Nos plus fidèles lecteurs connaissent certainement par cœur l’importance du dépôt de marques et de brevets en Chine en vue de protéger son marché. Cependant, qu’en est-il d’un enregistrement de votre droit d’auteur, est-ce pertinent ? Les plus curieux pourront poser la question : ce droit ne s’acquiert-il pas du fait de la création de l’œuvre, sans aucune formalité ? Si, mais l’intérêt se trouve au niveau de la preuve de la titularité.
Imaginez une petite scène : Monsieur X, auteur d’un roman, remarque que l’œuvre qu’il venait de terminer est déjà publiée sous le nom de quelqu’un d’autre en version papier et en version électronique sur le marché chinois. Très en colère, mais n’ayant pas pensé à protéger son droit, Monsieur X assigne l’éditeur en justice et demande à l’hébergeur du site internet le retrait immédiat des liens.
Nous avons déjà parlé sur notre blog de l’affaire Qiaodan qui aborde le problème du dépôt par un tiers d’une marque en caractères chinois, non déposée par le titulaire de la marque en caractères latins. Mais la question est plus large et concerne également la protection accordée aux signes exploités mais non déposés à titre de marque.
Une protection limitée des signes exploités mais non déposés : les exemples de Michael Jackson et Castel
Le fashion brand franco-italien Moncler a obtenu le transfert de 50 noms de domaine que trois résidents en Chine avaient enregistrés pour vendre des contrefaçons. La procédure UDRP montre ainsi encore une fois son efficacité dans la lutte contre les pratiques de cybersquatting.
L’enregistrement d’un nom de domaine qui contient une marque célèbre est souvent une pratique de cybersquatting. En effet, comme nous l’avons déjà vu dans un autre article publié sur ce blog, ce mot désigne le fait d’acheter des noms de domaines de marques connues pour obliger les titulaires des marques à les racheter à un prix plus élevé.
Cependant, enregistrer un nom de domaine contenant une marque est aussi un moyen de faciliter la vente en ligne de produits contrefaits.
Dans un cas comme dans l’autre, le titulaire légitime de la marque a un moyen rapide de se défendre : la procédure UDRP (Uniform Domain-Name Dispute-Resolution Policy).
C’est grâce à cette procédure entamée auprès de l’OMPI que le fashion brand franco-italien Moncler, dont les lecteurs de ce blog connaissent déjà l’engagement contre la contrefaçon, a pu récemment obtenir le transfert de 50 noms de domaine que trois résidents en Chine avaient enregistrés pour vendre des contrefaçons des produits de cette marque.
Nous constatons depuis peu une pratique toute nouvelle dans l’examen des modèles d’utilité en Chine par le SIPO : un examen de nouveauté est désormais pratiqué sur un petite proportion d’entre eux. Voici quelques explications sur le sujet.
Dans la pratique habituelle jusqu’à présent, une demande de modèle d’utilité passe par un examen préliminaire qui soulève uniquement des objections de forme, par exemple les irrégularités dans les figures et la conformité entre les revendications et la description. Généralement l’examinateur n’effectue aucune recherche sur la brevetabilité de l’invention.
Néanmoins, suite au changement des Directives d’examen en octobre 2013, une nouvelle pratique d’examen apparaît peu à peu. Plus précisément, il arrive désormais que l’examinateur, partant de l’art antérieur qu’il obtient, examine si l’objet revendiqué n’est pas nouveau de façon évidente.
Selon les statistiques publiées par l’Office européen des brevets (OEB) en mars 2016, le nombre de demandes de brevet européen a augmenté de 4,8% par rapport à l’année 2014, indiquant que malgré la morosité économique, le brevet européen est toujours aussi plébiscité. Ces chiffres prennent en compte les demandes de brevet européen déposées directement à l’OEB et les entrées en phase régionale européenne à l’issue de la procédure internationale selon le PCT.
Bien que les plus grands déposants restent les états contractants de la CBE (avec 47% des dépôts) et les Etats-Unis (avec 27% des dépôts), la Chine arrive en dixième position avec 4 % des dépôts de demande de brevet européens. En comparaison, la France se situe à la 4ème position (avec 7% des dépôts) derrière l’Allemagne et le Japon, mais avec une progression modeste de 1,6% par rapport à 2014.
La proportion des dépôts par des sociétés chinoises parait bien modeste à première vue, mais ce qui est notable c’est l’augmentation des dépôts de 22,2% par rapport à 2014, ce qui représente la plus forte croissance tous états confondus.
Encore plus intéressant, le géant chinois des nouvelles technologies HUAWEI se place en quatrième position des plus gros déposants avec 1 953 demandes de brevet déposées en 2015, derrière PHILIPS, SAMSUNG et LG, mais devant SIEMENS, et le chinois ZTE se place en onzième position.
L’augmentation des dépôts européens par les déposants chinois semble corrélée au nombre de dépôts en Chine par les résidents chinois (+13,6%entre 2013 et 2014) alors que le nombre de dépôts chinois reste constant pour les étrangers. De même, ces chiffres sont cohérents avec les données relatives aux dépôts de demande PCT de 2014, où HUAWEI et ZTE occupent respectivement la première (3442 dépôts) et la troisième place (2179 dépôts) du classement des plus gros déposants PCT.
On peut alors se poser la question de la raison d’un tel attrait de la part des déposants chinois pour le brevet européen.
Cette augmentation est-elle le simple reflet de la forte croissance économique de la Chine qui, malgré une baisse, reste tout de même à 6,9 %, alors que la croissance mondiale est en moyenne à 3,6% ?
Ou est-elle aussi liée à la mise en place du brevet européen à effet unitaire qui devrait entrer en vigueur, en même temps que la juridiction unifiée en matière de brevets (JUB), en 2017 (selon les prévisions) ?
La réponse à cette question devrait être en partie connue l’année prochaine avec les nouvelles statistiques fournies par l’OEB, mais également, si le brevet européen à effet unitaire entre en vigueur, avec le nombre d’opt-out des déposants chinois. En effet, cette procédure permettant de se « libérer » de la compétence de la JUB sera un bon indicateur de l’intérêt que portent les déposants chinois au système européen unifié.
En tout état de cause, quelle que soit la raison de l’augmentation des dépôts européens par les déposants chinois, la Chine a largement participé aux bons résultats de l’OEB.
Parions que cet intérêt des déposants chinois pour le brevet européen n’est pas prêt de se terminer…