Litiges brevets en Chine : neutres ou pro-chinois ?

En Chine, un paramètre crucial à prendre en compte par les sociétés étrangères dans leur stratégie de dépôt de demandes de brevets est la capacité à faire valoir leurs droits et à obtenir gain de cause en cas de litige. Cette capacité dépend en grande partie de l’attitude des tribunaux chinois. Une étude récente par des universitaires américains publiée dans le Vanderbilt J. Ent. & Tech. Law (« Patent litigation in China : Protecting rights or the local economy ? ») a fait l’objet de nombreux commentaires car elle conclut que le système judiciaire chinois est parvenu à maturité, au sens où les jugements sont désormais sensiblement impartiaux envers les étrangers.

Une analyse de cette étude révèle que, si l’on constate effectivement des améliorations sur ce point, cette conclusion mérite d’être nuancée.

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Brevets essentiels : les Chinois s’affrontent en Europe

Les entreprises chinoises sont de plus en plus actives sur le terrain des brevets en Europe. Nous savions déjà qu’elles figurent depuis quelque temps parmi les principaux déposants de brevets auprès de l’OEB (+18,2% en 2014). Nouveauté : elles s’affrontent désormais devant les juridictions en Europe.

Huawei, entreprise chinoise spécialisée en technologies de l’information et de la communication (TIC), est de plus en plus connue en Europe entre autres pour ses smartphones, et est devenue le 1er déposant mondial de demandes PCT en 2014. Elle a récemment agi en justice en Allemagne contre ZTE, une autre société chinoise dont les smartphones sont également reconnus, et qui est quant-à-elle le 3ème déposant mondial de demandes PCT.

Cette affaire a fait parler d’elle puisque le renvoi de la justice allemande à la Cour de justice de l’Union européenne a permis à cette dernière de se prononcer sur l’abus de position dans la gestion des brevets essentiels (rappelons que la Chine avait été amenée à se prononcer sur la question également).

Voici un article présentant tout d’abord la question complète à laquelle la Cour a répondu, avant de donner quelques définitions en vue de comprendre le litige qui est à l’origine de cette question et en quoi consistent les réponses apportées par la Cour.

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Les saisies douanières d’office en Chine

Alors que Laurent Fabius annonçait que « le monde retient son souffle, il compte sur nous » lors de la COP21 en décembre, les chinois le retenaient encore davantage, dans un moment où l’air était considérablement pollué.

C’est dans ce contexte que les douanes de Shanghai annonçaient les saisies douanières d’office de 120 000 masques de respiration anti-pollution contrefaisants, le 8 décembre 2015.

Selon les informations données par China News Service, ces masques de respiration, censés être fabriqués par la société américaine 3M, ont été découverts dans deux lots de produits à exporter vers un pays africain. Un réseau illégal de production et de distribution de ces masques contrefaisants a été déjoué ultérieurement.

Voici l’occasion de présenter ce que sont les saisies douanières d’office en Chine, lesquelles présentent un certain nombre d’avantages par rapport aux saisies douanières sur demande.

Renforcement récent du contrôle douanier

Depuis début 2015, les douanes chinoises montrent clairement leur fermeté pour freiner les contrefacteurs, en menant une action dite de « Qingfeng » (la brise) sur les produits d’import et d’export.

Cela en vue d’améliorer la protection des titulaires de droits de propriété intellectuelle (PI) et tenter de rompre avec la mauvaise image des produits « fabriqués en Chine ».

Pour ce faire, les douanes cherchent de plus en plus à coopérer avec les entreprises titulaires de droits, par le mécanisme de la déclaration douanière -que nous détaillons ci-après-, ce qui leur permet de mieux connaître les caractéristiques des produits contrefaits.

Désormais, la possibilité de déclaration en ligne renforce indirectement les droits des titulaires face aux produits contrefaisants en facilitant la procédure. Les instructions relatives à cette déclaration sont disponibles en anglais.

Déclaration douanière de vos droits

Si vous êtes titulaire de droits de PI en Chine, il est bon de savoir que, contrairement au rôle actif des douanes françaises qui peuvent intervenir même sans demande du titulaire quand la contrefaçon est avérée, les douanes chinoises ne sont pas en droit d’exercer les saisies douanières d’office sans vos déclarations de droit auprès de l’Administration générale des douanes.

Ce régime de déclaration douanière s’approche des saisies-douanières à titre préventif en France, suivant lequel une demande d’intervention doit être préalablement déposée par le titulaire au service des douanes. Cette demande d’intervention, en France, est valable 1 an et renouvelable.

S’agissant de la déclaration en Chine, elle est valable pour une durée de 10 ans renouvelables pour tous les droits de PI : droit d’auteur, marque, brevet, dessin et modèle ou modèle d’utilité. Les marques internationales désignant la Chine sont également admises à la déclaration.

