A l’instar du fabricant d’hoverboards Hangzhou Chic Intelligent Co. Ltd., de plus en plus d’entreprises chinoises utilisent leurs portefeuilles de brevets lors de litiges en Chine ou à l’étranger dans le cadre d’une stratégie offensive visant à protéger leurs innovations.
L’hoverboard, un cas particulier …
Qui n’a pas entendu parler des hoverboards ? Skateboards motorisés, cousins éloignés des gyropodes, ils ont fait l’objet d’un engouement soudain avant d’être la source de nombreuses inquiétudes. La production (trop) rapide due une demande forte et soudaine a parfois conduit à l’intégration de composants défectueux provoquant certains accidents tels que diverses pannes ou encore le déclenchement d’incendies. Ces différentes avaries ont d’ailleurs conduit à la formation de l’ «Hoverboard Industry Alliance», groupe d’une centaine de fabricants d’hoverboards et de pièces détachées ayant pour objectif la mise en place de standards en terme de sécurité.
Les hoverboards font également l’objet de nombreux litiges en ce qui concerne leurs droits de propriété industrielle du fait du flou entourant leur genèse, et ce entre différents protagonistes : par exemple Shane Chen, entrepreneur chinois affirmant en être l’inventeur.
La Chine est encore considérée par certains comme « l’usine du monde », notamment dans le domaine des smartphones et de leur conception.
En fait, la Chine a longtemps été cantonnée au rôle de terre de fabrication pour des acteurs étrangers précurseurs dans le domaine et, par conséquent, détenteurs de la majorité de la propriété industrielle y afférant.
Cependant, cette situation a dernièrement pris du plomb dans l’aile avec la montée en puissance des sociétés chinoises conceptrices et fabricantes de smartphones et leurs forts investissements en matière de recherche et développement. La société Huawei est une illustration claire de cette dynamique dans laquelle les sociétés chinoises utilisent leurs armes en propriété industrielle et n’hésitent plus à attaquer. La société Xiaomi donne un autre exemple d’action offensive, par rachat de portefeuille de brevets.
A l’occasion de la COP21, l’INPI publiait une étude intitulée « Développement durable et propriété intellectuelle » en collaboration avec le LES ; elle se penche sur le rôle que peut avoir la propriété intellectuelle dans la diffusion des technologies propres dans les pays en développement.
Les auteurs montrent que contrairement à certaines idées reçues, la propriété intellectuelle n’est pas un frein mais peut jouer un rôle d’accélérateur dans la diffusion de ces technologies. La propriété industrielle, et en particulier le brevet, offrent des atouts pour la mise en place de politiques de développement durable et contribuer au déploiement des technologies qui lui sont liées.
La Chine est citée comme un exemple de pays ayant développé une stratégie lui ayant permis de devenir un pays « émetteur » de technologies liées au développement durable, c’est-à-dire détenant ces technologies et capable de les transmettre, via des modèles originaux, aux pays en développement.
Nous constatons depuis peu une pratique toute nouvelle dans l’examen des modèles d’utilité en Chine par le SIPO : un examen de nouveauté est désormais pratiqué sur un petite proportion d’entre eux. Voici quelques explications sur le sujet.
Dans la pratique habituelle jusqu’à présent, une demande de modèle d’utilité passe par un examen préliminaire qui soulève uniquement des objections de forme, par exemple les irrégularités dans les figures et la conformité entre les revendications et la description. Généralement l’examinateur n’effectue aucune recherche sur la brevetabilité de l’invention.
Néanmoins, suite au changement des Directives d’examen en octobre 2013, une nouvelle pratique d’examen apparaît peu à peu. Plus précisément, il arrive désormais que l’examinateur, partant de l’art antérieur qu’il obtient, examine si l’objet revendiqué n’est pas nouveau de façon évidente.
Selon les statistiques publiées par l’Office européen des brevets (OEB) en mars 2016, le nombre de demandes de brevet européen a augmenté de 4,8% par rapport à l’année 2014, indiquant que malgré la morosité économique, le brevet européen est toujours aussi plébiscité. Ces chiffres prennent en compte les demandes de brevet européen déposées directement à l’OEB et les entrées en phase régionale européenne à l’issue de la procédure internationale selon le PCT.
