Des améliorations notables dans la protection des droits des titulaires étrangers
Comme nous l’avons expliqué dans la première partie de cet article, le transfert de technologie consiste, pour une entreprise étrangère souhaitant accéder au marché chinois, à transférer une partie de sa technologie à une entreprise chinoise qui va lui permettre de vendre ses produits en Chine. Ce transfert peut prendre la forme d’une cession ou d’une licence. Le contrat de transfert de technologie, signé entre la société qui transfère la technologie (dénommée « cédant » en cas de contrat de cession ou « concédant » en cas de contrat de licence) et la partie qui la reçoit (respectivement dénommée « cessionnaire » ou « licencié »), va permettre d’encadrer ce transfert.
Cependant, ce type d’accord a toujours été délicat à négocier pour les sociétés étrangères souhaitant importer leur technologie en Chine, en partie à cause d’un certain nombre de règles chinoises impératives qui imposaient des mesures protectrices aux entreprises chinoises.
L’administration du président Trump n’a pas hésité à parler de « transfert forcé de technologie » ou encore de « vol de propriété intellectuelle » à la fin de l’année 2018. Or, c’est justement à partir de cette époque que nous avons pu voir de sensibles améliorations dans la règlementation chinoise relative au transfert de technologie. Ces améliorations devraient aboutir, si la tendance se confirme, à plus de liberté dans la négociation des contrats de transfert de technologie avec les sociétés chinoises.
En mars 2019, le gouvernement chinois a en effet pris la décision de supprimer une série de dispositions du Règlement sur l’administration de l’importation et l’exportation de technologie (TIER en anglais) qui posaient nombre de problèmes aux titulaires de droits étrangers qui avaient accepté de transférer leur technologie en Chine. Cette révision ne peut qu’être saluée, cependant il faut également savoir qu’un certain nombre de dispositions subsistent dans la loi chinoise des contrats et s’appliquent parfois par défaut.
Nous vous proposons de revenir sur les principaux changements de règlementation concernant le transfert de technologie et sur les questions qui restent à éclaircir en la matière.
Responsabilité du concédant en cas de violation des droits de tiers
Auparavant, la règlementation TIER prévoyait qu’en cas d’importation de technologie, le cédant ou concédant devait assumer la responsabilité de l’éventuelle violation des droits de tiers en raison de l’exploitation, par l’importateur chinois, de la technologie importée. Cette disposition a été supprimée, ce qui permet aux parties de négocier librement les dispositions relatives à ce sujet dans l’accord de transfert de technologie.
Cependant, il convient de savoir que la loi chinoise des contrats prévoit la même responsabilité pour le cédant ou le concédant de technologie et ce, sans distinguer la nationalité des parties et sans distinguer l’importation ou l’exportation de technologie, sauf si les parties en sont convenues autrement. Par conséquent, il est très important de traiter ce sujet dans le contrat car, à défaut, la responsabilité du concédant s’appliquera.
Attribution de la propriété des améliorations
Tout d’abord, relevons qu’avant la révision de la règlementation TIER, les dispositions empêchant la partie qui recevait la technologie d’y faire des améliorations étaient interdites et donc invalides si le contrat prévoyait une telle interdiction. D’autre part, le texte prévoyait aussi qu’en cas d’amélioration, son propriétaire était la partie qui l’avait réalisée. Ces dispositions posaient un réel problème aux titulaires de droits étrangers, car il était impossible d’y déroger, même si les parties étaient d’accord pour appliquer des règles différentes. Généralement, les parties surmontaient le problème en prévoyant dans le contrat de transfert un système de licences croisées permettant à chaque partie d’utiliser les améliorations réalisées par l’autre partie.
Heureusement, ces dispositions sont désormais supprimées, ce qui rend la question de la réalisation des améliorations et l’attribution de leur propriété un sujet librement négociable par les parties.
Cependant, il convient également de noter que la loi chinoise des contrats prévoit que les parties à un contrat de transfert de technologie peuvent s’entendre contractuellement sur la manière de partager la propriété des améliorations, et qu’en l’absence d’un tel accord ou si l’accord n’est pas clair, les améliorations appartiennent aux parties qui les ont réalisées. Il est donc indispensable de prévoir des dispositions régissant cette question dans le contrat.
Suppression des clauses interdites
L’article 29 du règlement TIER listait un certain nombre de clauses restrictives qu’il était interdit d’insérer dans un contrat de transfert de technologie sous peine de les voir considérer comme invalides. Il s’agissait de clauses relatives à la vente liée (bundling) de produits, à la licence de brevets expirés, aux restrictions sur la réalisation d’améliorations ou l’obtention de licences sur des technologies concurrentes, à la fixation des prix des produits réalisés avec la technologie ou encore à la limitation des canaux d’exportation. Désormais, la règlementation TIER n’interdit plus ces clauses, ce qui devrait permettre des négociations plus libres.
Cependant, là encore, certaines restrictions demeurent dans d’autres sources de droit chinois. En effet, la loi chinoise des contrats, ainsi que l’interprétation de la Cour Suprême sur l’application de la loi aux litiges de contrats de transfert de technologie, qui n’ont pas fait l’objet de modifications, prévoient que certains types de contrats de transfert de technologie sont invalides. C’est le cas des contrats par lesquels est établi un monopole illégal de technologie, ceux qui empêchent le développement de technologie ou encore portent atteinte aux fruits technologiques de tiers. Ces restrictions elles-mêmes ne posent pas de problème car elles sont justifiées et existent dans les lois de nombreux pays. Encore faut-il que ces règles soient appliquées sans discrimination envers les étrangers, comme c’est le cas en théorie, puisque la loi chinoise des contrats s’applique à toute partie sans distinction de nationalité.
En conclusion, cette révision, qui est entrée en vigueur le 18 mars 2019, ouvre la voie à des négociations plus libres des accords de transfert de technologie pour les titulaires de droits étrangers et à une protection moindre pour les entités chinoises. Il n’en reste pas moins que le droit chinois des contrats présente des spécificités qui s’appliquent aux contrats de transfert de technologie et que, pour cette raison, il est important d’être accompagné par un expert en droit chinois dans la négociation de ce type de contrat.
Article rédigé par Shujie FENG, Audrey DRUMMOND