Une procédure avantageuse à un coût raisonnable

Outre ses effets contraignants pour les contrefacteurs, cette déclaration douanière présente un certain nombre d’autres avantages concrets :

  • Condition préalable des saisies douanières d’office. Avec la déclaration du titulaire, les douanes sont en droit de procéder à une saisie, sans demande préalable du titulaire.
  • Détection facilitée de produits contrefaisants. Face aux produits contrefaisants qui s’approchent de plus en plus des produits authentiques, toutes les informations fournies par le titulaire sur le titre de PI, telles que les éventuelles licences d’exploitation, les moyens de distinction déjà connus, etc. permettent une détection plus facile des produits contrefaisants par les douanes.
  • Poursuites judiciaires ultérieures non obligatoires. Le titulaire d’un droit déclaré n’est pas obligé d’engager des poursuites dans un délai de 20 jours suivant le jour des saisies (contrairement à ce qui se passe dans les saisies douanières sur demande).
  • Dépôt de garantie plafonné. Au moment des saisies douanières sur demande, un dépôt de garantie d’un montant égal à la valeur des produits saisis va être exigé au demandeur des saisies. En ce qui concerne les droits de PI déclarés aux douanes, le montant du dépôt de garantie est plafonné à 100 000 yuans (CNY), soit 13,500 euros environ.

Les frais de la déclaration pour chaque titre de propriété intellectuelle étaient jusqu’à peu de 800 yuans, soit 112 euros environ, mais sont désormais exonérés depuis fin 2015. Relevons qu’une déclaration n’est valable que pour un seul titre.

 

Article rédigé par Yi QIN, du cabinet LLRllr_new

 

Chine : le Conseil d’État encourage la protection de la propriété intellectuelle

Le Conseil d’Etat chinois confirme la volonté du gouvernement chinois de poursuivre la construction de son système législatif de protection de la propriété intellectuelle. Il annonce les prochains développements en ce sens : savoir-faire, variétés végétales, politiques d’incitations fiscales à l’innovation, sanctions accrues en cas de litige, amélioration des procédures et contrôle des abus de position dominante sont au programme.

Le 22 décembre dernier, le Conseil d’État chinois a publié un avis sur la construction du système de protection de la propriété intellectuelle dans les prochaines années. 

Dans cet avis, le Conseil d’État chinois invite le pays à obtenir, d’ici 2020, des résultats concrets dans le domaine de l’amélioration de l’entrepreneuriat et de l’innovation, afin d’obtenir un avantage dans la compétition mondiale en matière de propriété intellectuelle.

4 axes de développement, 5 mesures essentielles

A cet effet, le Conseil d’Etat chinois évoque quatre axes de développement, à savoir le pilotage stratégique, la réforme et l’innovation, l’orientation vers le marché et une approche plus globale.

Ces axes passeront par cinq mesures essentielles :

– la promotion de la réforme dans l’organisation de l’administration de la propriété intellectuelle,

– le maintien d’une protection ferme de la propriété intellectuelle,

– la promotion de la propriété intellectuelle,

– la consolidation de la propriété intellectuelle au niveau international par le biais de la prévention dans des industries clef, et enfin

– l’amélioration continue dans la coopération internationale en matière de propriété intellectuelle.

Recommandations du Conseil d’État

De façon plus concrète, le Conseil d’Etat chinois recommande notamment d’agir dans les domaines suivants :

Savoir-faire : il recommande de légiférer encore davantage dans le domaine du savoir-faire, de manière à protéger ce savoir-faire dans le cadre de la mobilité salariale et de la coopération technologique inter-entreprises.

Variétés végétales et indications géographiques : le Conseil d’Etat chinois appelle de ses vœux la construction d’une législation au sujet des variétés végétales, ressources génétiques et du savoir-faire traditionnel. Une législation spécifique sur les indications géographiques est attendue (voir notre article pour des précisions à ce sujet).

Politique d’incitation fiscale à l’innovation : il est question de mettre en place un programme de déductions fiscales en matière de recherche et développement – un crédit impôt-recherche à la mode chinoise ?

Dommages et intérêts dans les litiges en contrefaçon : la volonté d’augmenter les sanctions est à nouveau réitérée (voir notre article à ce sujet). Le Conseil d’Etat chinois appelle également à un renforcement de la coopération internationale dans les affaires pénales liées à la propriété intellectuelle.

Amélioration des procédures de dépôt et d’examen : une incitation au dépôt électronique par la simplification des procédures est jugée souhaitable, de même que le développement des programmes du type PPH (Patent Procecution Highway).

Abus de position dominante : le Conseil d’Etat chinois appelle à développer une législation permettant de punir les éventuels abus des propriétaires de brevets essentiels et les comportements d’attribution de licences pouvant entraver le droit de la concurrence.

Encore une fois, la Chine, par l’intermédiaire de cet avis rendu par son Conseil d’Etat, affiche sa volonté de devenir une puissance incontournable dans le monde de la propriété intellectuelle en s’alignant sur les législations existantes dans les pays occidentaux, tout en affichant clairement son attachement à ses particularités régionales.

 

Affaire Moncler : coup de chaud pour les contrefacteurs !

Connue pour ses doudounes brillantes de luxe, la marque italienne Moncler a également eu l’occasion de se faire connaitre par les non amateurs de mode : elle a remporté un litige en contrefaçon en Chine le 23 avril 2015. Le tribunal lui a octroyé des dommages et intérêts d’un montant de 3 millions de RMB (soit environ 430 000 euros), le montant maximal exigible dans le cas où les juges chinois ne disposent pas de suffisamment de preuves pour établir le préjudice subi, selon la nouvelle loi chinoise des marques qui est entrée en vigueur depuis 2014.

L’histoire se répète pour Moncler comme pour les autres marques qui connaissent un succès en Chine : une société d’habillement pékinoise s’était mise, au moins depuis 2013, à la fabrication des doudounes portant la marque Moncler et une marque similaire « Monckner ». Afin d’améliorer ses commandes, les produits contrefaisants étaient disponibles directement depuis son site Internet « http://www.monckner.com ».

