Une nouvelle tendance pour les déposants frauduleux de marque est de déposer une marque puis de la transformer de façon à ce qu’elle se rapproche d’une marque connue

Décision 3M, une cour chinoise prend position sur la question des transformations de marque

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Une tendance semble se développer en Chine pour les déposants frauduleux de marque, consistant à déposer une marque puis de la transformer de façon à ce qu’elle se rapproche d’une marque connue. Voici un exemple impliquant la société 3M pour illustrer cela.

La société 3M est une entreprise américaine de renommée mondiale qui fabrique et commercialise de nombreux produits parmi lesquels des purificateurs d’eau. Implantée depuis les années 80 en Chine, elle a, depuis cette date, déposé ses marques et beaucoup investi en publicité et promotion de ses produits en Chine. Ses marques bénéficient donc d’une réputation importante sur ce territoire et, à ce titre, font souvent l’objet de contrefaçons. Ainsi, en 2015, la société 3M avait déjà gagné un procès en contrefaçon contre le déposant de la marque « 3N » et obtenu des dommages-intérêts d’un montant de 3,5 millions de RMB.

En 2013, elle a procédé au dépôt de sa marque «3M», en classe 11 en désignant les produits « installations pour la purification de l’eau», qui a été enregistrée le 28 décembre 2013.

La même année, Qingyu MAO, un individu chinois, a déposé une demande d’enregistrement de la marque «了M» et obtenu son enregistrement le 14 janvier 2015. Les produits désignés sont similaires à ceux de la marque «3M». A noter, le terme « 了 » est un caractère chinois qui se prononce « le » ou « liao » et qui, utilisé seul, n’a pas de signification particulière. On peut en déduire qu’il a été choisi par le déposant chinois uniquement en raison de son apparence proche du chiffre « 3 ».

 

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la marque « 3M » nº6430799

transformation de marquela marque «了M » nº12838880

A la suite de l’enregistrement de sa marque «了M», Qingyu MAO a créé la société Zhongshan San En Meng Electronic Appliance Co, Ltd. et lui a accordé une licence pour fabriquer et commercialiser des purificateurs d’eau sous cette marque. Voici un exemple de produits vendus en ligne par l’entreprise en question.

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Purificateur d’eau vendu par Zhongshan San En Meng Electronic Appliance Co, Ltd.

On peut remarquer que la marque apposée sur le produit n’est pas tout à fait la même que celle qui a été enregistrée, le signe « 了 » a été quelque peu transformé, ce qui donne le résultat suivant : transformation de marque se rapprochant encore plus de la marque « 3M ».

3M a donc intenté une action en justice devant la cour intermédiaire de Zhongshan, dans la province du Guangdong. Cette action était fondée sur la violation de son droit de marque par Zhongshan San En Meng Electronic Appliance Co, Ltd. et Mao Qingyu, qui se sont défendus en expliquant qu’ils ne faisaient qu’utiliser la marque enregistrée «了M» .

La Cour intermédiaire de Zhongshan a retenu l’existence de la contrefaçon de marque pour les raisons suivantes :
– la marque enregistrée est différente de celle utilisée par les défendeurs et l’utilisation de la marque transformation de marque n’est pas conforme à l’ « utilisation standard » qui doit être fait d’une marque enregistrée ;
– la marque « 3M » a un fort caractère distinctif et a acquis une réputation importante en Chine pour le public pertinent du secteur des purificateurs d’eau, par conséquent les défendeurs ne pouvaient pas ne pas connaître la réputation de la marque « 3M ».

Les deux défendeurs ont ainsi été déclarés conjointement responsables et se sont vus condamnés à payer des dommages-intérêts de 3 millions de RMB, ce qui correspond au plafond légal de dommages-intérêts lorsqu’il n’y a pas suffisamment d’éléments de preuve au dossier pour estimer les dommages et intérêts. Les juges ont en effet eu des difficultés à estimer le montant des pertes subies par la victime et celui des bénéfices engendrés par les contrefacteurs, ils ont donc fixé le montant d’indemnités en se basant sur les circonstances de l’affaire, comme le prévoit la loi chinoise sur les marques. Ils ont notamment pris en compte le fait que les défendeurs avaient refusé de fournir les documents financiers relatifs à la production et la vente des produits contrefaits. On peut se demander si ce refus ne serait pas un signe que les pertes réelles subies et bénéfices réels du contrefacteur auraient pu générer, à partir des documents de preuve, des dommages et intérêts supérieurs au plafond légal.

Cette décision s’inscrit dans la tendance actuelle qui consiste, pour les contrefacteurs, à ne plus procéder à une copie pure et simple de la marque mais à une imitation, cette affaire étant en plus particulièrement singulière puisqu’ici le déposant a transformé une marque régulièrement déposée, cette marque étant elle-même à la base relativement proche de la marque connue de 3M. Elle montre à nouveau la position stricte et rassurante des cours de justice chinoise face aux contrefacteurs, quels que soient les nouveaux stratagèmes auxquels ils se livrent pour protéger leur position.

Relevons à ce sujet que les autorités chinoises tentent actuellement de trouver des solutions pour lutter contre ce type de comportements frauduleux. Le CTMO (Chinese Trademark Office) prévoit ainsi d’apporter des modifications à la loi chinoise sur les marques afin d’améliorer la qualité et l’efficacité de l’examen des marques. Ainsi, il a lancé en avril dernier une consultation publique concernant les propositions d’amendement nécessaires à la loi chinoise sur les marques. Ce type de consultation est une première en Chine et montre que le CTMO a fait de la lutte contre les dépôts frauduleux sa première priorité.

Article rédigé par Hui Jing Yin du Cabinet LLR China

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