Le secret, une protection possible en Chine

La protection de la propriété industrielle passe en général par le dépôt de titres tels que le brevet, le modèle d’utilité, le dessin, la marque, etc. Dans certains cas, une protection par le secret peut s’avérer pertinente. Elle peut être une alternative à un dépôt de titre, voire combinée avec un tel dépôt.

Pour protéger une innovation, le secret présente un certain nombre d’avantages par rapport à un dépôt de titre.

En effet, si l’on parvient à le préserver, le secret n’est pas limité dans le temps (alors que le brevet permet une protection de 20 ans maximum). En outre, la technologie concernée n’est pas divulguée au public (alors qu’un brevet ou un modèle d’utilité est publié au plus tard 18 mois après le dépôt, ce qui peut faciliter la copie). Le secret permet par ailleurs de protéger des informations qui ne pourraient pas être protégées autrement, par exemple des technologies non nouvelles, des méthodes commerciales, des recettes de cuisine, des parfums, des algorithmes purs (notons toutefois que chacun de ces exemples, dans certains cas, pourrait peut-être faire l’objet d’un titre de propriété intellectuelle).

Enfin le secret est, en général, plus économique qu’un dépôt de brevet, lequel peut générer des coûts relativement importants d’obtention et surtout de défense du brevet si un procès a lieu. Néanmoins sur ce côté plus économique, relevons que le secret peut s’avérer assez coûteux si l’on prend les moyens de le préserver de façon efficace.

Et il s’agit là de l’une des principales difficultés du recours au secret, en Chine davantage encore que dans d’autres pays : s’assurer que ce secret ne sera pas divulgué.

En effet, des mesures très strictes doivent être prises aujourd’hui pour garder le secret : désormais les employés ne restent plus dans une unique société tout au long de leur vie professionnelle, et les données numériques sont par ailleurs faciles à copier. En particulier, il n’est pas rare de constater en Chine que des employés ont été débauchés par un concurrent ou qu’ils se sont mis à leur compte pour reproduire les technologies de leur ancien employeur. Notons par ailleurs qu’en Chine, le réseau social peut passer devant l’employeur. Ainsi si un salarié part d’une société, il reste en contact étroit avec ses anciens collègues et il arrive qu’il puisse récupérer des informations confidentielles par ce biais.

Par ailleurs, ayons bien en tête que dès le « reverse engineering » est possible pour une technologie, la préservation du secret est impossible. De ce fait, la question du secret se pose en général pour les procédés davantage que pour les dispositifs.

En tout état de cause, que l’on opte ou pas pour une protection par le secret, relevons quelques recommandations générales pour éviter des fuites de propriété intellectuelle :  prévoir des clauses de confidentialité dans les contrats de travail, voire des clauses de non-concurrence ; mettre en oeuvre une communication active en interne sur la confidentialité, faire des formations sur ce sujet, faire savoir que l’entreprise est stricte dans le respect de la confidentialité pour dissuader certaines personnes ; essayer de répartir l’information entre plusieurs personnes de sorte qu’une personne seule ne soit pas capable de reproduire un savoir-faire ; ne rendre accessible aux employés que l’information dont ils ont besoin pour leur mission (avoir en particulier une politique vigilante des droits d’accès aux informations numériques de l’entreprise) ; conserver des preuves de la propriété de l’information, par exemple par pli d’huissier, dépôt d’enveloppe Soleau ou équivalent, de sorte que dans le cas où le secret serait connu par un tiers malveillant souhaitant déposer un brevet à la place du propriétaire, l’entreprise soit en mesure de prouver que l’invention lui appartient.

En conclusion, le secret est une arme qui peut s’avérer parfois plus utile qu’un dépôt de titre de propriété intellectuelle, mais chaque cas est particulier et à étudier pour savoir quelle est la meilleure stratégie à adopter. En Chine, la copie de technologies peut être extraordinairement rapide et efficace, de sorte qu’il reste assez périlleux de ne pas déposer de brevet lorsque cela est possible. La solution théorique optimale pourrait être, si le budget le permet, de procéder à autant de dépôts de brevet / marque que possible et de mettre en place, à côté de ces dépôts, une politique générale de secret la plus efficace possible.

