La société Wenger s’est vue rejeter sa demande de marque « SwissGear » en Chine en raison de l’élément « Swiss » de la marque.

Enregistrement d’une marque incluant le nom d’un pays : retour sur l’affaire Swiss Gear

En septembre 2007, Wenger S.A. dépose en classe 25 la demande de marque « SWISSGEAR » auprès de l’Office chinois des marques. S’ensuit une épopée administrative de plus de 10 ans, la demande de marque ayant récemment fait l’objet d’un rejet final de la part de la Haute Cour de Pékin. Nous vous proposons de revenir sur cette affaire et, à cette occasion, de vous en dire plus sur la protection des marques incluant un nom de pays.

Swiss Gear
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Suite au dépôt, la demande de marque de la société Wenger est approuvée par l’Office chinois des marques (CTMO) et publiée. C’est à ce moment-là que les choses se compliquent puisqu’une société tierce dépose, comme elle en a le droit durant la période de 3 mois suivant la publication, une opposition. Cette opposition est fondée sur l’article 10 de la loi chinoise sur les marques qui prévoit que « les signes suivants ne peuvent pas être utilisés en tant que marques : un signe identique ou similaire au nom, au drapeau national, à l’emblème national, ou au drapeau militaire, entre autres, d’un pays étranger, sauf autorisation du gouvernement du pays étranger ». En d’autres termes, la marque étant constituée de l’élément « Swiss », similaire au nom du pays « Suisse », elle ne doit pas être approuvée. Le CTMO, saisi de cette procédure d’opposition, accepte la demande de la société tierce et rejette la demande de marque de Wenger, tout comme le Bureau de révision des marques (TRAB) saisi par la suite.

La société Wenger, souhaitant se prévaloir de l’exception prévue à la fin de l’article 10, à savoir l’autorisation du gouvernement suisse, a pourtant présenté successivement au CTMO et au TRAB des documents qui, selon elle, prouvent cette autorisation, notamment le certificat d’enregistrement de la marque « SWISSGEAR BY WENGER » en Suisse.

Mécontent de ce refus d’enregistrement par le CTMO et le TRAB, Wenger fait appel de la décision du TRAB auprès de la Cour de PI de Pékin, qui, pour mémoire, a une compétence exclusive pour juger des recours à l’encontre des décisions concernant l’enregistrement des marques par le TRAB. La Cour de PI de Pékin confirme la décision rendue par le TRAB en considérant notamment que le certificat d’enregistrement de la marque « SWISSGEAR BY WENGER » en Suisse ne prouve pas l’autorisation du gouvernement suisse pour l’enregistrement de la marque en question en Chine. Face à ce nouvel échec, Wenger fait appel auprès de la Haute Cour Populaire de Pékin, et cette cour confirme la décision rendue en première instance, par une décision qui est depuis devenue définitive.

Doit-on en conclure qu’il est impossible d’obtenir l’enregistrement d’une marque incluant un nom de pays ? Absolument pas. Comme Wenger l’a fait, fournir le certificat d’enregistrement de la même marque dans le pays en question est une pratique courante pour prouver l’autorisation. Cependant la marque enregistrée dans le pays d’origine et celle de la demande de marque chinoise doivent être strictement identiques, faute de quoi ce document ne sera pas accepté. En l’espèce, les marques n’étaient pas identiques. L’autorisation de l’Etat en question peut également être prouvée par une lettre émise par l’ambassade et explicitant cette autorisation. Wenger n’a malheureusement pas tenté cette approche.

Relevons également qu’une opposition à l’encontre d’une marque incluant un nom de pays peut également se fonder sur l’article 10 (7) de la loi sur les marques qui interdit l’enregistrement de « signe trompeur qui induit le public en erreur quant à […] l’origine des produits » dans le cas où les produits vendus sous cette marque ne proviennent pas du pays en question.

Cette affaire Swiss Gear nous montre à nouveau à quel point il est essentiel de prendre en considération les spécificités des lois et de la pratique chinoises dans le cadre d’un dépôt de titres de propriété intellectuelle.

Article rédigé par Nurbiya Yimin et Audrey Drummond, du cabinet LLR China

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Article rédigé par Audrey DRUMMOND