Étude de l’évolution des pratiques d’examen en Chine
Notre article d’aujourd’hui concerne une situation que rencontrent de nombreux déposants chinois et étrangers en Chine : suite au dépôt d’une demande de marque, le déposant reçoit une décision de refus provisoire émise par l’Office chinois des marques (China Trademark Office ou CTMO), décision qui est motivée par l’existence de marques antérieures déposées par des tiers. Relevons à l’occasion qu’il s’agit d’une des motivations de refus telle que prévue par l’article 30 de la loi des marques. Comment réagir dans ce cas de figure ?
Un manque criant de marques disponibles en Chine
Tout d’abord, revenons rapidement sur le contexte chinois. La Chine est le premier déposant mondial de marques. Chaque année des millions de demandes de marques sont déposées et les statistiques montrent des augmentations de plus de 50 % d’une année sur l’autre. Il en résulte donc un sérieux problème de disponibilité de marques, qui est d’autant plus préoccupant qu’un nombre important de marques enregistrées ne sont pas utilisées par leur titulaire mais bloquent les nouvelles demandes. Comme nous l’avions déjà évoqué sur ce blog, face à un refus provisoire de marque, la solution la plus facile pour obtenir l’enregistrement consiste à demander l’annulation de la marque bloquante en déposant une action en déchéance. Cette action, qui est ouverte à l’encontre des marques enregistrées depuis plus de trois ans uniquement, est à considérer, en particulier dans l’hypothèse où le titulaire de la marque ne semble pas l’utiliser, ce qui peut être vérifié par une simple recherche sur Internet. Relevons qu’il existe d’autres stratégies qui pourront être conseillées au cas par cas, telles que l’action en invalidation, la signature d’une lettre de consentement, ou encore le rachat pur et simple de la marque bloquante.
Des suspensions de procédure plus rares
Si l’action en déchéance est effectivement l’option choisie par le déposant, il faut avoir à l’esprit que la question du calendrier de la procédure est primordiale. En effet, à l’heure actuelle, les pouvoirs publics chinois font énormément d’efforts pour raccourcir la durée des procédures relatives au droit des marques, qu’il s’agisse de la procédure d’examen de demande de marque par le CTMO ou encore de la procédure de révision des décisions de rejet par le Trademark Review and Adjudication Board (TRAB). Ces efforts portent leurs fruits puisque la procédure d’enregistrement peut désormais prendre, dans le meilleur des cas, environ huit mois à compter du dépôt de la demande, alors qu’encore récemment, il n’était pas rare de devoir attendre plus d’un an pour obtenir un enregistrement de marque. Cependant, cette nouvelle politique n’a pas eu que des effets positifs pour les déposants. En effet, la suspension de procédure, qui était jusque-là souvent facilement obtenue, est désormais très rarement prononcée par le TRAB. Ce changement s’explique par le fait que les suspensions de procédure engendrent un retard important dans le traitement des litiges.
De l’importance pour les déposants de choisir la bonne stratégie
Or, dans les faits, le déposant qui a vu sa demande de marque refusée par le CTMO en raison d’une ou plusieurs marques antérieures, et qui a décidé de déposer des actions en déchéance à l’encontre de ces marques, va en parallèle déposer une demande de révision devant le TRAB. Une stratégie qui semble simple et efficace. Cependant, le déposant en agissant ainsi risque de se retrouver entraîné dans une procédure beaucoup plus longue et coûteuse que prévu. En effet, on estime que la procédure d’action en déchéance prend entre neuf et douze mois, alors que la demande de révision de la décision de refus sera examinée et tranchée par le TRAB en six ou sept mois maximum. Par conséquent, lorsque le TRAB réalise son examen de l’affaire, les décisions de déchéance sont rarement prises et par conséquent les marques bloquantes sont toujours valides. Par ailleurs, la demande de suspension du déposant, comme nous l’avons vu précédemment, est rarement obtenue, et par conséquent le TRAB confirme généralement la décision du CTMO. L’étape suivante pour le déposant consiste à poursuivre la procédure devant les cours de justice qui pourront annuler la décision du TRAB si les marques bloquantes ont finalement été supprimées. Cependant, cette étape allonge encore la procédure de plusieurs mois et elle est coûteuse, notamment en raison des frais d’avocats à acquitter.
Des alternatives envisageables
Même si les efforts des autorités chinoises pour mettre en place des procédures plus rapides sont louables, ce système crée donc des difficultés importantes pour certains déposants en allongeant la procédure d’enregistrement et en la rendant plus coûteuse. Il génère également un travail supplémentaire inutile pour les autorités administratives et judiciaires. En autorisant la suspension de certaines procédures, le TRAB pourrait économiser du temps dans la gestion des dossiers.
Ainsi, il a récemment indiqué qu’il pourrait à sa discrétion décider de suspendre son examen des appels de rejet dans les cas où la date de dépôt de l’action en déchéance est antérieure au dépôt d’enregistrement de la marque refusée. Cela devrait inciter les déposants à procéder à des recherches d’antériorités et à supprimer les éventuelles marques bloquantes de manière proactive avant tout dépôt, au lieu d’attendre le rejet de la demande par le CTMO.
Notons qu’une alternative au recours devant les cours de justice réside dans le fait de ne pas déposer ce recours mais d’attendre les décisions de déchéance, puis de redéposer la marque. L’avantage de cette option réside dans son coût qui est moins élevé bien entendu que le coût d’un recours devant les cours. Cependant, il existe toujours un risque de voir sa demande refusée en raison de marques identiques ou similaires qui auraient été déposées entre-temps par un tiers, marques qui bloqueraient la marque et qui constitueraient de nouveaux obstacles à surmonter pour obtenir l’enregistrement de la marque.
Par Huijing YIN et Audrey DRUMMOND du cabinet LLR China
Article rédigé par Audrey DRUMMOND