Que savoir ?
Le nom commercial est essentiel pour toute entreprise puisque c’est ce qui lui permet de se distinguer par rapport à ses concurrents. Il peut être identique à la marque sous laquelle l’entreprise vend ses produits mais ce n’est pas systématiquement le cas.
La Chine est membre de la Convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle depuis 1985. A ce titre, elle s’est notamment engagée à respecter l’article 10 paragraphe 8 de la convention, qui énonce qu’un nom commercial est « protégé dans tous les pays de l’Union sans obligation de dépôt ou d’enregistrement, qu’il fasse ou non partie d’une marque ».
Nous vous proposons de faire un point sur la protection du nom commercial en Chine. Le sujet étant vaste, nous le traiterons en deux parties : la première dans l’article ci-dessous, et la deuxième dans un futur article.
- Nom commercial, de quoi s’agit-il ?
Le nom commercial est le nom d’une entreprise tel qu’il apparaît au public, par exemple sur son site internet, ses publicités, ses factures ou encore ses cartes de visite. Le nom commercial permet de distinguer une entreprise de ses concurrents et donc d’éviter la confusion entre différentes entités exerçant une activité identique dans la même zone géographique.
- Quelle protection pour les noms commerciaux en Chine ?
En Chine, il n’existe pas de texte juridique spécifique concernant la protection du nom commercial. Plusieurs dispositions peuvent s’appliquer, en particulier les principes généraux de droit civil, la loi contre la concurrence déloyale et le Règlement Administratif sur l’Enregistrement des Noms d’Entreprise.
Conformément au Règlement Administratif sur l’Enregistrement des Noms d’Entreprise, le nom commercial d’une société immatriculée en Chine est protégé, le nom commercial devant être celui mentionné sur le document d’immatriculation.
Quid des sociétés étrangères non immatriculées en Chine ? Pour ces sociétés, une telle protection n’est pas évidente à obtenir, mais elle peut l’être, notamment sur la base du droit contre la concurrence déloyale si les conditions prévues par la loi sont remplies.
Relevons qu’en France, il n’est pas nécessaire de faire inscrire le nom commercial sur le registre des sociétés lors de l’immatriculation d’une société. La protection du nom commercial naît lors de son premier usage public, c’est-à-dire de son utilisation sur le site internet de l’entreprise, ses publicités, ses factures, etc., et se conserve par l’utilisation.
- Quelles sont les principales différences entre noms commerciaux et marques ?
Objectif
Tout d’abord, d’une manière générale, il convient de noter que les marques et les noms commerciaux ne remplissent pas le même objectif. En effet, les marques sont utilisées pour distinguer les produits et services fournis par une société et ceux fournis par ses concurrents, tandis que les noms commerciaux sont utilisés pour distinguer les entreprises qui fournissent ces produits et services.
Forme
La marque offre beaucoup plus de liberté en termes de forme puisqu’elle peut être composée de caractères, d’images ou d’une combinaison des deux. Il peut également s’agir d’un logo en trois dimensions, d’une combinaison de couleurs ou même de sons. A l’opposé, un nom commercial ne peut être composé que de caractères.
Portée territoriale
La protection du nom commercial a une portée territoriale bien plus restreinte que celle de la marque puisqu’elle se limite au rayonnement de la clientèle de la société (ville, département, région, pays selon les cas). La marque quant à elle bénéficie d’une protection sur tout le territoire chinois (mis à part les territoires de Hong-Kong, Taïwan et Macao, qui font l’objet de procédures de dépôt séparées).
- Quelles bases juridiques invoquer en cas d’utilisation non autorisée de nom commercial en Chine ?
Comme nous l’avons déjà évoqué au début de cet article, il n’existe pas en Chine de loi spécifique prévoyant la protection du nom commercial. En cas d’utilisation non autorisée, plusieurs dispositions peuvent s’appliquer, à savoir les principes généraux de droit civil, la loi contre la concurrence déloyale, le Règlement Administratif sur l’Enregistrement des Noms d’Entreprise ou encore la loi sur les marques. En pratique, c’est souvent la loi contre la concurrence déloyale qui sert de base juridique dans les décisions judiciaires et administratives.
