A l’occasion de la COP21, l’INPI publiait une étude intitulée « Développement durable et propriété intellectuelle » en collaboration avec le LES ; elle se penche sur le rôle que peut avoir la propriété intellectuelle dans la diffusion des technologies propres dans les pays en développement.
Les auteurs montrent que contrairement à certaines idées reçues, la propriété intellectuelle n’est pas un frein mais peut jouer un rôle d’accélérateur dans la diffusion de ces technologies. La propriété industrielle, et en particulier le brevet, offrent des atouts pour la mise en place de politiques de développement durable et contribuer au déploiement des technologies qui lui sont liées.
La Chine est citée comme un exemple de pays ayant développé une stratégie lui ayant permis de devenir un pays « émetteur » de technologies liées au développement durable, c’est-à-dire détenant ces technologies et capable de les transmettre, via des modèles originaux, aux pays en développement.
Les auteurs montrent tout d’abord que les brevets ne constituent pas un frein au développement, puisque, dans les pays où il n’existe pas de marché, il y a peu de dépôts sur des technologies en cours de développement, telles que les technologies vertes. L’accès libre aux technologies publiées n’est cependant pas suffisant, puisque la maitrise du savoir-faire (technique, mais aussi économique et commercial) est indispensable pour la mise en œuvre de l’innovation.
Pour accéder aux technologies, les pays émergents doivent donc convaincre les investisseurs et les détenteurs de technologies de réaliser ces transferts de savoir-faire. Une première étape est le développement d’infrastructures liées à la propriété industrielle, qui rassurent les détenteurs de technologies quant à la protection de leurs droits.
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Les Quatre Capitaux
La Chine a d’après cette étude, mis en place un écosystème industriel original qui s’appuie sur les quatre capitaux (technique, naturel, humain et social) à la base du développement industriel.
On observe ainsi que le nombre cumulé de demandes de brevet en lien avec l’énergie photovoltaïque (classe YO2E 10/50) déposées en Chine est passé de 7 100 en 2012 à 12 836 en 2015 ; dans cette classe le nombre de dépôts revendiquant une priorité chinoise (donc probablement issus de déposants chinois) a doublé dans cette même période. Cela indique que non seulement la Chine est devenue un territoire dans lequel un marché d’intérêt existe, mais est également à l’origine d’innovations dans ce secteur.
Les technologies propres (clean tech) doivent s’entendre au sens large comme celles réduisant l’impact sur l’environnement d’une activité humaine.
Un autre exemple dans ce domaine est lié à l’essor du transport aérien en Asie, qui a incité AVIC, holding publique chinoise spécialisée dans la construction aéronautique, à développer un programme d’avion de ligne (le C919) visant le marché asiatique. Destiné à concurrencer Airbus et Boeing, ce programme stimule l’innovation dans le domaine des matériaux composites, au sein d’entreprises occidentales mais aussi de l’industrie dans ce domaine en Chine, et soutient des sociétés comme Baostel et Chinalco. Ces alliages spéciaux, légers ou économes en énergie, pourront être utilisés dans d’autres technologies vertes.
La Chine a mis en place une politique étatique coordonnée pour le développement de l’industrie des technologies propres, tenant compte de ses atouts et de ses lacunes. Cette industrialisation a débuté en Chine dans les années 2000 dans le domaine du solaire. Elle s’est appuyée sur ses ressources naturelles en matières premières comme les métaux du groupe des terres rares.
En échange d’un accès garanti et à prix compétitif à ces ressources, elle a obtenu le transfert des connaissances technologiques d’un leader européen de la technologie des éoliennes, à qui un marché était par ailleurs garanti en Chine.
Cette stratégie a permis à la Chine d’absorber une grande partie des savoir-faire disponibles et d’acquérir au cours des 10 dernières années, la maitrise des secteurs industriels à technologie de complexité modérée. Selon les auteurs de l’étude, l’enjeu est désormais le développement de technologies de plus grande complexité.
Il faut aussi noter que si les subventions et les garanties du gouvernement ont beaucoup soutenu le développement de l’industrie des « clean-techs » en Chine, celle-ci s’ouvre de plus en plus à des capitaux du secteur privé international. Cette transition du modèle de financement pourrait favoriser la diffusion des technologies.
Il est possible que la Chine se recentre dans l’avenir sur son marché intérieur, puisqu’elle serait alors capable de générer les technologies nécessaires et ainsi sécuriser son accès aux ressources naturelles.
En tout état de cause, la politique volontariste de la Chine illustre le fait que la propriété intellectuelle doit être considérée comme une opportunité et non comme une contrainte, et que le dialogue entre le monde du développement durable et de la propriété intellectuelle doit s’intensifier.
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Le nouveau Plan quinquennal chinois offre un modèle de développement durable et équilibré
Selon le communiqué du 29 octobre 2015 annonçant le 13ème plan quinquennal chinois (2016-2020), la Chine se fixe pour objectif de maintenir une vitesse de croissance moyenne ou élevée. L’innovation se verra accorder une position fondamentale dans le développement de la Chine pour les cinq ans à venir.
Dans ce cadre, la Chine poursuivra son engagement en faveur du développement vert et s’attellera à améliorer l’environnement. Elle encouragera la production industrielle propre, le développement à faible émission de carbone et la conservation de l’énergie afin d’assurer une croissance durable dans les cinq prochaines années, précise le communiqué.
La Chine, dont le développement industriel des 20 dernières années s’est fait sans trop tenir compte de l’environnement. Mais aujourd’hui, il s’agit de l’un des pays qui investit le plus dans le secteur des énergies renouvelables, et entend être l’un des leaders dans ce domaine.
Il est probable qu’elle continuera à s’appuyer sur la propriété industrielle pour atteindre ses objectifs, et que les actions des offices de propriété industrielle pour rendre l’information accessible au plus grand nombre contribueront à la diffusion des technologies vers les pays émergents. Les entreprises occidentales souhaitant entrer sur ce marché en Chine devront être attentives aux modèles de coopération à mettre en œuvre.
Article rédigé par Myriam ALLAB