 

Brevets en Chine : les litiges augmentent en 2015.

Les litiges devant les tribunaux chinois en matière de brevets ont augmenté de 108% dans le premier semestre de 2015 par rapport à la même période de l’année dernière.

En effet, l’agence de presse chinoise Xinhua a rapporté vendredi 7 août que selon le SIPO, l’Office national de la propriété intellectuelle en Chine, les juges chinois ont entendu 10.190 affaires liées aux brevets au cours des six premiers mois de cette année.

Parmi les affaires traitées, 5.437 concernaient les brevets mêmes, tandis que les 4.753 autres portaient sur des cas de contrefaçon. Rappelons à ce sujet qu’en Chine les tribunaux qui tranchent sur la validité d’un brevet sont distincts de ceux qui tranchent sur la contrefaçon.

L’information confirme la tendance à l’accroissement qui, depuis quelques années déjà, caractérise le contentieux des brevets en Chine.

Ainsi, de façon similaire aux dépôts de demandes de brevets qui explosent ces dernières années, les conflits ouverts devant les tribunaux suivent la progression et augmentent considérablement.

Comme le blog China Law Blog le faisait déjà remarquer en février 2014, cela s’explique notamment par le fait que les entreprises ont de plus en plus confiance dans les jugements rendus par les tribunaux chinois et dans le système d’exécution des droits de propriété intellectuelle.

L’enjeu de la propriété intellectuelle dans la conduite des affaires en Chine est désormais essentiel et les opérateurs économiques en prennent conscience.

Cette exigence se fait plus importante dans les régions à plus forte innovation technologique, notamment dans la région Est de la Chine. En effet, selon Xinhua, c’est dans cette région que se sont produites 58% des affaires de brevets dans le premier semestre 2015. Rappelons en outre que les grandes villes de cette région, telles que Pékin, Shanghai ou Canton, bénéficient d’un système judiciaire bien réputé, habitué aux litiges en matières de brevets, de sorte que beaucoup de brevetés cherchent à lancer leurs actions devant les tribunaux de ces villes-là.

 

Article rédigé par Giulio GRANDE, du cabinet LLR

Innovation en Chine, pensez aux réductions fiscales

La Chine a une politique fiscale très incitative en faveur des entreprises innovantes. Bien que les questions de fiscalité soient une affaire de spécialistes, voici un bref aperçu de possibilités de réductions fiscales offertes et dont les étrangers en Chine auraient tort de se priver.

Ce n’est pas nouveau, la Chine a décidé de devenir le pays de l’innovation. Elle est désormais en deuxième place pour les dépenses de R&D dans le monde (derrière les Etats-Unis), et elle se donne apparemment les moyens de passer en première place dans les prochaines années.

Selon un premier exemple, la loi chinoise offre un statut particulier à certaines entreprises de hautes de hautes et nouvelles technologies, c’est-à-dire les entreprises HTNE (pour “High and New Technology Enterprise”). De telles structures bénéficient d’une forte réduction d’impôts sur les revenus de la société, qui passent du taux habituel de 25% à un taux de 15%.

Pour être considérée comme une entreprise HNTE, il est nécessaire que l’activité soit une « core IP ». Il n’y a pas de définition claire sur ce sujet, mais l’on pourrait traduire cela comme le fait qu’il faut que l’activité soit centrée sur des innovations techniques qui ne sont pas mineures. En particulier, l’activité doit se situer dans l’un des huit domaines technologiques concernés (électronique, biologie / médecine, aviation / aérospatial, nouveaux matériaux, services de haute technologie, nouvelles énergies, technologies de l’environnement, transformation des secteurs traditionnels). Parmi les autres conditions pour obtenir ce statut, il faut apparemment être en possession de la propriété intellectuelle relative à la technologie cœur de l’entreprise, résider en Chine depuis au moins 1 an, avoir au moins 10% du personnel dans les activités de R&D, réserver un certain pourcentage de ses revenus à la R&D, employer du personnel qualifié, etc.

Une société peut également obtenir un statut de ATSE (pour “Advanced Technology Service Enterprise”). Dans cette catégorie, les critères sont moins stricts et ne sont pas limités aux cas dans lesquels la propriété intellectuelle se trouve au cœur de l’activité.

