Invalidation d’une marque chinoise similaire à HEINEKEN
Image par Niek Verlaan de Pixabay

Invalidation d’une marque chinoise similaire à HEINEKEN

La similarité phonétique est prise en compte par la Cour de PI de Pékin

Dans un précédent article, nous mettions en garde nos lecteurs sur l’importance d’adopter une translittération de marque en caractères chinois. Vous pouvez retrouver nos conseils en la matière ici. En résumé, adopter et déposer une translittération de votre marque permet d’éviter qu’un tiers ne le fasse à votre place et vous empêche ensuite d’utiliser la marque chinoise, alors même qu’elle est parfois considérée comme la translittération de votre marque par les consommateurs chinois.

Mais l’adoption d’une translittération chinoise ne permet pas de se prémunir contre tous les dépôts frauduleux. Ainsi, les marques étrangères sont souvent victimes de déposants chinois qui obtiennent l’enregistrement de marques phonétiquement très proches de leurs marques. La société Heineken en a ainsi fait les frais. Titulaire de plusieurs marques HEINEKEN et de la translittération chinoise 海尼根 (en pinyin Hai-Ni-Gen) en Chine, elle découvre qu’un individu a déposé et obtenu l’enregistrement d’une autre translittération de sa marque, 赫尼肯 (en pinyin He-Ni-Ken), en classe 32 désignant notamment les bières.

Heineken dépose donc une action en invalidation devant le TRAB, le bureau de révision des marques. Son argumentaire est fondé sur l’existence de plusieurs marques antérieures dont elle est la titulaire (article 30 de la loi sur les marques). Heineken se fonde également sur l’article 44 (1) de la loi qui interdit les dépôts de marque « par des moyens trompeurs ou autres moyens inappropriés ».

Première décision du TRAB

Le TRAB ne lui donne pas raison. Il estime que les marques sont dissimilaires et que les preuves fournies par Heineken ne sont pas suffisantes pour prouver la violation de l’article 44. Il indique aussi que Heineken ne démontre pas que la marque contestée induira en erreur le public. Mécontente de cette décision, la société Heineken interjette un appel devant la Cour de PI de Pékin.

Décision de la Cour de PI de Pékin

Dans sa décision, la Cour explique que, bien que la marque contestée et les marques antérieures ne soient pas identiques en apparence et en composition, « He-Ni-Ken » en chinois et « HEINEKEN » sont tous deux des mots fabriqués, et que, selon les éléments de preuve présentés par Heineken, « He-Ni-Ken » était une traduction phonétique de « HEINEKEN ».

La Cour prend également en compte le fait que les marques antérieures avaient acquis une certaine renommée avant la date d’enregistrement de la marque contestée sur des produits liés à la bière. Elle indique aussi que le déposant de la marque contestée et le demandeur étaient des exploitants commerciaux dans le même secteur et le premier s’était engagé dans le commerce d’importation parallèle de bières de la marque « HEINEKEN ». Ces faits étaient bien entendu étayés par les éléments de preuve soumis par Heineken dans le dossier.

La Cour décide donc que la coexistence de la marque litigieuse et des marques antérieures sur le marché serait facilement source de confusion et d’identification erronée pour les consommateurs concernés. Ainsi, elle estime que la marque contestée et les marques antérieures constituaient des marques similaires utilisées sur des produits identiques ou similaires.

Quant aux arguments de Heineken fondés sur l’article 44 (1) de la loi, la Cour n’y a pas répondu, estimant que la marque contestée était déclarée invalide en vertu de l’article 30 et que les autres arguments n’étaient donc plus applicables. La Cour de PI de Pékin a donc révoqué la décision du TRAB et lui a renvoyé l’affaire pour que ce dernier rende une nouvelle décision concernant l’invalidation de la marque « He-Ni-Ken ».

Conclusion

La marque HEINEKEN est régulièrement la cible des déposants frauduleux. Ces derniers redoublent d’imagination lorsqu’il s’agit de tromper les examinateurs de l’Office des marques. Grâce à l’évolution de la loi des marques et de ses textes d’application, la situation s’améliore et de nombreuses marques frauduleuses sont refusées dès l’examen par l’Office. Mais, pour celles qui sont passées sous le radar des examinateurs, les efforts demandés aux titulaires légitimes pour obtenir leur annulation restent importants, notamment en ce qui concerne les preuves de réputation à fournir. En effet, la renommée d’une marque en Chine demeure un critère important pour obtenir gain de cause.

Article rédigé par Audrey DRUMMOND