Toutefois, bien que les preuves fournies permettaient de caractériser l’acte de contrefaçon, Moncler n’a pas pu fournir les preuves directes du préjudice subi.

Il se trouve que dans la pratique judiciaire chinoise, la cour de cassation a mis en place un système de détermination du montant des dommages et intérêts en cascade selon les quatre étapes suivantes :

  • Le montant des dommages et intérêts est, en principe, déterminé par rapport au préjudice subi par la victime ;
  • A défaut de preuve du préjudice subi, le montant sera déterminé par rapport au profit engendré par les actes du contrefacteur ;
  • A défaut de preuve d’un tel profit, le montant sera déterminé sous forme d’un multiple de la redevance qui aurait dû être versée par la société contrefaisante pour obtenir une licence de marque ;
  • Enfin, faute de preuves sur tous les éléments précédents, c’est le juge qui déterminera le montant, à sa discrétion, selon la demande de la victime et l’ensemble des éléments et circonstances de l’affaire. Ce montant ne devait pas dépasser 500 mille RMB chinois selon l’ancienne loi chinoise.

Pour obtenir un montant de dommages et intérêts satisfaisant, les obstacles essentiels restaient au niveau de la preuve directe du préjudice subi, sachant qu’il était rare que les juges chinois accordent le montant maximal exigible des dommages et intérêts dans leur marge d’appréciation (quatrième étape ci-dessus).

Le 3ème amendement de la loi chinoise sur le droit des marques, datant de 2013, est connu pour avoir augmenté significativement le plafond de dommages et intérêts de 500 mille RMB à 3 millions de RMB au cas où il revient au juge d’évaluer le montant de l’indemnité en l’absence de preuves suffisantes en cette matière.

Dans cette affaire, la Cour de la propriété intellectuelle de Pékin, nouvelle instance spécialisée qui a été instaurée en novembre 2014, a fait l’application de ce 3ème amendement. Relevons que le changement de la pratique judiciaire est un élément tout aussi important que la modification de la loi pour l’amélioration de l’efficacité du droit chinois dans la lutte contre la contrefaçon.

Dans l’affaire Moncler, étant donné qu’aucune preuve directe sur les trois éléments précédents n’avait été fournie par les parties, le juge a fait recours au faisceau d’indices dans son raisonnement pour la détermination de l’indemnisation, notamment :

  • la notoriété de la marque ;
  • les modes d’infraction ;
  • la durée de l’infraction ;
  • la mauvaise foi du contrefacteur ; ainsi que
  • le prix de vente des produits contrefaisants.

Au-delà du fait que l’on puisse se réjouir de cette application de la loi chinoise, de plus en plus favorable aux titulaires de droits, l’affaire Moncler nous paraît particulièrement importante pour déterminer les éléments à fournir au juge afin d’obtenir une meilleure réparation du préjudice lorsque les preuves directes sont manquantes, et en particulier des preuves sur la mauvaise foi du contrefacteur.

Article rédigé par Yi QIN, du cabinet LLRllr_new

La contrefaçon de vin en chine (3ème partie)

Nous vous proposons un nouvel article sur la contrefaçon de vin en Chine, s’ajoutant à notre série d’articles sur ce thème publiés sur ChinePI.com. L’article ici fait plus précisément suite à l’article sur les indications géographiques et la protection PI de votre Appellation d’Origine

Cet article que nous traduisons en français a été initialement rédigé en anglais par Alexander Bayntun-lees et publié sur le blog Your IP Insider.

Partie 2: Les organismes de réglementation et l’action collective contre la contrefaçon

Dans notre précédent article, nous avons abordé l’histoire du vin comme un produit fortement tributaire de la géographie, de la qualité du sol, du climat, ou encore du terroir pour ses caractéristiques uniques, de l’importance résultante des classifications régionales, et de la protection juridique disponible pour les producteurs établis dans des régions viticoles spécifiques. Dans cet article, nous allons nous pencher sur la façon dont certains organismes de réglementation et les associations de vin peuvent aider ou aident déjà les producteurs à protéger la réputation de leurs marques. Enfin, nous verrons comment l’industrie du vin dans sa globalité peut s’attaquer à l’industrie de la contrefaçon qui continue à impacter les ventes et la réputation de cette boisson bien-aimée.

Il y a quelques semaines, nous avons contacté l’INAO, Institut national de l’origine et de la qualité, autorité administrative publique française responsable de la mise en œuvre de la politique française sur les signes officiels d’identification de l’origine et de la qualité des produits agricoles et alimentaires, y compris le vin.

Au cours de la dernière décennie, l’INAO a travaillé d’arrache-pied pour protéger les AOP et IGP françaises en Chine, et a vu ses actions en Chine augmenter considérablement entre 2008 et 2015. En effet, l’INAO a vu les enregistrements de marques de mauvaise foi d’identifications géographiques (IG) françaises quadrupler au cours des dernières années, passant de 12 enregistrements prédateurs d’IG françaises en 2009 à 60 en 2014, sans aucun signe d’une réduction en nombre. Ces enregistrements sont un mélange entre de véritables «squatteurs de marques déposées » [note de la traduction : voir notre article ici sur le « trademark squatting » en Chine], simplement dans le but de réaliser un profit, et des importateurs véreux d’indications géographiques authentiques enregistrant des marques dans une tentative de gagner l’exclusivité sur le marché, ignorant ainsi le caractère collectif des indications géographiques.