Protection par la loi contre la concurrence déloyale
La loi chinoise contre la concurrence déloyale, amendée lors de la révision de 2017, dans son article 6 paragraphe 2 (anciennement article 5 paragraphe 3) prévoit l’interdiction des actes de confusion, notamment en lien avec les noms commerciaux.
Elle énonce ainsi : « une entreprise ne doit pas commettre les actes de confusion suivants pour induire une personne en erreur en lui faisant croire qu’une marchandise appartient à une autre personne ou a un lien particulier avec une autre personne : […] (2) Utilisation sans autorisation du nom d’une autre personne ayant une certaine influence, notamment le nom (y compris les abréviations et les noms commerciaux) d’une entreprise, le nom (y compris les abréviations) d’une organisation sociale, ou le nom (y compris les pseudonymes, les noms de scène et les traductions du nom) d’un individu ».
Par conséquent, en vertu de la loi contre la concurrence déloyale, il est admis que l’utilisation non autorisée d’un nom commercial peut donner lieu à une action en concurrence déloyale si les conditions suivantes sont remplies :
– le nom commercial en question rentre dans le champ de protection de la loi, à savoir, qu’il s’agit d’un « nom ayant une certaine influence » ;
– il existe une concurrence entre les deux opérateurs commerciaux concernés (en termes de domaine d’activités et de zone géographique) ;
– l’un des opérateurs utilise un nom commercial identique ou similaire au nom commercial de l’autre opérateur ;
– l’utilisation du nom commercial cause une confusion pour le public concerné ;
– l’utilisation du nom commercial est réalisée de façon intentionnelle.
Il convient de noter que l’exigence du « nom ayant une certaine influence » a été mise en place lors de la révision de 2017. Auparavant, la rédaction prévoyait l’obligation de prouver la réputation du nom commercial en Chine pour obtenir cette protection légale. Par conséquent, cette nouvelle exigence d’une « certaine influence » a concouru à faire baisser le seuil d’exigence des cours de justice et des autorités administratives chinoises pour protéger un nom commercial. Pour remplir cette exigence, des éléments de preuve concernant la date d’immatriculation de la société (s’il s’agit d’une société immatriculée en Chine), la période et les régions d’utilisation du nom, la performance commerciale de la société en Chine, les éventuelles campagnes publicitaires, etc. sont pris en compte.
Concernant les sanctions encourues par les contrevenants, l’article 18 prévoit des amendes pouvant aller jusqu’à 5 fois le montant des profits réalisés et, si ce profit ne peut être établi, une amende à fixer par le juge en fonction des circonstances et pouvant aller jusqu’à 250 000 CNY. Il convient également de noter que cette disposition permet également d’obtenir, dans le cas où une personne enregistre sa société sous un nom commercial identique ou similaire au nom commercial d’un tiers, la modification de la dénomination sociale de cette société en déposant une demande auprès de l’autorité chargée de l’enregistrement des sociétés.
Protection par la loi sur les marques : la marque notoire ou la marque bénéficiant d’une certaine influence
Dans certains cas, si le nom commercial correspond également à la marque sous laquelle l’entreprise exerce son activité et vend ses produits, on pourrait imaginer obtenir une protection au titre de la marque notoire telle que prévue aux articles 13 et 14 de la loi chinoise sur les marques ou de la marque bénéficiant d’une certaine influence telle que prévue à l’article 32 de la loi chinoise sur les marques.
Cependant, il faut savoir que ces deux régimes de protection, même si les cours ont étendu leur application ces dernières années, restent très restrictifs et ne s’appliquent que pour les marques dont leur titulaire a pu prouver l’étendue de la réputation de la marque en Chine. Les preuves de réputation dans d’autres pays ont un poids limité pour permettre la qualification de marque notoire ou de marque bénéficiant d’une certaine influence en Chine, et ce critère a malheureusement pour effet d’exclure de sa protection un certain nombre de marques étrangères non connues du public chinois.
Par Jun LIN et Audrey DRUMMOND, du cabinet LLR China