Par ailleurs, selon un autre exemple très intéressant d’incitation fiscale, il est possible de déduire 150% de ses dépenses de R&D des revenus de la société, il s’agit de ce que l’on appelle la « super-déduction ».  Pour en bénéficier, il n’est pas nécessaire a priori d’avoir une activité dans un certain domaine technique et les critères semblent relativement légers.

Est déductible dans ce cadre-là tout ce qui améliore la connaissance de l’entreprise, il ne s’agit pas forcément de la connaissance technique universelle, contrairement à ce que l’on a tendance à croire. En effet, dès que l’on travaille sur un produit, un procédé, un emballage, un logiciel, une saveur ou une recette, des dépenses sont probablement déductibles. Ainsi, un grand nombre de dépenses de l’entreprise peuvent être considérées comme des dépenses de R&D éligibles à des déductions fiscales. Pourtant il semble que ce soit souvent un poste qui est sous-estimé par les sociétés.

Concernant les procédures permettant de bénéficier des déductions, elles varient énormément selon les provinces et les villes. Aussi, il est important de se renseigner suffisamment tôt pour procéder aux déclarations à temps. Par exemple, il est possible que la déclaration des dépenses ne soit possible qu’au mois de janvier, et que si l’on ne déclare pas dans les temps, toute déduction fiscale soit définitivement perdue pour l’année qui précède.

Ces déductions peuvent par ailleurs être combinées avec des subventions données par l’administration chinoise pour des dépôts de demandes de brevet. De telles subventions sont fréquentes et distribuées par différents biais, le gouvernement, la province, la ville. Là encore, il convient de se renseigner pour effectuer de telles démarches.

Pour plus d’informations ou une confirmation des éléments évoqués ci-dessus, mieux vaut dans tous les cas consulter un spécialiste de la fiscalité chinoise.

Position de la Chine sur les brevets de smartphones

Les guerres de brevets dans le marché des télécommunications sont de loin les plus célèbres de ces dernières années, compte-tenu des marchés en jeu que sont les smartphones et autres tablettes. En février 2015, l’administration chinoise s’est prononcée sur un cas connu dans le domaine de la téléphonie mobile, relatif à l’utilisation des technologies 3G et 4G. Il s’agit là d’une prise de position chinoise sur la question des brevets essentiels.

Avant tout, quelques éléments pour rappeler le contexte de la téléphonie mobile : lorsque des brevets sont nécessaires pour l’utilisation d’un standard de télécommunication, ils sont considérés comme des brevets essentiels (SEP, pour « Standard Essential Patent ») et leurs titulaires sont tenus de concéder une licence globale, devant être juste, raisonnable et non discriminatoire, appelée licence « FRAND » (pour Fair, Reasonable and Non Discriminatory). Il se trouve qu’en plus de ces conditions de licences FRAND, les lois de régulation de la concurrence présentes dans les différents pays constituent d’autres paramètres qui faussent l’application classique du droit des brevets.
Voici dans ce qui suit une illustration chinoise du tiraillement qui peut exister entre les titulaires de brevets essentiels qui veulent faire respecter leurs droits et les autorités régulant la concurrence, soucieuses de laisser une certaine concurrence et imposant certaines conditions.
 smartphones
En effet, l’autorité chinoise de la concurrence, la NDRC (« National Development and Reform Commission »), s’est prononcée en février sur la position d’un titulaire de brevets essentiels sur le marché chinois.
Qualcomm est un leader mondial, et tout particulièrement sur le marché chinois, dans la fabrication de puces de smartphones, utilisant notamment les technologies 3G et 4G. Qualcomm est par ailleurs titulaire de brevets considérés comme essentiels sur ces technologies et la position de la NDRC permet, au-delà de la question de la position dominante de Qualcomm, de connaître quelle appréciation est donnée par la Chine sur les licences FRAND.
Ainsi, la décision de la NDRC est la suivante :
– Qualcomm a été en abus de position dominante sur les 4 marchés identifiés. Notons que l’abus de position dominante a été constaté en particulier et de façon relativement surprenante pour l’un des marchés dans lequel Qualcomm détenait – seulement – 53% des parts du marché, contre plus de 90% pour les autres marchés : la NDRC a tenu compte du fait que, sur ce marché particulier, les autres acteurs du marché étaient peu nombreux, ce qui résultait en une forte barrière pour l’intégrer.
– Qualcomm a fait preuve d’une conduite abusive notamment en raison d’un montant des redevances demandées qui n’est pas juste, pour plusieurs raisons : la liste des brevets essentiels mentionnait des brevets expirés, Qualcomm exigeait des licences gratuites en retour de la leur, et les montants ont été considérés comme non raisonnables, car basés sur le prix de tout le mobile.