L’INAO, comme d’autres organismes nationaux, n’est cependant pas resté les bras croisés, et a déposé de nombreuses oppositions ou recours en annulation devant l’Office chinois des marques (CTMO) contre les marques qui enfreignent les IG françaises. Le coût moyen de ces actions revient à environ 2000 €, et comme le nombre de demandes contrefaisantes est à la hausse, ces organismes commencent à sentir une certaine pression budgétaire.

En tant que tel, l’INAO a été moins en mesure de se mêler à des enquêtes et des actions sur le terrain contre les contrefacteurs individuels. Ses représentants ont exprimé leur mécontentement face à leur incapacité à lutter contre ces contrefacteurs, qui sont préjudiciables à l’industrie dans son ensemble, mais les coûts prohibitifs dans la lutte contre les nombreux contrefacteurs sont trop élevés pour leur budget déjà surchargé et ils ont besoin de plus de soutien pour s’attaquer à la racine du problème.

Les organisations régionales ont également fait des tentatives afin de réduire les problèmes liés à la contrefaçon en Chine. Le Conseil Interprofessionnel du Vin de Bordeaux (CIVB) a travaillé pendant des années pour lutter contre la fraude de vin, et avec l’aide du ministère français des Finances, dirige un laboratoire spécialisé pour tester les produits soupçonnés de contrefaçon et a mis en service une application : Smart Bordeaux, qui permet aux acheteurs de vérifier les détails de millésimes en prenant une photo d’une étiquette de vin ou en numérisant un code-barres.

En Janvier 2011, le CIVB a engagé Nick Bartman, un enquêteur spécialiste des contrefaçons, afin de mettre sur pied une équipe et d’enquêter sur la contrefaçon de vin en Chine. Cependant, en raison de contraintes budgétaires, la portée de l’enquête a été limitée, comme l’a été l’action en justice qui a suivi. Les actions de l’équipe au nom du CIVB ont entraîné des dommages estimés à 30 millions € aux contrefacteurs. Bartman estime toutefois que sans les limites sur la portée de l’investigation, ce chiffre aurait pu être grandement amélioré. Avec plus de temps, et une enquête entièrement transfrontalière, assez de dégâts pourraient être causés aux opérations de contrefaçon pour décourager à l’avenir la contrefaçon de vin dans la région.

En plus des activités de M. Bartman, le CIVB a également engagé un autre vétéran de la Chine : Thomas Jullien. Basé à Hong Kong, M. Jullien et son équipe travaillent à la fois à la promotion des vins de Bordeaux en Chine, ainsi qu’à la poursuite des contrefaçons et la lutte contre les contrefacteurs. Dans leurs efforts anti-contrefaçon, l’équipe de Thomas travaille à l’enregistrement d’indications géographiques concernant 50 appellations de Bordeaux, à la traque et la prise de mesures contre les contrefacteurs. Ce projet est actif depuis plus de 5 ans et a supprimé un grand nombre de contrefaçons du marché. Toutefois, l’application des mesures demeure une question clé, et même si l’équipe de Thomas concentre ses efforts sur les contrefacteurs à une grande échelle, avec des contrefaçons des plus évidentes, le manque de formation au sein des autorités d’exécution en ce qui concerne la contrefaçon de vin débouche sur la réticence de la part des fonctionnaires les moins expérimentés à prendre des risques pour arrêter les contrefacteurs. Sans les ressources pour aider à former les nombreuses collectivités locales en Chine, cette barrière à l’application perdurera et les actions retenues seront limitées principalement aux villes de premier rang, limitant ainsi l’impact que ces équipes anti-contrefaçon expérimentées pourraient avoir sur la production nationale.

Il n’y a pas que les enquêteurs qui ressentent cette frustration ; Dr Paolo Beconcini, associé chez Carroll, Burdick & McDonough LLP, a passé plus de 15 ans à combattre les contrefacteurs en Chine pour certaines des plus grandes marques et a étudié et écrit sur la contrefaçon de vin dans le passé. La philosophie de Paolo quant au traitement des contrefacteurs est semblable à un marteau de forgeron bien dirigé : une fois les contrefacteurs identifiés, vous devez les frapper vite, et vous devez les frapper fort. Cette tactique de «choc et effroi » est incroyablement efficace, et fonctionne non seulement pour faire cesser les opérations de contrefaçon immédiates, mais aussi pour dissuader d’autres contrefacteurs de ces produits.

Chaque année, Paolo participe à des groupes de travail pour le Comité de protection de la qualité des marques en Chine (QBPC), ainsi que sur le traitement des marchandises illicites et de la contrefaçon en Chine et en Asie du Sud-Est par la sous-direction d’Interpol qui assure la formation des fonctionnaires des douanes et de la police sur la reconnaissance des produits, les aidant ainsi à la réalisation des enquêtes et des raids qui ont marqué la carrière réussie de Paolo.

Ces groupes de travail, et l’influence des lobbyistes qu’ils représentent pourraient propulser l’industrie du vin au rang de priorité absolue pour les fonctionnaires de la police chinoise. Pourtant, leurs représentants sont absents lors de ces groupes de travail. Sans la formation et le soutien des fonctionnaires chinois, et en se fondant sur les poches relativement peu profondes des producteurs individuels et des organisations comme le CIVB, l’industrie du vin est incapable de mettre en œuvre la force nécessaire pour lutter contre les opérations de contrefaçon maintenant établies qui continuent de diminuer les bénéfices et de ternir la réputation des producteurs de vin du monde entier.

