Faut-il toujours la désigner lors d’un dépôt de marque en Chine ?
Tout d’abord, un petit rappel : selon la classification internationale des produits et des services, la classe 35 vise les services de publicité et de gestion d’activités commerciales, incluant notamment les activités d’import/export, de marketing, de vente en ligne ou encore les services liés à la gestion administrative de sociétés.
Cette classe est massivement désignée par les dépôts de marque en Chine. Les statistiques montrent ainsi que les dépôts de marques en classe 35 correspondaient à plus de 13 % du nombre total de dépôts en 2021, ce qui en fait la classe la plus désignée parmi les 45 classes de la classification. Exigence des plateformes de commerce électronique ou dépôt à des fins défensives, de nombreuses entreprises ajoutent la classe 35 lorsqu’elles déposent leur marque en Chine. Mais ce succès peut également s’expliquer par la confusion qui semble régner concernant cette classe et la nécessité de la désigner lorsqu’on souhaite promouvoir et commercialiser ses propres produits ou services en Chine.
Nombreux sont nos clients qui nous posent cette question lorsqu’ils réfléchissent à la stratégie de protection de leurs marques en Chine. La CNIPA vient enfin clarifier la portée de la classe 35 par des directives qui ont été publiées en décembre 2022. Nous vous proposons une brève analyse de ces directives.
Clarification de la portée de la classe 35
Tout d’abord, les directives précisent la portée exacte de la classe 35 et clarifient notamment le fait qu’elle couvre la fourniture des services détaillés dans la classe 35 « pour le compte de tiers ». Ainsi, cette classe n’a pas vocation à couvrir le fait, pour le titulaire d’une marque, de mener ces services pour ses propres besoins commerciaux.
Prenons l’exemple d’une société française spécialisée dans le secteur des cosmétiques, qui souhaite promouvoir et commercialiser ses produits en Chine. Pour couvrir cette activité, le dépôt de sa marque dans la classe 3 est suffisant, il n’y a pas lieu de la déposer en classe 35 puisque la société va promouvoir ses produits pour ses propres besoins commerciaux et non pas pour le compte de tiers.
Ce point est précisé au début des directives, et la CNIPA le rappelle à de nombreuses reprises dans le texte, lorsqu’elle détaille la portée de certains services de la classe 35. Ainsi, les directives expliquent par exemple que les services de publicité de la classe 35 n’incluent pas le fait de promouvoir ses propres produits ou services, et que les services de vente en ligne de cette même classe 35 n’incluent pas le fait d’ouvrir une boutique en ligne pour vendre ses propres produits ou services (notamment sur les plateformes chinoises de vente en ligne).
L’utilisation d’une marque en classe 35
Dans la continuité de ce principe, les directives indiquent qu’une marque déposée en classe 35 doit être utilisée pour identifier la source de services de la classe 35 fournis à des tiers.
En particulier, les directives viennent préciser la question de l’utilisation d’une marque sur une devanture de magasins. Il y est expliqué que « l’utilisation d’une marque sur une devanture de magasins concerne la vente de produits fabriqués soi-même et ne correspond pas à l’utilisation des services de marketing pour le compte de tiers [de la classe 35] », et que « lorsque d’autres acteurs du marché invoquent un acte de contrefaçon [constituée par l’utilisation d’une marque sur une devanture de magasins] sur la base de marques approuvées pour d’autres produits ou services, le comportement du présumé contrefacteur peut tout de même constituer une contrefaçon de marque enregistrée d’un tiers ou un acte de concurrence déloyale, même si la marque enregistrée est obtenue pour des « services de marketing pour les tiers [en classe 35] ».
Ces dispositions sont accompagnées d’un exemple, tout droit tiré de la jurisprudence de la Cour suprême, l’affaire « CaiDieXuan ». L’affaire en question opposait deux entreprises de pâtisseries basées dans deux provinces chinoises différentes qui avaient déposé la marque « CaiDieXuan ». L’une, basée dans le Guangdong, avait déposé la marque en classe 30 couvrant les produits de pains et de pâtisseries (Guangdong CaiDieXuan) et l’autre, basée dans l’Anhui, l’avait déposé en classe 35 (Anhui CaiDieXuan). Guangdong CaiDieXuan avait attaqué Anhui CaiDieXuan en contrefaçon. Le défendeur affirmait que son utilisation de la marque sur ses produits et les devantures de ses magasins correspondait à une utilisation en classe 35. La Cour suprême a refusé de lui donner raison, expliquant qu’elle ne fournissait pas de services de marketing à des tiers, et que donc cette utilisation de la marque ne correspondait pas à une utilisation en classe 35.
Alors, pourquoi déposer en classe 35 ?
Le dépôt en classe 35 n’est donc pas nécessaire pour couvrir les activités de commercialisation ou promotion de ses propres produits ou services, mais, comme nous le disions en introduction, il peut être envisagé dans le cadre d’une stratégie défensive de dépôt de marque.
En particulier, un dépôt en classe 35 permet de se protéger dans la situation où une société vendrait des produits pour le compte d’un tiers en utilisant votre marque. C’était le cas dans une jurisprudence qui a marqué les esprits, l’affaire « BaiGuoYuan ». Dans cette affaire, deux sociétés avaient obtenu l’enregistrement de la marque « BaiGuoYuan ». Une société de production de fruits frais (Hainan BaiGuoYuan) l’avait enregistré en classe 31 (couvrant les fruits frais) et une société de distribution de fruits frais (Shenzhen BaiGuoYuan) en classe 35 (couvrant les services de promotion et vente au profit de tiers). La société Hainan BaiGuoYuan avait attaqué Shenzhen BaiGuoYuan en contrefaçon. La cour a estimé qu’il n’y avait pas contrefaçon car les deux marques avaient été enregistrées dans des classes différentes et que Shenzhen BaiGuoYuan vendait des fruits pour le compte de tiers, ce qui rentrait bien dans le champ de la classe 35.
Cette décision a été critiquée par certains praticiens pour sa rigidité. En effet, il s’agit d’une application stricte de la classification qui ne prend pas en considération la relation entre les produits et les services désignés par les deux marques. Elle a cependant été confirmée en appel.
Afin de se prémunir contre l’éventualité de se retrouver dans une telle situation, un dépôt en classe 35 peut être envisagé, mais le titulaire de la marque doit garder en tête le fait qu’il s’agit d’un dépôt à des fins défensives, qui comporte des risques. En particulier, il est nécessaire de rappeler le risque d’annulation d’une marque non utilisée. Si vous déposez votre marque en classe 35 mais ne l’utilisez pas pour des services de commercialisation et de promotion à destination de tiers, alors, trois ans après son enregistrement, votre marque devient vulnérable à une action en déchéance de tiers.
Article rédigé par Audrey DRUMMOND