– D’autres conduites abusives ont été identifiées, à savoir le fait de lier des brevets essentiels avec des brevets non essentiels, et le fait de proposer des conditions injustes en refusant de permettre la vente de produits si des licences, jugées non raisonnables, ne sont pas payées.

En conséquence de ces constats, la NDRC a considéré que Qualcomm avait violé la Loi Anti-Monopole (AML, « Anti-Monopoly Law ») et a demandé à la société de payer 975 Millions de dollars.

En outre, la NDRC a fixé les conditions des licences FRAND relatives aux technologies concernées : un taux de redevances de 5% pour les dispositifs 3G et de 3,5% pour les 4G (qui ne mettent pas en oeuvre certaines technologies). Néanmoins, et il s’agit là d’une certaine originalité, le taux de licence (ne) s’appliquera (que) sur 65% du prix de vente net du téléphone.
Ainsi, alors que le taux des licences est relativement classique, l’assiette de calcul de la redevance est réduite de 100% à 65% du prix du téléphone, ce qui constitue une approche originale, une façon de limiter les montants demandés par les titulaires de brevets essentiels.
Qualcomm devra par ailleurs concéder des licences sur les brevets essentiels de façon distincte de licences sur d’autres brevets.
De telles conditions devraient s’appliquer notamment pour les sociétés chinoises telles que Xiaomi ou Lenovo qui vendent beaucoup de smartphones en Chine. Qualcomm devrait probablement utiliser la décision comme base pour les accords avec ces sociétés.

Défense Nationale chinoise, attendez l’autorisation

Pour toute invention faite en Chine, il est interdit de déposer une demande de brevet hors de Chine sans avoir eu préalablement l’autorisation de l’administration.

Plus précisément, l’article 20 de la loi chinoise sur les brevets mentionne (emphase ajoutée) :

Any entity or individual that seeks to apply for a patent with respect to an invention or utility model accomplished in China shall first report the matter to the administrative department for patents under the State Council for confidentiality examination purposes. Matters such as confidentiality examination procedures and duration shall comply with the provisions of the State Council.
(…)
Where a patent application is filed for any invention or utility model for which a patent application is filed in another country in violation of the provisions of Paragraph 1 of this Article, no patent right shall be granted.

Ainsi toute invention faite en Chine doit être avant-tout rapportée à l’administration chinoise, et dans le cas où une demande de brevet est déposée à l’étranger sans cette étape, non seulement l’invention ne pourra pas donner lieu à un brevet en Chine, mais d’autres sanctions sont possibles pour l’auteur de la divulgation.

En pratique, la plupart des inventions faites en Chine font l’objet, avant tout dépôt à l’étranger, d’un dépôt national ou d’un dépôt de demande internationale PCT, dans les deux cas auprès du SIPO. Dans le cas d’un dépôt national, on dépose généralement une requête d’examen de confidentialité lors du dépôt, et dans le cas d’un dépôt PCT, le seul fait de déposer la demande au SIPO fait office de demande d’autorisation auprès de l’administration chinoise. Ainsi, lorsque des dépôts ont tout d’abord lieu  en Chine, la procédure est relativement automatique et simple.

Dans certains cas plus rares, il est possible que l’on souhaite déposer une demande de brevet directement à l’étranger pour une invention faite en Chine, sans passer par un dépôt direct auprès du SIPO. Cela peut être le cas par exemple lorsque le déposant est une société étrangère. Dans ce cas, il faut déposer une requête pour demander l’accord de l’administration chinoise avant de faire le dépôt à l’étranger.

