Une analyse des récents efforts des autorités chinoises pour lutter contre les dépôts de marques de mauvaise foi
Les squatteurs de marques font obstacle à l’enregistrement et à l’utilisation équitable des marques par leurs propriétaires légitimes. Les autorités chinoises ont entrepris des efforts constants pour mettre fin à cette situation ces dernières années. La version récemment révisée de la Loi chinoise relative aux marques, ainsi qu’une décision intéressante de la Cour suprême chinoise rendue en fin d’année dernière, semblent être des signes positifs d’amélioration de la protection juridique contre les dépôts de marques de mauvaise foi sur le marché chinois. Cependant, étant donné que le droit chinois des marques applique le principe du premier déposant, faisant bénéficier de la protection la première personne à enregistrer la marque, indépendamment du fait qu’elle l’ait utilisée ou prévoie de l’utiliser, les dépôts de marques de mauvaise foi sont et demeureront en Chine un défi pour les années à venir. Nous vous proposons d’analyser ces évolutions récentes de la loi et de la jurisprudence chinoises et expliquer pourquoi les dépôts de mauvaise foi constituent une situation particulièrement difficile à gérer pour les autorités chinoises.
En septembre 2007, Wenger S.A. dépose en classe 25 la demande de marque « SWISSGEAR » auprès de l’Office chinois des marques. S’ensuit une épopée administrative de plus de 10 ans, la demande de marque ayant récemment fait l’objet d’un rejet final de la part de la Haute Cour de Pékin. Nous vous proposons de revenir sur cette affaire et, à cette occasion, de vous en dire plus sur la protection des marques incluant un nom de pays.
La saga Louboutin vient une nouvelle fois de faire parler d’elle, cette fois-ci en Chine où, pour la première fois, il a été reconnu qu’une marque pouvait être constituée de la position d’une couleur précise à un endroit spécifique.
Sous priorité de sa marque britannique du 15 novembre 2007, M. Christian Louboutin avait déposé une demande d’enregistrement de marque internationale n°1031242 pour sa fameuse semelle de couleur rouge, désignant notamment la Chine et visant les produits « chaussures pour dames » en classe 25, composée du signe suivant :
La demande d’enregistrement comprenait également la précision suivante :
« Rouge – Pantone numéro Pantone 18.1663TP.
Cette marque se compose de la couleur rouge (Pantone n° 18.1663TP) s’appliquant à la semelle de la chaussure, telle que représentée (le contour de la chaussure ne fait pas partie de la marque mais sert uniquement d’illustration) ».
Selon l’Article 8 de loi chinoise sur les marques, « tout signe, capable de distinguer les produits et services d’une personne physique, morale ou de toute autre organisme de ceux d’un tiers, y compris les mots, dispositifs, lettres, chiffres, signes 3D, combinaison de couleurs, sons… ainsi que la combinaison des éléments ci-dessus peut faire l’objet d’une demande d’enregistrement à titre de marque ».
La demande d’enregistrement de M. Louboutin avait été rejetée après examen par le Chinese Trademark Office, puis par le Trademark Review and Adjudication Board (TRAB) suite au dépôt d’un appel, car il avait été retenu que le signe objet de la demande constituait une marque figurative (un logo) dénuée de caractère distinctif.
L’affaire avait été portée devant la Beijing Intellectual Property Court en première instance.
Celle-ci a considéré que le signe constituait une marque 3D et a renvoyé l’affaire devant le TRAB pour qu’il revoie sa décision selon la typologie du signe retenue.
Suite à un nouveau refus du TRAB, l’affaire avait ensuite été portée en seconde instance devant la Beijing High Court, qui a rendu sa décision en décembre dernier.
Elle a considéré que le signe en cause ne constituait pas une marque 3D, ni une marque figurative mais une marque constituée d’une couleur apposée à un endroit spécifique (sur la semelle de la chaussure à talon).
Ce type de signe pouvait constituer une marque susceptible d’être enregistrée selon l’article 8 de la loi chinoise sur les marques puisqu’il n’était pas spécifiquement exclu de son champ d’application.
L’affaire a donc été renvoyée une nouvelle fois devant le TRAB, qui devra se prononcer sur le caractère distinctif de cette marque de position, en prenant en compte tous les éléments la constituant.
Il convient de retenir de cette décision, qui n’est pas encore la dernière étape de la procédure, que la Chine semble vouloir se tourner vers une application plus libérale de la loi sur les marques, afin de pallier la prudence dont faisaient jusqu’alors preuve les Examinateurs chinois et les tribunaux en rejetant systématiquement les demandes « non-traditionnelles » de ce type.
Toutefois, certaines exigences restent, comme le fait d’indiquer à la fois la teinte précise de la couleur et sa position.
Nous attendons maintenant avec impatience la nouvelle étude de cette affaire par le TRAB au regard des éléments apportés par la cour de Pékin.
Depuis plusieurs années, les sociétés étrangères sont confrontées à une nouvelle pratique de la Cour de PI de Pékin qui peut avoir des conséquences importantes sur leur capacité à obtenir gain de cause dans les litiges concernant la PI. Il s’agit d’une modification des règles administratives internes de la Cour, qui, semblerait-il, n’a fait l’objet d’aucune annonce ni explication, et qui concerne les documents à fournir par les entreprises souhaitant former un recours devant la Courde PI de Pékin. Ces nouvelles règles, d’abord appliquées avec une certaine flexibilité, ont commencé à poser des problèmes importants depuis l’année dernière.
Controverses en Chine sur des cas de contrefaçon par des équipementiers (OEM) de produits fabriqués en Chine destinés uniquement à l’exportation
Comme nous le relatons depuis maintenant plusieurs années sur ce blog, la protection des droits de PI connaît des avancées importantes en Chine, puisque les autorités chinoises se montrent de plus en plus désireuses de lutter contre la fabrication de produits de contrefaçon en Chine. Cependant, certaines zones grises, pouvant porter préjudice aux titulaires de droit, persistent encore. C’était notamment le cas de la question épineuse de l’application du droit des marques aux produits d’équipementiers dits OEM.
Pourquoi les équipementiers OEM ont une position particulière concernant la contrefaçon ?
Déjà amendée à trois reprises depuis sa création en 1984, la loi des brevets en Chine est en constante évolution. Nous vous avions déjà fait part du projet de réforme la concernant (ici et ici). Depuis 2012, plusieurs versions du texte de révision ont été publiées pour commentaires et l’ensemble des acteurs du secteur attend avec impatience son adoption.
La Cour Suprême Chinoise a récemment rendu un arrêt qui limite fortement les possibilités de modifier les revendications de type Markush lors d’une procédure d’invalidation.
Nous avions relaté dans notre article du 21 octobre 2016 que le dépôt de la marque sonore « DiDiDiDiDiDi » n° 14502527 en classe 38 par la société Tencent Technology CO Ltd (« Tencent ») auprès de l’Office des marques chinois le 4 mai 2014 avait été refusé pour défaut de caractère distinctif.
Le son « DiDiDiDiDiDi » est celui que l’on entend lorsqu’un message arrive sur l’application de messagerie instantanée Tencent QQ, une application très populaire en Chine.
Le recours formé par Tencent auprès du Trademark Review and Adjudication Board (TRAB) a également donné lieu à une décision de refus d’enregistrement le 18 avril 2016, le TRAB considérant que le son n’avait pas de caractéristiques spécifiques qui permettraient aux consommateurs d’identifier l’origine des services.
Suite à cette décision, Tencent a formé appel auprès de la Cour de la Propriété Intellectuelle de Pékin.