Comment faire valoir vos droits ? Contrefaçon de marque ou concurrence déloyale ?
Les difficultés rencontrées par la marque de baskets américaine en Chine sont désormais bien connues de nos lecteurs. Nous avons eu l’occasion d’étudier l’une de ces affaires dans un article précédent relatant la défaite de New Balance contre la marque chinoise « 新百伦 » (Xin-Bai-Lun).
Cependant, 2020 a incontestablement été une bonne année pour New Balance puisque l’entreprise vient de remporter son deuxième procès contre New Barlun. L’affaire mérite d’être signalée, car New Balance a fait valoir la concurrence déloyale plutôt que la contrefaçon de marque et le tribunal a évalué le montant des dommages et intérêts à la somme de 1,3 million d’euros, ce qui constitue de loin la plus importante condamnation financière prononcée par une juridiction chinoise au bénéfice d’une entreprise étrangère pour concurrence déloyale.
Le 16 avril 2020, le tribunal populaire du nouveau district de Pudong à Shanghai a en effet rendu un jugement dans le cadre d’une action initiée par New Balance contre New Barlun pour concurrence déloyale. Estimant la demande de New Balance bien fondée, le tribunal de Shanghai a ordonné à l’entreprise chinoise de mettre fin à l’atteinte portée au logo de New Balance, d’émettre une déclaration publique à des fins de clarification et de verser 10,8 millions de yuans (1,3 million d’euros) de dommages et intérêts à New Balance, laquelle réclamait tout de même plus de 30 millions de yuans (3,7 millions d’euros).
Arguments des deux parties
New Balance affirmait que la production de masse et la vente par New Barlun de chaussures de sport avec le « logo N stylisé » portait atteinte aux droits de New Balance sur « l’ornementation influente » des chaussures de sport New Balance, telle que définie et protégée par l’article 6(1) de la loi chinoise relative à la lutte contre la concurrence déloyale. Un tel comportement de la part de New Barlun constitue un acte de concurrence déloyale nuisible à l’image des produits de New Balance et porte donc atteinte aux intérêts de celle-ci.
Pour se défendre, la société New Barlun a rappelé qu’elle était titulaire de deux marques enregistrées couvrant le logo N stylisé et était donc légalement habilitée à utiliser ces marques sur les marchandises en cause. En conséquence, l’utilisation qu’elle faisait de cette marque sur des chaussures de sport ne pouvait constituer un acte de concurrence déloyale.
Avis du tribunal
1. De par sa promotion de longue date et son utilisation continue, le logo N stylisé sur les deux côtés des chaussures était nécessairement associé par le public concerné aux chaussures de sport « New Balance ». Une telle ornementation était donc devenue capable de permettre au public d’identifier l’origine des marchandises. En d’autres termes, l’ornementation que constitue la lettre N stylisée sur les deux côtés des chaussures New Balance correspond à une « ornementation de produit avec une certaine influence » au sens de la loi chinoise. L’influence de cette ornementation existait avant la date de dépôt des marques revendiquées par New Barlun.
2. L’utilisation d’une marque déposée ne constitue pas nécessairement une défense valable dans une affaire de concurrence déloyale. En effet, (i) si cette marque déposée est similaire à l’ornementation de produit de l’autre partie, dont la réputation a été forgée antérieurement au dépôt de ladite marque déposée, et (ii) si l’utilisation de la marque déposée créer au sein du public un risque de confusion avec l’ornementation, alors il s’agit d’un acte de concurrence déloyale. New Barlun, en tant que concurrent direct de New Balance, avait nécessairement connaissance de la réputation du logo N stylisé lui appartenant. Or, en continuant à utiliser le logo incriminé, sur des produits identiques et similaires, New Barlun a fait preuve de mauvaise foi et a manifestement tiré profit de la réputation des produits de New Balance. Un tel comportement de la part de New Barlun enfreint le principe d’honnêteté et de crédibilité, porte atteinte aux intérêts de New Balance et constitue un acte de concurrence déloyale.
Quelques commentaires
1. Pourquoi New Balance invoque-t-elle la concurrence déloyale plutôt que la contrefaçon de marque ?
En droit chinois, lorsque le litige implique à la fois une question de contrefaçon de marque et une question de concurrence déloyale, le titulaire du droit peut faire valoir l’un ou l’autre des fondements. En l’espèce, le logo N de New Balance a été enregistré postérieurement aux marques de New Barlun. Il n’était donc pas opportun d’invoquer cette marque. New Balance a ainsi fondé sa demande sur le droit de la concurrence déloyale en invoquant l’exploitation, la promotion et la réputation acquise sur le logo N antérieurement au dépôt des marques de New Barlun.
2. Sur quelle base le tribunal a-t-il évalué le montant de la réparation à 10,8 millions de yuans (1,3 million d’euros) ?
Selon le droit chinois de la concurrence déloyale, les dommages-intérêts sont déterminés soit en fonction du montant du préjudice réel subi par le détenteur des droits, soit en fonction des bénéfices illégalement réalisés par le contrevenant du fait des agissements délictueux.
En l’espèce, le préjudice réellement subi par New Balance et le montant des bénéfices réalisés par New Barlun n’ont pu être déterminés avec précision. Néanmoins, les éléments versés aux débats démontraient que le préjudice subi par New Balance avait au moins dépassé le plafond légal d’indemnisation de 5 millions de yuans appliqué en matière de contrefaçon de marque. Le tribunal a également tenu compte d’autres facteurs, tels que la réputation de l’ornementation de New Balance constituée de la lettre N stylisée sur les chaussures, la durée et la portée des actes de concurrence déloyale effectués par New Barlun, etc. Le tribunal a alors fixé le montant des dommages-intérêts à la somme de 10 millions de yuans et accordé en sus à New Balance le remboursement de l’intégralité des frais de procédure réclamés, soit 800.000 yuans (soit au total 1,3 million d’euros). Il s’agit de la condamnation financière la plus importante prononcée par une juridiction chinoise au bénéfice d’une entreprise étrangère pour concurrence déloyale.
Article rédigé par DAI Fujuan de LLR China
Article rédigé par Fujuan DAI