Attention, même si en pratique il est courant de recevoir l’autorisation relativement rapidement après la demande, cela peut prendre théoriquement jusqu’à 4 voire 6 mois. Plus précisément : si l’on ne reçoit pas une notification d’examen de confidentialité dans un délai de 4 mois après la demande d’autorisation, la loi dit que l’on peut déposer la demande de brevet à l’étranger. Ce délai peut être de 6 mois dans certains cas dans lesquels l’administration émet une notification d’examen demandant de retarder le dépôt à l’étranger. Dans ce cas particulier néanmoins, si l’on ne reçoit pas de décision de l’administration dans les 6 mois (à compter de la date de requête), il est possible de déposer la demande de brevet à l’étranger.

Nous n’avons pas connaissance à ce jour d’une possibilité de diminuer ce délai, bien qu’il soit constaté que généralement, l’examen est assez rapide et l’autorisation est reçue dans les 15 jours après le dépôt de la requête.

Notons que l’on peut déposer une simple description de l’invention (la solution technique) au SIPO, et non nécessairement un texte rédigé sous forme de demande de brevet.

 

Le SIPO veut améliorer la qualité des brevets

La Chine a décidé de se concentrer sur l’amélioration de la qualité des brevets. C’est ce qu’à annoncé le 27 avril Shen Changyu, commissaire du SIPO (Office Chinois des Brevets), au cours des journées portes ouvertes du SIPO.

Selon un article publié le 29 avril 2015 par le journal China Daily, ce commissaire explique que le SIPO a une forte croissance en termes de nombres de demandes de brevet reçues. La croissance touche également les dépôts de demandes internationales PCT, le SIPO étant le troisième office récepteur dans le monde.

Néanmoins, le commissaire relève que malgré cette croissance, la Chine manque de brevets cœur et annonce que le SIPO a l’intention de mettre davantage d’efforts dans l’amélioration de la qualité brevet, pour que la Chine passe du statut de grand déposant de PI à celui d’une forte locomotive de PI.

Pour augmenter cette qualité, il constate qu’il faut un vivier de ressources humaines de haut niveau.

Par ailleurs, il considère que les petites et micro sociétés sont une force dynamique pour rentrer dans l’objectif souhaité. 

Parmi les efforts développés dans ce sens, on relève que des agents de brevet vont être mis en relation avec des petites entreprises pour leur offrir une assistance gratuite pendant au moins un an.

En outre, il est relevé que les sociétés en Chine orientées vers l’export manquent d’informations clés au sujet des systèmes de PI dans leurs destinations commerciales, ce qui a sévèrement impacté leur développement à l’étranger. Pour répondre à ce besoin, une plateforme en ligne worldip.cn a été mise en place, donnant des informations sur les législations, les procédures, les charges, les experts, etc. dans plus de 10 pays et régions. 

 

 

 

Un modèle d’utilité plus solide qu’un brevet ?

Nous avons vu que le dépôt de modèle d’utilité présentait un certain nombre d’avantages.

modèle solideParmi ces avantages, nous relevons qu’un modèle d’utilité peut, paradoxalement, être plus difficile à invalider qu’un brevet.

En effet, la Chine est le seul pays (*) à notre connaissance dans lequel la loi mentionne expressément une différence concernant l’appréciation d’activité inventive entre le modèle d’utilité et le brevet.

Plus précisément, la condition d’activité inventive est formulée ainsi dans la loi chinoise (article 22):

– Pour les modèles d’utilité :

« The invention has substantive features and represents progress ».

En d’autres termes, il est uniquement mentionné que l’invention doit présenter des caractéristiques significatives et représenter un progrès.

– Pour les brevets :

« The invention has prominent substantive features and represents a notable progress ».

Dans ce cas, il est clairement précisé, à la différence du modèle d’utilité, que l’invention doit présenter des caractéristiques significatives majeures, et représenter un progrès notable.

Ainsi, les conditions sont formulées de sorte que l’exigence est moins importante pour les modèles d’utilité.

Cette exigence moindre pour les modèles d’utilité a une application en particulier dans la façon d’opposer l’état de la technique antérieur.

Les Directives du SIPO mentionnent par exemple que pour le modèle d’utilité,  le nombre de documents que l’on peut citer pour contester une absence d’activité inventive est de un ou deux (seulement), alors qu’il n’y a pas de nombre déterminé pour un brevet.