Pour un succès durable dans la guerre contre les contrefacteurs, une coalition beaucoup plus importante est nécessaire : une initiative de protection mondiale du vin avec le soutien des associations nationales et régionales de vin, des importateurs, des détaillants et des producteurs individuels. Avec ce genre de soutien, les coûts individuels seraient faibles, mais le poids politique et la puissance financière derrière les enquêteurs et les équipes juridiques représenteraient la plus grande menace encore jamais vue par des contrefacteurs dans aucune industrie.

Article rédigé par le IPR HelpdeskChina Helpdesk

The China IPR SME Helpdesk is a European Union co-funded project that provides free, practical, business advice relating to China IPR to European SMEs. To learn about any aspect of intellectual property rights in China, visit our online portal at www.china-iprhelpdesk.eu. For free expert advice on China IPR for your business, e-mail your questions to: question@china-iprhelpdesk.eu. You will receive a reply from one of the Helpdesk experts within three working days.

 

Traduit de l’anglais vers le français par Michaël AFONSO, du cabinet LLRllr_new

Faut-il enregistrer ses marques lorsque l’on ne prévoit pas de les exploiter ?

Faut-il enregistrer ses marques dans des pays où l’on ne prévoit pas de les exploiter ?

C’est une question qu’il est légitime de se poser au vu de la récente mésaventure rencontrée par St-Hubert, chaîne de rôtisserie québécoise. Elle a appris que son logo est apposé sur des paquets de biscuits fabriqués par une entreprise en Chine, pays dans lequel le logo n’a pas été enregistré en tant que marque puisque la chaîne n’y est pas présente.

Les restaurants de la chaîne St-Hubert sont pour la plupart établis au Québec, c’est la raison pour laquelle le logo de l’entreprise a fait l’objet de l’enregistrement de marques au Canada comme en atteste cette interrogation de la base de données sur les marques de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI). Ces marques concernent principalement les classes 29 (viande, poisson, volaille et gibier), 30 (café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café) et 43 (services de restauration (alimentation) ; hébergement temporaire).

Comme le rapporte cet article du site internet du journal « Les Affaires », St-Hubert a récemment constaté qu’une entreprise chinoise, dont l’identité n’a pas été révélée, utilisait son logo. Ce dernier serait apposé sur des paquets de biscuits destinés aux consommateurs chinois. Cette utilisation se faisant sans l’autorisation de la chaîne de restauration, cette dernière a demandé à cette entreprise chinoise la cessation de cette pratique pouvant nuire à son image.

Mais l’entreprise chinoise devait-elle demander à St-Hubert l’autorisation d’utiliser ce logo pour commercialiser des biscuits en Chine ? Ce que l’on peut dire, c’est que l’entreprise québécoise ne peut pas utiliser ses marques canadiennes pour s’opposer à cette utilisation. On rappelle à cet effet qu’une marque a une portée territoriale, ce qui signifie qu’elle procure des effets uniquement sur les territoires dans lesquels elle a été enregistrée.

Au surplus, la commercialisation des paquets de biscuits en Chine ne parait pas avoir d’effet négatif direct sur l’activité du restaurateur québécois. Aussi, sauf à ce que cette société chinoise exporte ses produits sur un territoire où St-Hubert dispose de droits de propriété intellectuelle, ce dernier dispose de peu d’armes en Chine qui pourraient dissuader l’entreprise chinoise de continuer à utiliser le logo arborant un poulet paré d’un nœud-papillon.

Comment St-Hubert aurait-il pu se prémunir de ce désagrément ? A posteriori, si le logo avait fait l’objet de l’enregistrement d’une marque en Chine pour les mêmes classes qu’au Canada et visant en particulier les biscuits ou des produits similaires, le restaurateur aurait pu faire valoir ce titre en arguant que la commercialisation des paquets de biscuits constitue une contrefaçon de la marque. D’ailleurs, la marque en elle-même aurait pu dissuader l’entreprise chinoise de lancer ses paquets de biscuits si elle avait été portée à sa connaissance.

Mais avant cette mésaventure, il était difficile de prévoir que le logo serait utilisé dans un pays où aucun restaurant St-Hubert n’est implanté. Et enregistrer toutes ses marques dans un maximum de pays ne semble pas être une solution intéressante, puisque la gestion d’un portefeuille de marques dans un grand nombre de pays s’avère très onéreuse. Enfin, et surtout, une marque est un signe distinctif qui a vocation à être exploité. En effet, à défaut d’exploitation par son titulaire pendant une période consécutive de 3 ans en Chine (5 ans en France et en Europe), un tiers intéressé pourra engager une action en déchéance de la marque. En l’espèce, St-Hubert, qui n’est pas implanté en Chine, n’aurait pas pu se prévaloir de sa marque sans risquer la déchéance de ses droits sur celle-ci.

Pour répondre à la question posée dans le titre de cet article, plusieurs paramètres entrent en jeu. Cela revient notamment à trouver un compromis entre l’importance du budget alloué à la gestion de son portefeuille de marques et l’importance de l’image que l’on souhaite donner à ses marques.

Une stratégie peut être d’enregistrer au moins sa marque « phare » dans un grand nombre de pays, tout particulièrement en Chine. Toutefois, cette stratégie a ses limites compte tenu de l’obligation d’usage de la marque que nous décrivions précédemment. Une telle stratégie n’a donc qu’un intérêt à court terme, pour anticiper son implantation dans un nouveau territoire par exemple.