Bien que les plus grands déposants restent les états contractants de la CBE (avec 47% des dépôts) et les Etats-Unis (avec 27% des dépôts), la Chine arrive en dixième position avec 4 % des dépôts de demande de brevet européens. En comparaison, la France se situe à la 4ème position (avec 7% des dépôts) derrière l’Allemagne et le Japon, mais avec une progression modeste de 1,6% par rapport à 2014.
La proportion des dépôts par des sociétés chinoises parait bien modeste à première vue, mais ce qui est notable c’est l’augmentation des dépôts de 22,2% par rapport à 2014, ce qui représente la plus forte croissance tous états confondus.
Encore plus intéressant, le géant chinois des nouvelles technologies HUAWEI se place en quatrième position des plus gros déposants avec 1 953 demandes de brevet déposées en 2015, derrière PHILIPS, SAMSUNG et LG, mais devant SIEMENS, et le chinois ZTE se place en onzième position.
L’augmentation des dépôts européens par les déposants chinois semble corrélée au nombre de dépôts en Chine par les résidents chinois (+13,6%entre 2013 et 2014) alors que le nombre de dépôts chinois reste constant pour les étrangers. De même, ces chiffres sont cohérents avec les données relatives aux dépôts de demande PCT de 2014, où HUAWEI et ZTE occupent respectivement la première (3442 dépôts) et la troisième place (2179 dépôts) du classement des plus gros déposants PCT.
On peut alors se poser la question de la raison d’un tel attrait de la part des déposants chinois pour le brevet européen.
Cette augmentation est-elle le simple reflet de la forte croissance économique de la Chine qui, malgré une baisse, reste tout de même à 6,9 %, alors que la croissance mondiale est en moyenne à 3,6% ?
Ou est-elle aussi liée à la mise en place du brevet européen à effet unitaire qui devrait entrer en vigueur, en même temps que la juridiction unifiée en matière de brevets (JUB), en 2017 (selon les prévisions) ?
La réponse à cette question devrait être en partie connue l’année prochaine avec les nouvelles statistiques fournies par l’OEB, mais également, si le brevet européen à effet unitaire entre en vigueur, avec le nombre d’opt-out des déposants chinois. En effet, cette procédure permettant de se « libérer » de la compétence de la JUB sera un bon indicateur de l’intérêt que portent les déposants chinois au système européen unifié.
En tout état de cause, quelle que soit la raison de l’augmentation des dépôts européens par les déposants chinois, la Chine a largement participé aux bons résultats de l’OEB.
Parions que cet intérêt des déposants chinois pour le brevet européen n’est pas prêt de se terminer…
La question nous est souvent posée concernant le montant des dommages et intérêts en cas de contrefaçon de brevet avérée par un tribunal en Chine. Voici quelques indications sur le sujet.
De manière générale, la Chine a la réputation d’allouer des dommages et intérêts d’un montant relativement faible. La moyenne est en effet de l’ordre de 80k RMB (11k €) par affaire, toutefois ce faible montant est fortement lié au manque de preuves utilisables par les tribunaux pour déterminer le montant des dommages et intérêts. Ainsi si l’on parvient à fournir des preuves pertinentes, l’obtention de montants conséquents est possible.
Au cours du PIAC en septembre 2015, des juges des nouvelles Cours spécialisées en propriété intellectuelle, notamment un juge de la Cour de Canton, M. Tan, ont présenté les facteurs les plus significatifs pour les juges chinois pour déterminer les dommages et intérêts. Nous vous proposons ci-dessous une synthèse. Rappelons que trois nouveaux tribunaux spécialisés en propriété intellectuelle ont été créés en 2014 à Pékin, Shanghai et Canton.
Nous pouvons regrouper les 13 facteurs mentionnés par le juge en différentes catégories.
On ne présente plus Xiaomi, la startup chinoise spécialisée dans la téléphonie mobile intelligente qui a été fondée en 2010 seulement et qui s’est rapidement hissée parmi les cinq premiers fabricants mondiaux de smartphones.