En outre pour un modèle d’utilité, on ne tient généralement pas compte des connaissances générales de l’homme du métier.

Selon un autre exemple, l’étendue des domaines techniques à considérer par l’examinateur est limitée pour un modèle d’utilité : on ne considère que le domaine du modèle d’utilité, ou alors il faut identifier une mention explicite dans un document antérieur qu’un homme du métier irait consulter des solutions techniques dans un domaine voisin.

Le corollaire de cette appréciation de l’activité inventive est que l’on peut se retrouver, en cas de procès, à se voir invalider un brevet pour une invention jugée insuffisamment inventive, alors que le modèle d’utilité pour la même invention se verrait maintenu. 

Gardons-nous toutefois de faire un raccourci rapide qui consisterait à considérer qu’un modèle d’utilité est systématiquement plus solide qu’un brevet, et rappelons que le modèle d’utilité présente des limites.


(*) L’Allemagne par exemple, pays dans lequel le dépôt de modèles d’utilité est courant, a clairement jugé en 2006 par une décision de la Cour Suprême, que l’exigence d’activité inventive était la même pour un modèle d’utilité et pour un brevet.

 

De l’utilité des modèles en Chine

Les modèles d’utilité, ou « petits brevets », présentent un certain nombres de qualités dont certaines sont plutôt méconnues des étrangers, voir notre article sur ce sujet.

MU flouté

Tout d’abord, il s’agit de titres obtenus à coûts relativement faibles : comme il n’y a pas d’examen sur le fond, les échanges avec l’office ne concernent généralement que des questions relativement formelles, donc des coûts de procédure plus faibles. Certes, nous constatons qu’il arrive quelquefois que l’office chinois soulève des objections de nouveauté, lorsque la demande de modèle d’utilité est issue d’une demande internationale PCT dans laquelle le rapport de recherche internationale cite des documents pertinents, mais généralement nous parvenons à surmonter ces objections assez aisément.

Du fait de cet examen formel, outre les coûts amoindris, la procédure donne lieu de façon quasi-systématique à la délivrance du modèle. A la différence pour une demande de brevet, un examinateur non convaincu peut rejeter la demande, qui ne donne lieu alors à aucune protection.

Par ailleurs, la délivrance a lieu très rapidement, moins d’un an après le dépôt normalement (à comparer aux deux à cinq ans pour une procédure de brevet). Cette délivrance fait acte de publication de la demande. Ainsi la publication intervient généralement dans les 6 à 12 mois après le dépôt, donc avant le délai de 18 mois prévu pour les demandes de brevets. Cette publication rapide est particulièrement intéressante pour informer des contrefacteurs potentiels de l’existence d’un titre, voire pour agir contre eux. La publication rapide est d’autant plus intéressante qu’en Chine, la copie d’une technologie peut être très rapide (il n’est pas inhabituel de voir des copies en seulement quelques mois, voire semaines, après le lancement d’un produit sur le marché).

Ainsi le modèle d’utilité peut clairement avoir la fonction d’un épouvantail rapidement opérationnel, permettant d’assurer une protection de transition avant la délivrance d’un brevet sur le produit.

Enfin, parmi les autres points forts que nous identifions pour le modèle d’utilité : il peut, paradoxalement, être plus difficile à invalider qu’un brevet. Tout particulièrement pour les innovations dont l’activité inventive est légère ou délicate à démontrer. Cette différence entre les conditions de validité d’un modèle d’utilité et d’un brevet fait l’objet d’un autre article.

Malgré tous le avantages identifiés ci-dessus, n’oublions pas toutefois que l’utilisation des modèles utilité présente ses limites : la durée maximale de vie d’un modèle d’utilité est de 10 ans à compter de sa date de dépôt (à comparer aux classiques 20 ans pour un brevet d’invention).

Par ailleurs, seules certaines inventions peuvent être protégées par un modèle d’utilité. Principalement, seules les caractéristiques structurelles, visibles, peuvent être protégées. Par exemple, il n’est généralement pas possible de revendiquer un procédé, une microstructure ou une composition de matière.

