sur les brevets, qui stipule que l’amendement à la demande de brevet pour une invention ou un modèle d’utilité ne peut dépasser le cadre de la divulgation contenue dans la description et les revendications initiales. Cependant, si l’objet de protection retenu après le disclaimer a été directement ou implicitement divulgué dans la description et les revendications originales, le disclaimer devrait être autorisé, en tenant compte de la protection équitable des intérêts du titulaire du brevet ».

Relevons que la pratique du disclaimer s’applique généralement uniquement aux demandes de brevet qui ont perdu leur nouveauté en raison de demandes intercalaires partiellement superposées ou d’une anticipation accidentelle, ou encore aux demandes de brevet dans lesquelles un objet non brevetable est exclu pour des raisons non techniques. L’anticipation accidentelle désigne une situation dans laquelle le domaine technique, le problème technique résolu et le concept inventif diffèrent entre l’invention et l’art antérieur, mais la nouveauté de l’invention est détruite uniquement en raison du contenu divulgué qui chevauche le champ de protection des revendications.

En plus de satisfaire aux exigences formelles et aux situations spécifiques mentionnées ci-dessus, le disclaimer doit également se conformer aux dispositions de l’article 33 de la Loi sur les brevets. À cet égard, il est essentiel d’examiner de manière globale le contenu de la divulgation de la description et des revendications originales, ainsi que le contenu exclu, celui retenu après le disclaimer, et la relation entre ces trois éléments, afin de déterminer si le disclaimer doit être accepté. Si l’homme du métier peut établir que le contenu retenu après le disclaimer est directement ou implicitement divulgué dans les revendications ou la description originales, le disclaimer est conforme aux dispositions de l’article 33 de la loi sur les brevets et doit être accepté.

Dans l’affaire mentionnée ci-dessus, le demandeur a modifié la revendication 1 lors de la procédure de réexamen en la restreignant pour préciser que « le premier mélange ne contient pas de poudre d’oxyde de cuivre ». Contrairement à l’avis de la CNIPA, la Cour Suprême a jugé que cette modification n’exclut pas un certain objet de la revendication 1, mais introduit plutôt une limitation supplémentaire à la solution technique globale de la revendication 1, ce qui ne respecte pas les exigences formelles du disclaimer. De plus, cette modification n’était pas nécessaire pour restaurer la nouveauté par rapport à une demande intercalaire ou à une anticipation accidentelle de l’art antérieur, ni pour exclure un objet non brevetable pour des raisons non techniques. Par conséquent, elle ne répondait pas aux exigences concernant les situations spécifiques de disclaimer.

La Cour suprême a donc indiqué que le défendeur (à savoir la CNIPA) devait procéder à un réexamen basé sur les revendications examinées dans la décision de rejet, plutôt que de revoir l’activité inventive des revendications modifiées par le disclaimer lors du dépôt de la demande de réexamen.

Conclusion

En conclusion, avant d’adopter un disclaimer,qui est généralement soumis à un examen rigoureux, il est essentiel de s’assurer que les exigences formelles et les situations spécifiques mentionnées ci-dessus sont satisfaites. Cela inclut non seulement l’analyse du contenu des revendications et de la description, mais aussi une évaluation approfondie des implications techniques de la modification proposée.

En outre, il est important de vérifier que le disclaimer respecte les dispositions de l’article 33 de la loi sur les brevets. Cela signifie qu’il doit être démontré que le contenu retenu après le disclaimer est bien divulgué dans les revendications ou la description originales. Cette vérification est essentielle pour garantir la validité de la demande de brevet et éviter des complications juridiques futures. En somme, une approche méticuleuse et rigoureuse dans l’élaboration et la soumission d’un disclaimer est indispensable pour préserver la nouveauté et l’intégrité de l’invention, tout en assurant sa conformité avec la législation en vigueur.

Par Xiaonan REN du cabinet Easytimes IP