La contrefaçon de vin en Chine (3ème partie)

Nous vous proposons un nouvel article sur la contrefaçon de vin en Chine. Le présent article sera suivi d’autres articles sur ce thème, toujours publiés sur ChinePI.com.

Cet article que nous traduisons en français a été initialement rédigé en anglais par Alexander Bayntun-lees et publié sur le blog Your IP Insider.

Partie 1: les indications géographiques et la protection PI de votre Appellation d’Origine

Le vin a été classé par région presque tout au long de son histoire longue et variée, les Grecs anciens estampillaient déjà les amphores avec le sceau de la région de provenance, et des références au vin identifié par région sont trouvées tout au long de la Bible et autres textes religieux. Si cette tradition d’identification a perduré pendant l’Antiquité et au Moyen Age, elle ne fut protégée qu’en 1716, avec l’introduction de la région du Chianti en Italie, par décret du Grand-Duc de Toscane de l’époque.

Aujourd’hui, les concepts d’appellation et de terroir se sont répandus dans le monde entier. Pour le vin, la France possède plus de 300 “Appellation d’Origine Contrôlée” (AOC) [1], et l’Italie possède plus de 400 “Denominazione di Origine Controllata e Garantita” (DOCG) et “Denominazione di Origine Controllata” (DOC) [2]. Avec des systèmes similaires et de nombreuses variétés cultivées et protégées dans toute l’Europe et le reste du monde, l’appellation d’origine joue un rôle important dans la classification des vins, ainsi que dans le choix du consommateur. En conséquence, la protection de l’intégrité de ce système de classification est d’une importance primordiale pour les producteurs, les distributeurs, les détaillants, et bien sûr, les consommateurs.

L’appellation d’origine est protégée par les principes juridiques associés aux Indications Géographiques (IGs). De la même manière que pour les marques, les Indications Géographiques sont des signes distinctifs utilisés pour distinguer l’origine des marchandises, permettant ainsi aux consommateurs d’associer avec précision une qualité ou une réputation particulière avec les produits en question.

Les Indications Géographiques diffèrent cependant des marques car au lieu de protéger les droits d’un seul producteur, elles protègent ceux de toute une catégorie de producteur, en fonction de leur situation géographique et de la méthode de production utilisée. Les Indications Géographiques appartiennent donc à tous les producteurs résidents qui respectent les lois spécifiques et les régulations établies pour assurer que le lien effectué par le consommateur entre la qualité, la réputation et l’origine du vin soit préservé. [3]

Initiatives d’Indications Géographiques de l’Union européenne

L’Union Européenne possède deux marques collectives enregistrées en Chine qui sont la marque pour les Appellation d’Origine Protégée (AOP), et celle pour l’indication géographique protégée (IGP) [4].

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Une marque AOP identifie un vin comme étant originaire d’une ville, d’une région ou d’un pays particulier, qui a des caractéristiques qui sont particulièrement liées au lieu d’origine par des facteurs naturels ou humains inhérents au lieu, et qui est produit, transformé et préparé dans cette zone géographique définie.

Les produits AOP sont liés au territoire, ils doivent donc être produits, transformés et préparés dans une zone géographique spécifique.

La qualité ou les caractéristiques du produit doivent être dues essentiellement ou exclusivement au milieu géographique comprenant les facteurs naturels et humains inhérents au milieu, c’est-à-dire, le climat, la nature du sol et le savoir-faire local. Des exemples de vins AOP sont les vins produits et réalisés à Bordeaux, en Alsace, à Gavi, et à Cava.

Une marque IGP protège les noms des produits originaires d’un lieu, d’une région ou d’un pays spécifique, qui sont reconnus pour leur qualité, leur réputation ou autre caractéristique essentiellement attribuable à leur zone géographique définie. Le label IGP marque également les produits comme étant produits et / ou transformés dans la zone en question.

Contrairement aux produits AOP où la qualité est fortement liée à l’origine, une telle connexion immédiate n’a pas besoin d’être établie pour que le produit puisse prétendre à la protection par IGP. Il suffit, en effet, que la réputation du produit, une qualité donnée ou une autre caractéristique puisse être attribuée essentiellement à une zone géographique déterminée. Le lien entre les caractéristiques et l’origine peut ne pas être aussi fort que celui existant pour les AOP. Des exemples de vins IGP sont les vins produits et réalisés en Val de Loire et à Alto Mincio.

Les listes complètes des dénominations AOP et IGP enregistrées sont disponibles sur la base de données E-Bacchus administrée par la Commission Européenne[5].

 

Publicité pour les vins AOP / IGP

La direction générale de l’agriculture et du développement rural (DG AGRI) de l’Union Européenne mène une campagne de promotion des produits alimentaires et de boissons européennes avec des indications géographiques appelées «saveurs de l’Europe». Actuellement en exploitation en Chine, le projet promeut activement les produits IGP / AOP en Chine à travers une série de présentations et de réunions avec le gouvernement local et les acheteurs.

Le système est ouvert à tous les producteurs de produits avec une indication géographique et il représente un excellent moyen d’obtenir une exposition gratuite sur le marché chinois. Pour plus d’informations sur la façon de participer, cliquez ici.