Enfin, ayons bien à l’esprit qu’un modèle d’utilité, n’ayant pas subi d’examen de fond, peut se voir invalider plus tard en cours d’action judiciaire ou administrative, car un examen sur le fond sera probablement effectué et pourra révéler des lacunes qui n’avaient pas été considérées au cours de l’examen formel de délivrance du modèle d’utilité.

Compte tenu de ces limites, la décision de protéger une invention par l’intermédiaire d’un modèle d’utilité à la place d’un brevet doit être prise avec discernement, au cas par cas en fonction des inventions.

L’idéal, pour les inventions revêtant une certaine importance, est de viser une double protection, à la fois par un modèle d’utilité et un brevet. La façon d’y parvenir n’est pas toujours évidente car la loi prévoit des dispositions empêchant une pure coexistence de deux protections exactement identiques. Néanmoins, c’est possible, cela fera l’objet d’un prochain article.

 

L’utilité des modèles méconnue des étrangers

Les sociétés étrangères qui veulent protéger leurs innovations en Chine procèdent généralement à des dépôts de demandes de brevet, en suivant les mêmes réflexes de protection qu’en Europe ou aux États-Unis. Pourtant, il existe une autre voie de protection des innovations en Chine, souvent méconnue ou mal comprise par les occidentaux : le modèle d’utilité (« utility model patent« ).

On le surnomme généralement « le petit brevet », car il n’a une durée maximale de vie que de 10 ans, il est plus économique et très facile à obtenir : un simple examen de forme suffit.

A la différence,  le brevet d’invention (« invention patent« ) a les caractéristiques classiques des brevets, il est vu comme « le vrai brevet », semblable à celui que l’on retrouve dans la plupart des pays : il peut vivre jusqu’à 20 ans et subit un examen de fond avant sa délivrance.

Il arrive certes que les occidentaux passent par des modèles d’utilité, mais les cas sont très rares, et c’est généralement pour protéger des inventions jugées mineures, de façon principalement à limiter les coûts (le modèle d’utilité étant moins cher) et à obtenir une délivrance certaine.

Les chiffres parlent d’aux-même, voici un exemple montrant la proportion de dépôts de demandes de modèles d’utilité réalisés par des étrangers en 2010, en comparaison avec les dépôts de demandes de brevet (données publiées sur le site du SIPO, l’office des brevets chinois) :

pourcentage MU

Ainsi, 0.6% seulement des modèles d’utilité chinois sont déposés par des occidentaux. Et pourtant, le SIPO reçoit davantage de demandes de modèles d’utilité que de demandes de brevet.

Pourtant, on aurait tort de sous-estimer le dépôt de modèles d’utilité et de le réserver uniquement aux cas dans lesquels l’invention est mineure.

En effet, un modèle d’utilité peut être une arme puissante, non seulement parce qu’elle permet d’obtenir une protection à moindre coût, mais également parce qu’elle permet d’obtenir un titre qui peut être plus difficile à invalider qu’un brevet. Les avantages des modèles d’utilité feront d’ailleurs l’objet d’un prochain article.

Nous pouvons nous demander pourquoi les étrangers n’utilisent pas ce système, pourtant tellement utilisé par les chinois, et alors qu’ils passent couramment par la protection par brevets (puisque les occidentaux déposent 25% des brevets chinois).

Une réponse pourrait être que les étrangers ne connaissent pas ce système et ne songent donc pas à l’utiliser. Une autre réponse serait qu’ils le considèrent comme un « brevet factice », qui ne sert à rien.

C’est dommage.

D’une part parce que ce titre n’est pas factice. D’autre part parce que, quand-bien même il serait considéré comme factice, il resterait utile.

Rappelons que les chinois déposent majoritairement des modèles d’utilité, et que bien des sociétés étrangères pourraient témoigner que ces modèles d’utilité chinois ont des côtés « empêcheurs de tourner en rond » : même si l’on est souvent convaincu qu’ils ne sont pas valables, ils laissent planer des doutes, une peur d’une sentence inattendue en cas d’action en contrefaçon lancée par son titulaire.

Aussi, ne laissons pas trop vite passer les opportunités de déposer des modèles d’utilité. Songeons donc cet outil comme une voie de protection parallèle ou alternative à celle des brevets d’invention.