Etude des principaux moyens de défense
D’après les données publiées dans le document « Status of Judicial Protection of Intellectual Property Rights in Chinese Courts » (2022), les tribunaux chinois locaux de tous les niveaux ont reçu, en 2022, 438 480 nouvelles affaires civiles de première instance relatives aux droits de propriété intellectuelle, dont 38 970 concernent les brevets, soit une augmentation de 23,25 % d’une année sur l’autre.
Cela montre que le nombre de litiges civils en matière de brevets continue d’augmenter. Les litiges en contrefaçon de brevet constituent une part importante de ces litiges. Face à une action en contrefaçon, comment le défendeur peut-il se défendre et y répondre ? Cet article présente brièvement les principaux moyens de défense.
I. Défense fondée sur l’invalidité du brevet
Lorsque le défendeur est confronté à une plainte en contrefaçon de brevet, il lance généralement, en défense, une action en nullité contre le brevet en question. En effet, si le défendeur parvient à invalider le brevet, la base des droits du plaignant n’existera plus, ce qui constitue donc une contre-attaque fatale de la part du défendeur. Même si le brevet en question ne peut pas être invalidé, une telle action en nullité peut servir à faire durer la procédure du litige en contrefaçon lancé par le titulaire du brevet. Il convient de noter que, si le défendeur souhaite demander une suspension de la procédure du litige, il est tenu d’engager l’action en nullité dans le délai de défense.
Le cas des modèles d’utilité
En cas de litige en contrefaçon de brevet formé sur la base d’un modèle d’utilité, le tribunal doit en principe suspendre systématiquement le litige dans le cas où une action en nullité a été formée contre le modèle d’utilité, et ce selon l’article 9 du document intitulé « Plusieurs dispositions de la Cour populaire suprême sur des questions concernant l’application de la loi dans le procès des litiges en matière de brevets » (ci-après “Dispositions de la Cour suprême”). Cette règle s’explique par le fait qu’un modèle d’utilité n’est généralement pas soumis à un examen de fond et considéré comme un brevet fragile.
Cependant, selon le même article 9 évoqué ci-dessus, dans chacune des circonstances suivantes, le tribunal peut décider de ne pas procéder à la suspension du litige :
- le plaignant a fourni un rapport de recherche ou un rapport sur la brevetabilité du brevet dans lequel aucun motif d’invalidation du brevet n’a été révélé ;
- les preuves fournies par le défendeur sont suffisantes pour prouver que la technologie qu’il a utilisée était connue du public ;
- les preuves ou motifs fournis par le défendeur sur lesquels ce dernier a fondé son action d’invalidation du brevet sont manifestement insuffisants ; et
- d’autres circonstances qui font que le tribunal populaire considère que le litige ne doit pas être suspendu.
Lorsqu’il s’agit d’un litige en contrefaçon de brevet d’invention ou d’un litige portant sur la violation d’un droit de modèle d’utilité qui a été confirmé comme étant valide après l’examen de l’action en nullité, le tribunal peut décider de ne pas suspendre le litige, conformément à l’article 11 des “Dispositions de la Cour suprême”.
Motifs d’invalidation de brevet
L’article 65 des règles d’application de la loi chinoise sur les brevets (dans leur version de 2010) prévoit une série de motifs d’invalidation de brevet. Cependant, dans la pratique, les motifs les plus couramment utilisés dans les décisions d’invalidation restent le manque de nouveauté et le manque d’inventivité. Quant aux autres motifs, tels que l’insuffisance de description, le problème de clarté, le manque de support dans la description, ils sont principalement utilisés pour mettre en évidence les lacunes du brevet en cause, obligeant le titulaire du brevet à fournir des interprétations permettant de préciser et/ou limiter la portée de la protection.
II. Défense fondée sur l’état de la technique
Selon l’article 67 de la loi chinoise sur les brevets, dans un litige en contrefaçon de brevet, si le défendeur dispose d’éléments prouvant que la technologie qu’il a mis en œuvre appartient à l’état de la technique, il ne s’agit pas d’une contrefaçon du droit de brevet.
