Branle-bas de combat à l’Union des Fabricants de Calissons d’Aix-en-Provence (UFCA). En août dernier, le CTMO, office chinois des marques, a approuvé le dépôt par un entrepreneur chinois de la marque « Calissons d’Aix » et son équivalent phonétique chinois 卡丽送 (« Kalisong »), provoquant la colère des fabricants de la célèbre confiserie. Ce dépôt a été fait en classe 30, qui inclut notamment les biscuits, gâteaux, sucreries et confiseries.
L’une des deux marques enregistrées auprès du CTMO
La loi chinoise des marques protège pourtant les indications géographiques en prévoyant que lorsqu’une marque contient une indication géographique de produits mais que les produits ne proviennent pas de la région concernée, ce qui a pour effet de tromper le public, cette marque ne peut être enregistrée et son utilisation est interdite.
De plus, les indications géographiques peuvent être enregistrées en Chine dans le cadre de deux procédures, respectivement auprès de l’Administration générale de la Supervision de la Qualité, de l’Inspection et de la Quarantaine (AQSIQ) et du CTMO. Ainsi, les autorités chinoises ont déjà reconnu un certain nombre d’appellations françaises ces dernières années – vous pouvez par exemple relire notre article sur la reconnaissance des appellations de vins de Bordeaux.
Cependant, pour pouvoir bénéficier de cette protection en Chine, le dépôt de l’indication géographique dans le pays d’origine est une preuve importante. Et c’est sur ce point qu’un problème se pose : la marque « Calissons d’Aix » est bien protégée en France mais la procédure d’obtention de l’indication géographique protégée (IGP) est toujours en cours. Débutée en 2000, elle a été retardée pendant plus de 10 ans en raison des querelles opposant les fabricants quant au cahier des charges, notamment dans sa définition de la recette des calissons. A la suite de cette nouvelle affaire, l’UFCA a assuré que l’IGP étant sa première priorité, elle devrait être obtenue courant 2018.
Le déposant chinois a-t-il réellement l’intention de fabriquer et commercialiser des calissons d’Aix en Chine ? Cela paraît étonnant car le marché chinois du calisson d’Aix n’est pas particulièrement florissant. Selon les chiffres transmis par un des principaux fabricants, la Confiserie du Roy René, celui-ci exporte une partie de ses produits mais quasiment rien en Chine, ce qui en fait une douceur encore peu connue de l’Empire du Milieu. Nous y voyons plutôt une classique affaire d’usurpation de marque ou « Trademark Troll ». Ce phénomène est courant en Chine, un déposant identifie des marques étrangères non déposées en Chine et, profitant du principe du premier déposant (« first to file ») applicable en Chine, dépose ces marques et monnaye par la suite une licence ou une cession de droits auprès des véritables utilisateurs de ces marques.
L’UFCA a également annoncé avoir débuté une procédure en invalidation du dépôt de marque. En raison du principe du premier déposant, il nous apparaît peu probable que cette procédure, qui consiste à saisir le TRAB (Trademark Review and Adjudication Board) d’une demande en invalidation, aboutisse, à moins que le dépôt frauduleux ou l’indication géographique de fait ne soient reconnus par les autorités chinoises. Les arguments de l’UFCA pourraient par ailleurs se fonder sur l’absence de caractère distinctif ou sur l’interdiction de déposer les noms géographiques étrangers qui sont connus en Chine. En tout état de cause, la procédure en invalidation étant prescrite 5 ans après l’enregistrement de la marque, une fois l’IGP obtenue, l’UFCA pourra saisir à nouveau le TRAB et aura alors plus de chances d’obtenir gain de cause.
Article rédigé par Audrey DRUMMOND