Si un tiers achète des produits authentiques (à savoir légitimement commercialisés par le titulaire de la marque à l’étranger), et qu’il les importe ensuite et les revend en Chine, mais sans autorisation préalable de ce même titulaire qui détient également des droits dans ce pays, il s’agit d’une importation parallèle.
Cette pratique pourrait entrainer des conséquences lourdes et importantes pour le titulaire de marque ayant un réseau de distribution exclusive en Chine, car les produits issus de l’importation parallèle bénéficient d’un prix souvent inférieur à celui du marché local.
Toutefois, les titulaires peuvent-ils reprocher à cette pratique d’être un acte de contrefaçon de leurs marques ?
Les législateurs chinois pour l’heure ne proposent aucune solution à cette question épineuse. Toutefois, les magistrats sont déjà confrontés à certains cas dans la pratique et ils ont tendance à faire pencher la balance du côté des importateurs au lieu des titulaires de marque.
Dans l’affaire de Victoria’s Secret Stores Brand Management, Inc. (demanderesse) VS. Shanghai Jintian Clothing Ltd. (défenderesse) (décision n°2012/86 rendue par la Cour Intermédiaire N°2 de Shanghai le 23 Avril 2013), il a été considéré que les produits revendus en Chine par la défenderesse proviennent de la société mère de la demanderesse, et qu’il s’agit donc de produits authentiques. Par conséquent, les consommateurs ne seront pas amenés à se tromper sur l’origine de ces produits et il n’y a donc pas d’atteinte aux droits de marque.
Le même raisonnement a été suivi par la Cour supérieure de Pékin, dans une affaire plus récente, Atlantic C Trade Consultancy Ltd. VS. Beijing Four Seas Zhi Xiang International Trade Ltd. (décision d’appel n° 2018/1931 rendue le 12 mai 2015). Atlantic C étant le distributeur exclusif de la marque de bière «Köstritzer» en Chine, il a fait reproché à la société chinoise Beijing Four Seas Zhi Xiang International Trade Ltd. d’avoir commercialisé des bières «Köstritzer» en Chine. Toutefois, il s’avère que les bières commercialisées par Beijing Four Seas sont fabriquées par Köstritzer Schwarzbierbrauerei GmbH, titulaire de la marque «Köstritzer» en Chine, et que ces produits sont ensuite distribués à Beijing Four Seas via une société néerlandaise. Ainsi, il s’agit des produits authentiques et pas de contrefaçon.
Dans l’affaire Les Grands Chais de France (demanderesse) VS. Muti International Trade Ltd. (défenderesse), la Cour Supérieure de Tianjin a ainsi donné raison à la société importatrice dans sa décision n°2013/24 rendue le 17 décembre 2014. La demanderesse, titulaire de la marque J.P. CHENET en Chine, a poursuivi la défenderesse en contrefaçon pour avoir importé des vins en Chine sans son accord. Mais, considérant que les vins importés avaient été mis sur le marché britannique par le distributeur de la demanderesse elle-même, la Cour a estimé qu’il s’agissait de produits authentiques et l’action en contrefaçon a été rejetée.
Or, cette décision nous paraît plus intéressante que les autres car la Cour a fait savoir que la loi chinoise des marques n’interdisait pas explicitement l’importation parallèle. Elle a donc donné quelques critères concrets en vue de constater la contrefaçon en cas d’importation parallèle.
Il est nécessaire de maintenir un équilibre d’intérêts entre le titulaire de marque, l’importateur et le public tout en assurant le respect de la protection des marques et du principe de libre circulation des marchandises.
Pour ce faire, il convient d’apprécier :
- s’il existe des différences significatives entre les produits commercialisés par le titulaire ou par ses distributeurs agréés et ceux issus de l’importation parallèle. Les points à considérer et comparer peuvent être les suivants : l’emballage, la qualité et la gamme de produits;
- s’il existe un risque de confusion ou un risque de porter atteinte à la réputation de la marque.
Trois décisions des tribunaux de trois grandes métropoles chinoises ayant déjà exclu la qualification de contrefaçon en Chine, les titulaires de marque en Chine doivent rester vigilants pour faire face à l’importation parallèle dans ce pays et accorder plus d’efforts au contrôle de la distribution de leurs produits tant en Chine qu’à l’étranger.
Article rédigé par Qiang CEN
Il est évident que ce n’est pas une contre-façon, le prétendre c’est nier ses propres produits. C’est un problème de contrat avec ses clients et de traçabilité de la marchandise afin de savoir quel client a « failli » si tel est le contrat qui lie vendeur et acheteur. Par exemple, les importations parallèles sont fréquentes pour des médicaments en Europe par des grands de la distribution… Le parallèle existe depuis très très longtemps, il est ou était utilisé par les producteurs-vendeur, en sous-main, par rapport aux circuits classiques, pour liquider des stocks discrètement avec un rabais… Donc le parallèle n’est pas toujours caché du producteur. La seule façon de l’éradiquer, si le vendeur-producteur le veut, c’est le marquage unitaire permettant d’identifier le client qui ne respecte pas son contrat, mais ce n’est en aucune façon de la contre-façon. C’est comme cela que certains flacons de parfum sont marqués au laser unitairement…
Avant que la cour suprême nationale ne se prononce sur ce sujet, la jurisprudence s’avère pour l’instant défavorable aux titulaires de marques. Mais des mesures peuvent, et même doivent, être prises pour prévenir cette situation, comme différencier la qualité ou les caractéristiques des produits destinés aux autres marchés que le marché chinois, utiliser des emballages spécifiques et interdire la distribution sous un autre emballage ou sans emballage, ou encore préciser sur les emballages et dans les contrats de distribution que les produits ne sont pas destinés au marché chinois, voire uniquement au marché communautaire, le cas échéant.