En Chine, une cession de marque, pour être effective, doit être enregistrée auprès de l’Office chinois des marques (CTMO). Cette procédure, d’apparence simple et rapide, peut cependant constituer un écueil important pour les entreprises étrangères peu familières de la loi et de la pratique chinoises en matière de marques.
Imaginez, vous achetez une marque en Chine et, après avoir payé l’intégralité des frais, vous découvrez que la cession de la marque est rejetée par l’Office chinois des marques. Comble de malheur, le cédant refuse de vous rembourser la somme d’argent que vous avez payée… Pour éviter de vous retrouver dans pareille situation, il est recommandé de connaître les risques potentiels relatifs à une cession de marque en Chine.
Tout d’abord, il convient de s’assurer de plusieurs choses concernant le droit de marque à céder : la marque est-elle bien valide ou, au contraire, refusée ou expirée ? La personne qui se présente comme le cédant est-elle bien titulaire du droit de marque ? Procéder à une due diligence permet de limiter les risques liés à une cession de marque.
Cependant, ces vérifications effectuées, il existe encore des risques de subir un rejet lors de la procédure de cession de marque. Notre article a pour but de vous présenter les deux situations de rejet prévues par l’article 42 de la loi chinoise sur les marques.
Obligation de cession globale de marques identiques et similaires
L’article 42 de la loi précise que le titulaire d’une marque qui souhaite la céder doit également transférer les marques identiques ou similaires enregistrées sur les produits/services identiques ou similaires. A défaut, la cession de la marque en objet donnera lieu à l’émission d’une demande de rectification. Cette règle s’explique par le fait que la cession de marques ne doit pas créer de risque de confusion pour le consommateur.
Relevons que cette règle peut poser problème lorsqu’elle est combinée à d’autres règles. Par exemple, sur la base de l’article 42(3), le CTMO refuse d’approuver une cession lorsqu’elle concerne une marque constituée en tout ou partie de la dénomination sociale de son titulaire mais que la dénomination sociale du cessionnaire est différente de celle présente dans la marque cédée. Cette règle peut poser le problème suivant si elle est combinée à l’obligation de cession globale des marques identiques et similaires : prenons un exemple, si la société SUPER TECHNO Ltd accepte de vous céder sa marque « ABC » en classe 41 et que cette société est également titulaire d’une marque similaire « ABC SUPER TECHNO Ltd » en classe 41, alors, en principe, selon l’article 42 de la loi, la cession ne sera approuvée que si elle couvre les deux marques. Cependant, la marque « ABC SUPER TECHNO Ltd » incluant la dénomination sociale du cédant, la cession de la marque « ABC SUPER TECHNO Ltd » ne sera pas approuvée. Dans un tel cas, aucune marge de manœuvre n’existe pour le titulaire de marques qui veut les céder.
Interdiction des cessions susceptibles de créer un risque de confusion pour le public
Toujours selon l’article 42, l’Office chinois des marques ne doit pas approuver la cession d’une marque enregistrée susceptible de prêter à confusion ou d’entraîner d’autres effets préjudiciables. Il s’agit là d’une disposition suffisamment large pour s’appliquer à de nombreuses situations mais c’est dans les affaires de squattage de marque que la CNIPA a décidé d’en faire usage.
La CNIPA a en effet pris ces dernières années des mesures drastiques pour empêcher et punir les pratiques de squattage de marques. Comme nous l’avions relayé ici, elle a annoncé en avril dernier avoir rejeté plus de 1500 demandes de marques entre 2018 et 2020 pour cause de « squattage de marque » ou « stockage de marque ». Ces rejets sont intervenus à la fois dans le cadre de l’examen de fond des demandes de marques réalisé par le CTMO mais également de celui des demandes d’opposition de tiers. Relevons que le squattage de marque est aussi un motif d’invalidation de marque qui peut être prononcée dans le cadre d’une action en nullité.
La CNIPA semble avoir récemment étendu sa lutte contre les dépôts frauduleux de marques aux procédures de cession de marque. Ainsi, en début d’année, la CNIPA a émis une notification dans le cadre d’une demande d’enregistrement de cession déposée par une société chinoise basée à Canton. Cette société présentait les caractéristiques d’un squatteur de marques : elle avait déposé plusieurs milliers de marques en 2017 et cédé un grand nombre d’entre elles à différentes parties. La notification de la CNIPA lui demandait de fournir des preuves de l’utilisation des marques ou de son intention de les utiliser de bonne foi. Dans cette notification, la CNIPA a estimé que cette situation pouvait correspondre à un cas où « la cession d’une marque enregistrée [est] susceptible d’entraîner d’autres effets préjudiciables » selon l’article 42 de la loi chinoise sur les marques. Une nouvelle pratique encourageante pour les victimes de dépôt frauduleux de marques mais qui reste pour l’instant isolée.
D’une manière générale, la prudence est de mise pour les parties qui souhaitent acquérir des marques en Chine. Pour limiter les risques relatifs au rejet de cession, il est recommandé aux cessionnaires de marque de négocier, dans l’acte de cession, le remboursement des frais de cession en cas de rejet ou encore un paiement du prix après le succès de la procédure de cession.
Par Jun LIN du cabinet LLR China