Il se trouve qu’une cession importante de 332 brevets a été conclue le 4 février 2016 entre Intel et Xiaomi, peu de temps avant l’ouverture de la précommande du téléphone portable Xiaomi Mi 5. Il s’agit là de la plus grande acquisition de brevets de Xiaomi à ce jour.
Si Lei Jun, le fondateur de Xiaomi, avait annoncé au cours d’une interview de China-cbn du début d’année, que la plupart des brevets sont des « pièges », que le brevet est loin d’être synonyme de technologie et qu’il peut même parfois freiner l’innovation, cela n’a pas empêché cette société de rentrer dans le système des brevets avec un nombre total de 3183 dépôts de demandes de brevets en 2015.
L’acquisition de plus de 300 brevets auprès du géant des semi-conducteurs Intel est également le signe du changement de stratégie de Xiaomi, et peut-être plus généralement de beaucoup de sociétés chinoises aujourd’hui : ne plus conquérir le marché seulement par les prix, mais également grâce à la technologie.
Les brevets cédés couvrent principalement les domaines de la télécommunication, l’électronique et les technologies liées aux logiciels. Le prix de cette cession n’a pas été révélé. Toutefois, selon une estimation effectuée par le CNIPR, qui se base sur le prix moyen par brevet[1] de semi-conducteur du troisième trimestre 2015 aux États-Unis, le montant total de la cession pourrait atteindre 50 millions de dollars.
La Chambre de Commerce Américaine en Chine (AmCham China) a publié fin janvier son enquête annuelle, réalisée auprès de 500 entreprises étasuniennes opérant en Chine. Cette enquête est centrée sur l’évolution du climat des affaires et sur les perspectives d’activité 2016, elle aborde en particulier les questions de propriété intellectuelle en Chine.
Malgré le ralentissement du taux de croissance de l’économie chinoise et une baisse du niveau de profitabilité des entreprises perçu en 2015, les entreprises étrangères en Chine restent résolument optimistes sur le potentiel de croissance du marché intérieur. Et la conquête de ce marché demeure un investissement prioritaire pour la moitié d’entre elles.
Elles s’accordent par ailleurs à constater une amélioration de la protection des droits de propriété intellectuelle en Chine sur les cinq dernières années
En Chine, un paramètre crucial à prendre en compte par les sociétés étrangères dans leur stratégie de dépôt de demandes de brevets est la capacité à faire valoir leurs droits et à obtenir gain de cause en cas de litige. Cette capacité dépend en grande partie de l’attitude des tribunaux chinois. Une étude récente par des universitaires américains publiée dans le Vanderbilt J. Ent. & Tech. Law(« Patent litigation in China : Protecting rights or the local economy ? ») a fait l’objet de nombreux commentaires car elle conclut que le système judiciaire chinois est parvenu à maturité, au sens où les jugements sont désormais sensiblement impartiaux envers les étrangers.
Une analyse de cette étude révèle que, si l’on constate effectivement des améliorations sur ce point, cette conclusion mérite d’être nuancée.
Les entreprises chinoises sont de plus en plus actives sur le terrain des brevets en Europe. Nous savions déjà qu’elles figurent depuis quelque temps parmi les principaux déposants de brevets auprès de l’OEB (+18,2% en 2014). Nouveauté : elles s’affrontent désormais devant les juridictions en Europe.
Huawei, entreprise chinoise spécialisée en technologies de l’information et de la communication (TIC), est de plus en plus connue en Europe entre autres pour ses smartphones, et est devenue le 1er déposant mondialde demandes PCT en 2014. Elle a récemment agi en justice en Allemagne contre ZTE, une autre société chinoise dont les smartphones sont également reconnus, et qui est quant-à-elle le 3ème déposant mondial de demandes PCT.
Cette affaire a fait parler d’elle puisque le renvoi de la justice allemande à la Cour de justice de l’Union européenne a permis à cette dernière de se prononcer sur l’abus de position dans la gestion des brevets essentiels (rappelons que la Chine avait été amenée à se prononcer sur la question également).
Voici un article présentant tout d’abord la question complète à laquelle la Cour a répondu, avant de donner quelques définitions en vue de comprendre le litige qui est à l’origine de cette question et en quoi consistent les réponses apportées par la Cour.