Par « état de la technique », on entend les technologies connues du public, tant au niveau national qu’à l’étranger, avant la date de dépôt de la demande de brevet ; les solutions techniques obtenues après avoir simplement remplacé, par des moyens habituels, certaines caractéristiques de celles divulguées avant la date de dépôt de la demande de brevet ; les solutions techniques qui sont légèrement différentes de l’état de la technique sans aucune différence substantielle, ainsi que celles obtenues en combinant simplement les solutions techniques divulguées dans l’art antérieur et les connaissances générales.
La défense fondée sur l’état de la technique est utilisée assez fréquemment dans les litiges en contrefaçon de brevet. Lorsque le défendeur fait appel à une telle défense, il doit privilégier l’utilisation de l’état de la technique qui divulgue le cœur de l’invention du brevet en question. Pour les autres caractéristiques mineures non divulguées, il peut argumenter, en s’appuyant sur des preuves pertinentes, qu’elles appartiennent aux connaissances générales de l’homme du métier.
Il est à noter que, lors de la défense fondée sur l’état de la technique, la solution technique accusée de contrefaçon doit être comparée à une seule solution de l’état de la technique, et non à une solution résultant de la combinaison de deux ou plusieurs solutions différentes décrites dans un même document (cf. l’affaire (2021) Cour suprême Minshen N°6412).
III. Défense fondée sur le fait que la solution technique du défendeur ne tombe pas dans la portée de protection du brevet
Le principe de la couverture globale et le principe d’équivalence sont des principes importants pour déterminer si la solution technique présumée contrefaisante entre dans le champ de protection du droit de brevet. Dans le cas où cette solution est dépourvue d’une ou plusieurs caractéristique technique énoncées dans la revendication, ou si elle contient une ou plusieurs caractéristiques correspondantes, mais qu’elles sont ni identiques ni équivalentes, la cour doit statuer qu’elle n’entre pas dans le champ de protection du brevet en question.
Les cours sont généralement très prudentes lors de l’application du principe d’équivalence. En effet, ce dernier consiste substantiellement à élargir la portée littérale de protection des revendications, tandis que le système des brevets lui-même a pour but de garantir une certitude et une prévisibilité suffisantes de la portée sur le plan juridique, les tribunaux devant veiller à ce que l’intérêt public ne soit pas lésé par un abus du principe d’équivalence qui entraîne un manque de certitude quant à l’étendue de protection du brevet.
Bien entendu, le tribunal doit également examiner les circonstances spécifiques de chaque cas pour déterminer s’il s’agit d’une contrefaçon par équivalence. Dans la pratique, de nombreux contrefacteurs ne copient plus intégralement le brevet en question, mais ont tendance à mettre en œuvre des solutions techniques soigneusement modifiées dans le but de contourner le brevet en question. Dans ce cas, l’application du principe d’équivalence doit tenir compte du niveau de développement de la technologie au moment du dépôt de la demande de brevet et de la contrefaçon du brevet, afin d’empêcher le contournement du brevet par une simple substitution de certaines caractéristiques techniques de la solution technique brevetée par une nouvelle technologie apparue après la date de dépôt du brevet en question.
IV. Défense fondée sur les exceptions de violation de brevet
L’article 75 de la loi sur les brevets prévoit cinq circonstances qui ne sont pas considérées comme des violations des droits de brevet : l’épuisement des droits, l’usage antérieur, le transit temporaire, l’utilisation d’un brevet exclusivement à des fins de recherche scientifique et d’expérimentation, et la mise en œuvre de brevets sur des produits pharmaceutiques et des dispositifs médicaux à des fins d’approbation administrative.
Parmi ces cinq circonstances, les trois dernières, en raison de la nature particulière de leur champ d’application, sont relativement peu utilisées dans la pratique judiciaire et ne sont donc pas détaillées dans cet article. Nous nous concentrons ici sur l’épuisement des droits et l’usage antérieur.
Défense fondée sur l’épuisement des droits
Si un produit breveté ou un produit obtenu directement selon une méthode brevetée est vendu par le titulaire du brevet ou par un tiers autorisé par ce dernier, les actes consistant à l’utiliser, l’offrir à la vente, le vendre ou l’importer ne sont pas considérés comme une violation du droit de brevet.
Comme on peut le constater, la défense fondée sur l’épuisement des droits comprend essentiellement les éléments suivants :
- Un tel moyen de défense est applicable à un produit breveté ou à un produit obtenu directement selon une méthode brevetée, et non à des brevets portant uniquement sur des procédés d’utilisation.