 

Indications Géographiques en Chine

La Chine fournit une protection pour les indications géographiques à travers sa loi sur les marques en tant que marque collective ou certifiée, ce qui donne le même niveau de protection juridique et économique que pour toute autre marque. Les indications géographiques peuvent être enregistrées avec l’Administration générale de la Supervision de la Qualité, l’Inspection et la Quarantaine (AQSIQ) en tant que marques indiquant l’origine géographique et / ou la qualité de la production.

Les indications géographiques peuvent également être enregistrées en Chine par l’organisme de régulation des indications géographiques de la région auprès de l’Office des marques de la Chine (CTMO) en tant que marques collectives. Beaucoup de régions viticoles ont déjà franchi cette étape et les appellations qui bénéficient déjà d’une protection en Chine, incluent Champagne, Cognac, Napa Valley, Porto, Prosecco, et bien d’autres, cependant la majorité des régions ne sont pas encore inscrites.

Pour celles qui ne sont pas encore enregistrées, les producteurs peuvent encourager leur organisme de régulation des indications géographiques régional à faire une demande de marque collective qui doit répondre aux exigences suivantes :

  • La demande doit préciser que la demande est pour une marque collective ou une marque de certification.
  • La demande doit être présentée en chinois par un agent des marques chinois représentant l’organisme de régulation des indications géographiques régional auprès de l’Office chinois des marques.
  • Pour un enregistrement réussi, les indications géographiques doivent déjà bénéficier d’une protection juridique dans leur pays d’origine.
  • L’organisme de régulation faisant la demande de marque collective ou de certification doit également être l’organisme qui réglemente cette indication géographique dans le pays d’origine.

Enfin, il est recommandé que les organismes de régulation des indications géographiques enregistrent également une traduction en chinois de leur marque afin d’assurer une protection complète. Le ministère chinois du Commerce a publié une liste des traductions officielles des termes viticoles qui comprend de nombreuses régions et producteurs, ces demandes devant refléter celles de la langue d’origine de la marque collective / de certification.

Une fois que les indications géographiques sont enregistrées en Chine, elles jouissent de la même protection qu’une marque et peuvent être utilisées en conséquence. Comme pour les marques, il est important de surveiller le marché afin d’identifier toute violation de vos indications géographiques et d’agir contre les utilisateurs illégitimes de votre marque collective.

Toute partie intéressée peut demander l’aide d’organes administratifs de la Chine pour faire cesser la contrefaçon. Des actions telles que des raids dans les installations de production, des amendes contre les contrefacteurs, ainsi que la détention et la destruction des marchandises contrefaisantes, sont autant de solutions envisageables. Un litige civil peut également être engagé et entraîner des dommages-intérêts au profit du demandeur. Comme ces actions peuvent être exercées par toute partie concernée, plusieurs producteurs d’indications géographiques peuvent partager les charges financières nécessaires pour former de telles actions devant les tribunaux chinois, rendant ainsi les litiges comme une option beaucoup plus abordable par rapport aux litiges civils individuels.

[1] http://admi.net/jo/20040801/AGRP0401637A.html

[2] http://admi.net/jo/20040801/AGRP0401637A.html

[3] http://www.youripinsider.eu/guest-expert-davide-follador-gis-china-today/

[4] http://ec.europa.eu/agriculture/quality/schemes/index_en.htm

[5] http://ec.europa.eu/agriculture/markets/wine/e-bacchus/index.cfm?event=pwelcome&language=EN

Le dossier spécial « In Vino Veritas » est organisé par Alex Bayntun-Lees, Directeur de projet au sein du China IPR SME Helpdesk

China Helpdesk

The China IPR SME Helpdesk is a European Union co-funded project that provides free, practical, business advice relating to China IPR to European SMEs. To learn about any aspect of intellectual property rights in China, including Hong Kong, Taiwan and Macao, visit our online portal at www.china-iprhelpdesk.eu. For free expert advice on China IPR for your business, e-mail your questions to: question@china-iprhelpdesk.eu. You will receive a reply from one of the Helpdesk experts within three working days. The China IPR SME Helpdesk is jointly implemented by DEVELOPMENT Solutions, the European Union Chamber of Commerce in China and European Business Network (EBN).

 

Traduit de l’anglais vers le français par Romain PERRINE, du cabinet LLRllr_new

L’action administrative, une mesure efficace contre la contrefaçon

A part recourir à des actions judiciaires, il existe en Chine un autre moyen efficace et également bien utilisé pour lutter contre la contrefaçon de marque, il s’agit de l’action administrative.

En effet, la législation chinoise donne un pouvoir particulier à des administrations locales (plus précisément des administrations de commerce et d’industrie au niveau municipal) pour lutter contre les actes de contrefaçon de leurs ressorts administratifs.

Ces administrations peuvent décider d’entreprendre des actions Ex Officio, lorsque les actes de contrefaçon sont détectés par les officiers administratifs, ou bien elles peuvent à agir à la demande des titulaires de droits de propriété intellectuelle. Pendant ces actions administratives, la loi chinoise donne les pouvoirs aux officiers de :

  • Approcher les personnes impliquées dans la contrefaçon ;
  • Inspecter sur le lieu de la contrefaçon, y compris consulter des documents y relatifs, tels que des factures, des documents comptables, des contrats, etc. ;
  • Saisir, confisquer voire détruire les produits de contrefaçon ;
  • Ordonner la cessation des actes de contrefaçon ;
  • Infliger des amendes jusqu’à 5 fois le montant du chiffre d’affaires réalisé par les actes de contrefaçon ;
  • Transférer l’affaire à la police, lorsque les actes de contrefaçon atteignent le seuil d’une sanction pénale.

Afin d’illustrer l’ampleur de ces actions administratives, vous trouverez ci-après quelques chiffres de cette année, divulgués par l’Administration nationale de commerce et d’industrie :

Jusqu’à la fin juin 2015, l’ensemble du système de l’Administration de commerce et d’industrie a enregistré 23 900 affaires portant atteinte au droit de la propriété intellectuelle et concernant la fabrication et la commercialisation des produits de contrefaçon et de mauvaise qualité, dont 21 400 ont été clôturées. Le montant total impliqué dans ces affaires s’élève à 380 millions CNY (environ 56 millions euros).

Plusieurs raids spécifiques sont lancés par des administrations de commerce et d’industrie à la fois dans les villes développées et à la campagne. Il s’agit par exemple de la lutte contre la contrefaçon sur Internet et de la protection des indications géographiques. Certains raids sont focalisés sur les produits destinés à la purification de l’air et de l’eau potable, ainsi que sur la qualité des produits utilisés par les enfants.

Plus particulière, la lutte contre les contrefaçons sur Internet a porté des fruits : plus de 240 000 sites Internet ont été contrôlés ; 532 ont été obligés de se corriger ; 21 ont été fermés ; 28 999 annonces concernant les produits illégaux ont été supprimées ; 6 153 inspections sur terrain ont été réalisées.

Par ailleurs, parmi l’ensemble des affaires enregistrées, 126 ont atteint le seuil de qualification de crime, et donc ont été transférées à la juridiction pénale. Le montant impliqué dans ces affaires pénales s’élève à 57 950 000 CNY (environ 8 510 000 euros ) ; 237 sites de contrefaçon sont fermés.

Quant aux affaires relatives à la contrefaçon de marque, 10 873 affaires ont été enregistrées au niveau national, 9 914 ont été clôturées, avec un montant total impliqué de 150 millions CNY (environ 22 millions d’euros).

Il est à noter que les administrations chinoises n’ont pas de pouvoir pour attribuer des dommages et intérêts aux titulaires des droits. Néanmoins, la voie administrative, connue par sa rapidité et son efficacité, constitue une véritable arme pour lutter contre la contrefaçon en Chine en complément de la voie judiciaire.

Une grande banque chinoise défiée par la Cour américaine

Un juge new-yorkais a ordonné récemment à une banque chinoise, « Bank of China », de lui fournir des informations détaillées sur les comptes bancaires de personnes accusées d’avoir vendu des contrefaçons de sacs et portefeuilles de la marque Gucci aux Etats-Unis, pour une valeur estimée à plusieurs millions de dollars. Cette décision pourrait avoir une influence sur la capacité de la Cour américaine à récolter des informations sur des activités illégales auprès des banques chinoises.

Selon les enquêtes américaines et européennes sur ce sujet, les banques chinoises sont parfois des refuges pour le blanchiment massif et les contrefacteurs, ces derniers se servant régulièrement de ces grandes banques pour détourner les profits réalisés sur le sol américain vers des pays éloignés et difficilement atteignables par la justice occidentale.

Les banques chinoises, quant à elles, se sont fortement opposées à cette décision, considérant que la demande consistant à rendre publiques les informations de leurs clients est une atteinte à leur souveraineté.

Selon le juge américain Richard Sullivan, la Cour américaine a la compétence pour faire ordonner une telle mesure à Bank of China, cette dernière ayant quatre agences aux Etats-Unis et prétendant être le meilleur choix pour les transferts de dollars américains de et vers la Chine. Par ailleurs, il a mentionné dans sa décision du 29 septembre 2015 que «demander à Gucci de déclencher une telle procédure en Chine serait très long et surtout, risquerait de n’aboutir à aucun résultat».

Il est clair qu’une telle décision, si elle était confirmée en appel, pourrait être intéressante pour toutes les victimes, sur le sol américain, de contrefaçons venant de Chine. En effet, alors que l’obtention de preuves de la contrefaçon peut être une étape critique dans un procès en contrefaçon, de telles preuves peuvent s’avérer délicates à obtenir en Chine lorsque le titulaire de droits se trouve aux Etats-Unis, tout particulièrement les preuves concernant des données comptables, qui sont connues pour être difficiles à obtenir. Aussi, les informations que pourraient fournir les banques chinoises deviendraient des données précieuses, non seulement faciles à obtenir, mais en outre éclairantes concernant les revenus du contrefacteur présumé.

Néanmoins, relevons d’une part que la décision est susceptible d’appel, d’autre part que l’on peut s’attendre à ce que Bank of China soit réticente à donner une suite, car les banques chinoises essayeront de fournir le minimum d’informations.

L’actualité récente semble en fait donner raison à ces craintes : un juge américain a déclaré le 24 novembre 2015 que Bank of China risquait une amende du fait qu’elle refuse de fournir les informations. En effet, Bank of China soutient qu’elle ne peut le faire, sans quoi elle ferait infraction au droit chinois de la vie privée. Bank of China soulève par ailleurs une incompétence du tribunal de Manhattan.

Un risque serait donc que la décision de la Cour américaine, favorable aux ayants droit, ne brille nulle part ailleurs que sur le papier. Mais il y a fort à parier que la justice américaine ne restera pas sans réponse non plus.

Attendons donc la suite.

Article rédigé par Yifan ZHANG, du cabinet LLRllr_new