- Il faut que le produit breveté soit vendu en premier par le titulaire ou les personnes autorisées, sachant que le mot « vendu » doit être interprété au sens large et inclure la distribution gratuite, le don, etc. De plus, la vente du produit breveté doit résulter d’un acte volontaire du titulaire du brevet ou des personnes autorisées, à l’exception des licences obligatoires et de l’exécution forcée.
- Les actes sur le produit sont limités à l’utilisation, la vente, l’offre de vente et l’importation, et n’incluent pas l’acte de fabrication.
Une fois que le plaignant a prouvé que le défendeur a commis un acte de contrefaçon, le défendeur doit supporter la charge de la preuve s’il prétend que le droit de brevet est épuisé (cf. affaire (2021) Cour suprême Zhiminzhong N°404).
Défense fondée sur l’usage antérieur
Si une personne a déjà fabriqué le même produit ou utilisé la même méthode ou fait les préparatifs nécessaires à cet effet avant la date de dépôt de la demande de brevet, et qu’elle continue à le fabriquer ou à l’utiliser uniquement dans le cadre initial, cela n’est pas considéré comme une violation du droit de brevet.
Il faut remplir les conditions suivantes pour que la défense d’usage antérieur soit fondée :
- L’acte de mise en œuvre faisant l’objet de la défense doit avoir eu lieu avant la date de dépôt (ou la date de priorité, si elle existe) de la demande de brevet.
- La solution technique mise en œuvre doit être la même que celle du brevet en question.
- Et la mise en œuvre doit rester dans le cadre initial, y compris l’échelle de production avant la date de dépôt ainsi que celle qui peut être atteinte en utilisant l’équipement de production existant ou selon les préparatifs de production existants.
Dans la pratique, la clé du succès de la défense fondée sur l’usage antérieur réside dans le fait que les preuves fournies par le défendeur doivent être produites clairement avant la date de dépôt (ou la date de priorité) tout en comportant un lien explicite avec le produit présumé contrefaisant (cf. affaire (2021) Cour suprême Zhiminzhong N°1650).
V. Défense fondée sur la source légitime
L’article 77 de la loi sur les brevets prévoit qu’une personne qui utilise, offre à la vente ou vend à des fins de production et d’affaires un produit portant atteinte à un brevet dont elle ignore qu’il a été fabriqué et vendu sans l’autorisation du titulaire du brevet, et qui est en mesure de prouver l’origine légitime du produit, n’est pas tenue de verser des dommages-intérêts.
Il faut donc remplir les conditions suivantes pour que la défense de source légitime soit fondée.
- Les utilisateurs, les promoteurs de vente et les vendeurs de produits contrefaits peuvent faire appel à ce moyen de défense, mais pas les fabricants.
- Le défendeur doit avoir ignoré subjectivement qu’il s’agissait d’un produit contrefait.
- Le produit présumé contrefaisant doit avoir été obtenu par des voies justifiées.
- Le fournisseur du produit est clairement et objectivement présent.
Le défendeur doit s’acquitter pleinement de son obligation de fournir des preuves, telles que le texte du contrat correspondant, les justificatifs de paiement, les factures, les bons de livraison et d’autres preuves conformes aux habitudes commerciales et suffisantes pour prouver les entités de la transaction, l’objet de la transaction, la date, le prix, etc. Pour déterminer si le défendeur a subjectivement rempli son devoir de diligence, le tribunal doit tenir compte de divers facteurs. Par exemple, le prix du produit contrefait est-il raisonnable ? Le circuit de vente est-il légal ? L’emballage inclut-il les informations du fabricant, la certification de qualité, etc ? Le défendeur a-t-il demandé au fournisseur du produit de produire des preuves des droits pertinents ou de prendre un engagement de non-contrefaçon ?
Conclusion
Les moyens détaillés dans notre article ne sont que les moyens de défense les plus courants dans la pratique. En effet, en fonction de la spécificité de chaque affaire, le défendeur aura ses propres moyens de défense, qui peuvent être substantiels ou procéduraux. Par conséquent, face à une action en contrefaçon de brevet, outre la maîtrise des moyens de défense, il est plus important de réagir avec souplesse selon les circonstances spécifiques.
Article rédigé par Lili TIAN